Nouvelle promesse de Draghi
Le président de la BCE a reformulé la même promesse qu’en octobre 2015 de réexaminer sous peu la politique monétaire européenne. Et les marchés de bondir.
Une simple promesse suffit. La semaine dernière a commencé en mineur. Il est vrai que la référence, le marché new-yorkais, était fermée lundi. Puis, le prix du baril n’a cessé de dégringoler, entraînant les autres marchés dans son sillage. C’est alors qu’est arrivé Super Mario (Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne) annonçant qu’il allait adapter sa politique monétaire aux conditions actuelles. En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, les pertes accumulées jusqu’alors ont disparu. L’euphorie s’est répandue sur tous les marchés. Qu’est-ce qui avait changé ? Rien, en fait. Draghi s’est abstenu de formuler de nouveaux projets et s’est contenté de défendre le bienfondé de sa politique. Officiellement, le taux d’inflation atteindra les 2% d’ici à la fin de l’année, comme prévu dès septembre 2014. Mais au vu de l’inflation actuelle de 0,2%, de la baisse continue du prix des matières premières et du tassement conjoncturel, les chances sont maigres que ce taux soit jamais atteint.
Réaction technique
Ce qui s’est déroulé la semaine dernière n’est autre qu’une réaction technique. Il est en effet anormal que tous les marchés aient pointé dans la même direction. Du moins, si l’on se réfère à leurs indices principaux. Il est vrai que les marchés sont interdépendants par la présence des produits dérivés. Leur nombre dépasse depuis des années celui des valeurs sous-jacentes qu’ils représentent. Ces produits ne sont plus utilisés pour ce qu’ils sont, à savoir des assurances, mais pour leur effet de levier. Ils interagissent en permanence avec les autres marchés. Normalement, les produits dérivés doivent s’adapter à l’évolution de leur sous-jacent. Or depuis longtemps déjà, c’est l’inverse qui se produit, causant plus d’instabilité et de volatilité. Dès qu’un marché se met en branle, l’effet de levier des produits dérivés exagérera l’évolution de ses cotations. C’est ce qui s’est produit la semaine passée.
On peut donc raisonnablement s’attendre à quelques corrections dans les jours à venir. Et si ces dernières sont trop rapides et trop fortes à la fois, elles déstabiliseront les marchés derechef. Cet aspect technique n’a donc pas grand-chose à voir avec la décélération conjoncturelle chinoise ou une quelconque surproduction, comme on nous le serine à longueur de commentaires. Ces facteurs déterminent néanmoins la tendance sur le long terme. Mais il suffit d’un élément distordant pour qu’à cause de la présence de produits dérivés les marchés réagissent avec exagération.
Deutsche Bank : lourde perte
Il n’est donc pas question de la formation d’un plancher ou d’une reprise quelconque. Au contraire, d’autres dangers pointent à l’horizon. L’un des plus dangereux émane du secteur bancaire. Comme indiqué plusieurs fois déjà, ce secteur est loin d’être sorti de l’embarras. Depuis que la crise l’a touché, ce secteur n’a finalement rien entrepris pour se redresser. Il a reçu un appui financier de ses gouvernements et a pu transférer une large partie de ses créances insolvables vers des institutions spécialement créées à cet effet, jouissant généralement de la garantie de l’État. Mais d’autres créances subsistent qui ont, elles, été camouflées par quelques écritures comptables.
Ces créances existent toujours et à leur échéance, si on ne parvient pas à les renouveler, doivent être réglées. Plusieurs banques, et non des moindres, rencontrent aujourd’hui de graves difficultés dans ce domaine. Ces problèmes semblent tellement épineux que la BCE, laquelle supervise depuis peu la plupart de ces banques, leur offre son assistance pour mesurer l’ampleur du sinistre. Selon des estimations non confirmées, ces créances insolvables se chiffraient à quelque 700 milliards d’euros (EUR). La Deutsche Bank a récemment dû reconnaître une perte de 7 milliards de EUR.
