Le yuan chinois monte en puissance
Une montée en puissance qui sonne irrémédiablement le glas du dollar.
Il y a à peu près deux ans, le gouverneur de la Banque centrale américaine (Fed), Ben Bernanke, innovait. Il allait dorénavant annoncer la politique monétaire qu’il comptait mener, afin de ne pas surprendre les marchés. Marc Carney, son homologue canadien, formulait la même volonté peu après sa nomination à la tête de la Banque d’Angleterre. Les deux banques centrales lieraient leur politique monétaire à l’évolution du chômage. Au départ, la Fed relèverait automatiquement ses taux directeurs dès que le taux de chômage passerait sous la barre des 7%. Malheureusement, ce taux a fléchi rapidement alors que la conjoncture ne s’améliorait pas significativement. La Fed a promptement abaissé le seuil jusqu’à 6,5%.
La Banque anglaise pratiquait une politique similaire. Le taux de chômage dictait là aussi les mesures à prendre. Et tout comme aux Etats-Unis, ce taux fléchissait beaucoup plus vite que prévu, sans amélioration de la conjoncture. Janet Yellen, succédant à Bernanke, a tenu sa première allocution devant le Congrès américain. Elle y a annoncé qu’elle abandonnerait cette politique prospective et ne la lierait certainement plus à une seule donnée économique. De plus, elle a souligné que les chiffres concernant le chômage ne rimaient pas avec ceux de l’embauche. Les premiers diminuaient bien trop rapidement par rapport au redressement des seconds. Une contradiction que nous avions déjà relevée.
D’après les dernières statistiques en la matière, le chômage frapperait 6,6% de la population active, très proche donc du seuil de 6,5% devant enclencher une hausse automatique des taux directeurs. Pour éviter que la Fed n’étouffe la fragile relance du moment, son gouverneur a décidé de changer de cap. Il en allait de même avec Carney en Grande-Bretagne. Si ce dernier croit fermement en une relance robuste, il doute que celle-ci augmente l’embauche. Il suppose que les entreprises britanniques préféreront allonger la durée du temps de travail plutôt que d’attirer des nouvelles recrues. Une explication comme une autre.
Quoi qu’il en soit, la politique prospective qui devait apaiser les marchés est révolue. Les banques centrales ont repris leurs vieilles habitudes. Une attitude qu’on peut difficilement réconcilier avec l’optimisme affiché sur la relance actuelle. Même la Banque centrale européenne (BCE) se demande ce qu’elle pourrait faire pour redresser la conjoncture moribonde de la zone qu’elle a sous contrôle. Elle pense réduire encore plus ses taux directeurs, voire les rendre négatifs. Elle pourrait aussi imaginer de nouvelles mesures lui permettant d’inonder les banques d’argent frais.
Le glas sonne pour le dollar
Dans l’intervalle, l’euro (EUR) a cédé sa deuxième place au yuan chinois (CNY) comme devise de référence pour les contrats commerciaux. C’est ce que dévoile un rapport de la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (SWIFT). La Chine permet déjà l’utilisation du CNY sur les marchés qu’elle contrôle, comme celui de Shanghaï. Elle promeut aussi l’émission d’obligations en CNY négociées en dehors du territoire, les Dim Sum. Ces dernières peuvent s’échanger à un autre taux de change que celui du CNY, appelé pour la circonstance CNH, désignant le yuan offshore ou extraterritorial. On le constate, la montée en puissance du CNY est manifeste et sonne irrémédiablement le glas du dollar (USD).
Les devises qui ont récemment fait l’objet d’attaques féroces se sont redressées la semaine dernière, hormis le rouble russe (RUB) qui a perdu 2%, et le réal brésilien (BRL) qui a cédé 1,35%. Le redressement des autres était en partie dû à l’effritement de l’USD qui s’est tassé de 1% par rapport à l’EUR. Le rand sud-africain (ZAR) a progressé de 0,6%, la lire turque (TRY) de 0,7% grâce au succès du placement d’un emprunt d’Etat pour la somme de 1,5 milliard USD sur une durée de 31 ans. Le dollar australien (AUD) a résisté malgré la détérioration inopinée de son taux de chômage. Son homonyme néo-zélandais (NZD) a gagné 0,5%.
La situation sur le marché des capitaux était particulièrement contrastée. Les émetteurs souverains ont affiché une meilleure performance que celle des autres, excepté ceux des pays émergents. Les titres industriels de meilleure qualité ont mieux progressé que ceux de pacotille. Les gains restaient cependant minimes. On dénombrait quasiment autant de titres orientés à la hausse qu’inversement dans les principales devises, contrairement aux devises liées aux matières premières où le nombre de titres en hausse était de deux à trois fois supérieur à ceux orientés à la baisse.
En attendant le revirement des taux
Les banques continuent de lancer maints emprunts sur le marché primaire. Les institutions étatiques et européennes ont elles aussi émis de très gros emprunts. Tout le monde semble vouloir profiter de la modicité des taux d’intérêt avant que leur revirement ne s’effectue. Les petits porteurs n’étaient pas à la fête la semaine passée. Aucun emprunt en EUR ne leur était destiné. Tous s’adressaient aux institutionnels. Les petits porteurs devaient se contenter de ce qu’on leur proposait dans les devises exotiques. La Rabobank (AA-) en AUD est acceptable. La BEI (AAA, supranationale) en BRL n’est pas mal mais si vous parvenez à contenir frais et différence de prix en dessous de 0,8%, optez pour la KfW (AAA, avec garantie de l’Allemagne, alt.2) sur le marché secondaire.
Ce même débiteur lance par ailleurs une nouvelle tranche en NZD. Ses conditions sont correctes. Il y a 189 jours d’intérêts encourus à régler. Vous trouverez néanmoins mieux sur le marché secondaire, comme cette Kommunalbanken (AAA, avec garantie de la Norvège, alt.4) qui garde la préférence tant que frais et différence de prix ne dépassent pas 1,04%. Si vous avez une perte de change à recouvrer en TRY, n’achetez surtout pas la nouvelle Banque Mondiale (AAA, supranationale) malgré ses conditions conformes. Optez pour un titre sur le marché secondaire cotant sous le pair (100%), comme la BERD (AAA, supranationale, alt.5).
Les deux nouvelles tranches en ZAR au nom de la BEI sont peu intéressantes. La première (BEI 9%), où il y a lieu de régler 62 jours d’intérêts encourus, est techniquement correcte mais nous n’achèterions jamais une ZAR au-dessus du pair. La seconde (BEI 6%), où il y a lieu de régler 123 jours d’intérêts encourus, est trop chère. Optez pour celle-ci (alt.7) tant que frais et différence de prix n’excèdent pas 1,48%. Si vous avez toujours confiance dans le dollar et l’utilisiez effectivement, toutes les émissions de la semaine passée vous conviendront. Leurs conditions sont conformes mais vous trouverez parfois mieux sur le marché secondaire.
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