L’incertitude américaine se ressent
Le monde entier attend avec impatience la décision du Congrès américain concernant le relèvement du plafond budgétaire du pays. Si aucune décision ne tombe d’ici le 17 octobre, les Etats-Unis seront virtuellement en banqueroute.
Tout le monde se persuade que les parlementaires agiront dûment d’ici-là. On le constate à la réaction plutôt euphorique des Bourses, à la stabilité des taux d’intérêt ainsi qu’à la baisse du cours de l’or. La nomination de Janet Yellen à la succession de Ben Bernanke à la tête de la banque centrale du pays (Fed) a calmé les esprits. On estime, en effet, que la nouvelle présidente poursuivra la politique monétaire laxiste durant une année ou deux.
Pourtant, le danger n’est pas encore écarté. Tout comme le président Obama s’étant inutilement compliqué la vie avec les armes chimiques syriennes, bon nombre de parlementaires en ont fait de même en s’imposant des contraintes idiotes. Il faudrait l’intervention d’une sorte de Poutine pour résoudre l’impasse sans que personne n’y perde la face. Il est probable que les membres du Congrès proposeront une prolongation de six semaines, leur permettant de trancher l’affaire une fois pour toutes.
L’affaire serait de la sorte momentanément résolue. Une telle décision augmenterait toutefois l’instabilité. Certains effets étatiques, comme les T-Bills, des certificats de trésorerie à très court terme, sont évités actuellement. Lors de la plus récente adjudication, leur taux d’intérêt a augmenté de 30 points de base, partant de… 0 ! Les investisseurs ne savent plus comment se couvrir contre un défaut de paiement de l’Etat. Aucun modèle économique n’envisage une telle éventualité.
Même un report de quelques jours des règlements poserait problème. C’est que les T-Bills sont à la base de l’activité des repos, des contrats d’échange à très court terme (de quelques heures à quelques semaines) permettant à une partie d’obtenir de l’argent frais en le gageant sur ces certificats. Tout le système financier repose sur ces contrats. L’activité des repos avoisine 2.000 milliards de dollars (USD) par jour ouvrable ! Pour conserver ces échanges, il est indispensable que le gage soit fiable.
Le taux d’intérêt des T-Bills remplit lui aussi une fonction particulière. Il sert de référence à nombre de contrats commerciaux, à l’instar du LIBOR. On l’utilise aussi pour déterminer la valeur de produits dérivés financiers. Le T-Bill remplit par conséquent plusieurs fonctions à la fois, indispensables au système financier actuel. Il n’existe aucune alternative pour l’instant. Si sa fiabilité est mise en cause, on comprendra que les marchés deviendront de plus en plus instables. Il semble que la majorité des parlementaires américains n’aient aucune conscience de ce danger.
L’impasse actuelle a, en outre, attisé la guerre des devises. Toutes les monnaies à haut rendement ont gagné du terrain la semaine passée. Seul le rouble (RUB) a fait du surplace. Il est vrai que la banque centrale du pays vient de décider l’élargissement de la marge de fluctuation de la monnaie par rapport au dollar et à l’euro (EUR). Officiellement, la mesure est destinée à redresser la balance commerciale du pays. Dans la réalité, elle vise à faire payer les spéculateurs tout mouvement erratique de la devise. Les analystes ont d’ailleurs craint la chute du RUB. Mais il n’en a rien été. Au contraire même, les capitaux ont convergé vers la Russie.
De nouvelles inquiétudes frappent à nouveau le secteur bancaire européen. L’EBA, l’autorité bancaire européenne, prépare de nouvelles mesures visant la valorisation des actifs bancaires. On sait que depuis 2009, les banques peuvent déterminer à leur guise la valeur de leurs actifs. Elles doivent simplement veiller à être en mesure de persuader les instances de surveillance du bienfondé de leur approche. Leur valorisation doit être fiable à 90%. A défaut, elles doivent déprécier les actifs, ce qui, inévitablement, requerra de leur part davantage de provisions.
Les banques fulminent et prétendent qu’elles sont assaillies par trop de mesures contradictoires qui diffèrent selon l’instance qui les promeut. Il est vrai que, selon la procédure choisie, les fonds propres d’une banque peuvent passer du simple au double. On peut donc se poser la question sur l’efficacité réelle de toutes ces mesures. Il est cependant clair, si on veut éviter une catastrophe dans le futur, qu’il faut être à même de valoriser le mieux possible les actifs détenus, sans quoi on restera incapable d’en chiffrer le risque. La méfiance prévaut aujourd’hui dans ce domaine. Et pour cause : JPMorgan Chase, par exemple, vaut 2.000 milliards USD si on la valorise selon la méthode américaine, et 4.000 selon l’approche européenne !
L’activité sur le marché obligataire international est restée modeste durant la semaine écoulée. Ce qui n’a pas empêché de forts soubresauts dans les cotations. Une majorité de titres ont fléchi dans les devises principales, tandis qu’ils se redressaient fortement dans les exotiques. Les mouvements n’avaient pas beaucoup d’incidence sur les échelles des taux d’intérêt qui n’ont pratiquement pas bougé. Ce qui a plus surpris, c’est la baisse des émetteurs supranationaux et souverains alors que les titres de pacotille progressaient fortement. Quasiment toutes les souveraines sud-américaines se sont redressées en USD.
On notait une légère reprise de l’activité sur le marché primaire. L’armateur allemand Hapag Lloyd (B2) a surpris les investisseurs en lançant une nouvelle tranche de 150 millions EUR pour son emprunt vieux de moins d’un mois. Le prix demandé est particulièrement attrayant et se situe sous le cours de la tranche précédente (101,75% contre 103,25%). Il est peu probable qu’on trouve encore les titres neufs à ces conditions. L’émission à 10 ans du producteur d’énergie allemand RWE (BBB+) a facilement trouvé preneur. Le rendement proposé de 3,1% affiche un différentiel de 0,68% au-dessus de la moyenne du marché, ce qui est plutôt chiche.
La nouvelle tranche en dollar australien (AUD) d’ABN Amro Bank (A) profite de l’embellie subite de ce secteur du marché. Les conditions d’émission sont plus favorables que celles du marché. Le titre ne convient cependant que pour un remplacement. Mieux vaut encore éviter les banques. La BEI (AAA, supranationale) augmente son émission à cinq ans en lire turque (TRY) de 75 millions, portant le total à 250. Les conditions de souscription sont peu attrayantes. Les titres existants s’échangent à 88,89% (8,09%) et gardent l’avantage tant que frais et différence de prix ne dépassent pas 4,59%. Le titre ne s’adresse qu’à ceux qui ont une perte de change à récupérer. ANZ (AA-) en dollar néo-zélandais (NZD) est convenable.
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