Remboursements anticipés
Un autre facteur qui perturbera les marchés concerne les remboursements prématurés de dettes contractées par des entreprises issues des pays émergents. Des sociétés russes et chinoises s’empressent actuellement de remplacer leurs dettes en USD contre de nouvelles libellées dans la monnaie locale. Le risque de change qu’elles encourent semble supérieur aux taux d’intérêt plus défavorables de ces nouvelles émissions. Les opérateurs sur le marché international voient d’un mauvais oeil cette nouvelle tendance. Premièrement parce que les emprunts remboursés prématurément rapportaient gros. Ensuite, parce qu’ils ne participent pas aux nouvelles émissions et n’ont plus d’emprise sur ces emprunteurs.
Ces remboursements anticipés expliquent aussi en partie la faiblesse des devises concernées. Que le rouble (RUB) fléchisse suite à la chute du prix du barils ne fait aucun doute. Mais il souffre aussi de ces remboursements. Les sociétés les opérant doivent en effet acheter des USD contre la monnaie locale.
Add-ons
Un autre facteur cause à son tour pas mal d’interrogations. On constate depuis plusieurs mois une baisse sensible des add-ons lors des adjudications de bons du Trésor américain. Les banques centrales du monde entier investissent leurs USD dans ce genre de papier. Elles participent aux adjudications sans se soucier du prix et par conséquent du taux rémunérateur de ces titres. Leur participation est automatiquement ajoutée à celle des opérateurs du marché. Les États-Unis se sont de la sorte financés à vil prix durant des décennies. Les add-ons représentaient parfois près de 30% du total des adjudications. Mais depuis que la crise sévit, la participation de la Russie et de la Chine, pour ne citer que les deux principaux participants, a disparu. Pis, ces deux pays vendent systématiquement les bons qu’ils détiennent encore et réinvestissent le produit de ces ventes en or. L’importance de l’USD au niveau international s’amenuise donc à cause de ces ventes, l’influence des États-Unis également.
Le jour où ces facteurs ainsi que d’autres agiront de concert, leur pression sur le billet vert deviendra intenable et les marchés qui en dépendent en pâtiront. Ce que nous avons vécu depuis le début de l’année n’est qu’un avant-goût de ce que nous réserve l’avenir. Un soliton (une vague géante et meurtrière) est en formation.
Le marché des changes a été fortement secoué la semaine passée. Les devises ont été chahutées et la plupart sont parvenues à recouvrer leurs pertes en fin de semaine. Le dollar australien (AUD) a récupéré 3,35%, le canadien (CAD) 3,5% et le néo-zélandais (NZD) 3%. Parmi les devises à haut rendement, le rand (ZAR) a repris 3,2%, alors que le RUB a réussi à limiter ses pertes à 1,4% et le réal (BRL) à 0,9%. L’USD pour sa part a gagné 1%.
Attentisme
L’attentisme était de rigueur sur le marché des capitaux. L’activité n’a repris que jeudi dernier, après les déclarations de Draghi. Les oscillations des cours étaient cependant spectaculaires. On a été surpris de la forte remontée des titres liés au secteur énergétique en EUR et en USD, hormis ceux d’entreprises américaines. Casino, la chaîne française de supermarchés, a vu ses obligations dégringoler suite à l’annonce d’une probable rétrogradation de la part de l’agence de notation Standard & Poor’s. Dans l’ensemble, aucune tendance précise n’était perceptible. Les taux d’intérêt se sont cependant tassés.
Le marché primaire s’est lui aussi arrêté en début de semaine. Les banques continuaient néanmoins d’émettre à tout va, principalement des coupons nuls. Que la qualité engendre des différentiels de rendement peut se constater avec les trois emprunts à trois ans en USD. Leurs conditions sont techniquement correctes. Si vous avez des nerfs solides, une petite randonnée d’un an avec la BERD (AAA, supranationale) en RUB vous conviendra. Son surrendement couvre un risque de change face à l’EUR de 9,8%. Sachez toutefois que le RUB a perdu 6% depuis le début de cette année !
Obligations
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