Le point sur les devises (I)
Pour protéger les portefeuilles contre le ralentissement de la croissance et autres revers, de plus en plus d’experts recommencent à conseiller d’investir dans les obligations. La diversification étant essentielle, nous passons en revue, en deux volets, les principales devises régulièrement évoquées sous cette rubrique.
Dollar américain
A tout seigneur, tout honneur: nous commencerons par le dollar américain. En début d’année, nous qualifiions l’envolée de l’inflation d’une des données les plus marquantes de 2021 – peu d’observateurs avaient prévu une telle flambée. Si la poussée a légèrement ralenti ces six derniers mois, elle s’est accrue d’un point de pourcentage au total depuis janvier. L’inflation aux Etats-Unis atteint par conséquent 8,58%.
Les taux d’intérêt ont eux aussi fortement augmenté. De 0,95% au début de 2021, ils s’établissaient à 1,44% fin décembre. Et ce n’est pas fini. Le taux des bons du Trésor à 10 ans s’élève actuellement à 3,15%. Les taux longs suivent les taux directeurs, qui viennent d’être relevés de 0,75 point de pourcentage, pour atteindre 1,5-1,75%, soit la plus forte hausse depuis 1994. Mais cela ne suffira pas à faire reculer l’inflation. Jerome Powell, le président de la banque centrale américaine, a fait savoir que les taux allaient devoir remonter de manière significative encore. Les banquiers centraux prédisent que le taux directeur terminera l’année à 3,4%. Cette envolée devrait peser sur les perspectives de croissance pour 2022. Nous estimons que le PIB américain ne progressera pas de plus de 1,7%, contre 2,8% escomptés en mars encore.
Le dollar reste pourtant un véritable rocher dans la tempête. La situation de la plupart des autres pays occidentaux n’étant guère plus brillante, il est peu probable que le billet vert se déprécie. Ceci étant, l’euro lui oppose une résistance farouche, à laquelle sa forte progression se heurte actuellement.
Dollar canadien
Le dollar canadien (CAD) évolue plus ou moins de la même manière que son grand frère américain. Il a gagné 6% face à l’euro depuis janvier – les Canadiens paient actuellement 1,36 CAD pour un euro, contre 1,42 CAD encore en début d’année. Le pays profite de l’emballement des prix de l’énergie et des matières premières: son économie a progressé d’un appréciable 3,1% au premier trimestre.
Le dollar canadien reste une devise intéressante pour l’investisseur en obligations.
Comme partout ailleurs ou presque, l’inflation prévisionnelle a été revue à la hausse. L’évolution de l’indice des prix à la consommation devrait toutefois ralentir légèrement dans les mois qui viennent, avant de renouer avec des niveaux plus acceptables en 2023. Simultanément, les chaînes d’approvisionnement redeviendront à peu près normales. Les prix de l’énergie reculeront et la croissance économique ralentira.
Nous estimons que la banque centrale du Canada relèvera son taux directeur à 3,25% (le double du niveau actuel) d’ici à la fin de l’année. Les taux longs vont continuer à augmenter dans la foulée; le taux à 10 ans pourrait même franchir la barre des 3,5%. Ces hausses continueront à soutenir le CAD, une devise toujours intéressante pour les investisseurs en obligations.
Dollar australien
L’Australie a relevé en mai, pour la première fois depuis 12 ans, son taux directeur de 25 points de base (de 0,1% à 0,35%). Cela n’ayant pas suffi, elle l’a augmenté de 50 points de base encore, à 0,85%, début juin. D’après Philip Lowe, l’actuel gouverneur de la banque centrale australienne, l’inflation va pourtant continuer à grimper; ce n’est qu’à partir de 2023 qu’il prévoit un retour à l’objectif de 2-3%. L’inflation atteint actuellement 5,1%, soit son niveau le plus élevé depuis 20 ans.
La remontée du taux directeur a fait gagner 7 points de base au taux australien à 10 ans, actuellement arrêté à 3,55%. Etonnamment, le dollar australien (AUD) n’en a pas énormément profité. D’après les experts, l’économie du pays est trop dépendante des exportations chinoises; et comme la situation est difficile là-bas aussi, les négociants en devises ne se précipitent pas. L’AUD n’est pas notre devise de prédilection en ce moment. Sa valeur évolue dans des limites très étroites depuis 8 ans.
Dollar néo-zélandais
La monnaie néo-zélandaise (NZD) présente une évolution similaire à celle de sa voisine australienne. A quelques exceptions près, sa courbe est horizontale depuis 20 ans. Les économies des deux pays n’ont pourtant rien à voir l’une avec l’autre. La Nouvelle-Zélande est extrêmement tributaire de l’agriculture; à elle seule, la petite part de la population qui travaille dans ce secteur assure la moitié environ des revenus d’exportation.
Les demandeurs d’emploi sont rares et comme le gouvernement limite l’immigration, il n’y a rien à attendre de ce côté-là non plus, ce qui intensifie la pression inflationniste. La banque centrale néo-zélandaise a augmenté à deux reprises en peu de temps son taux directeur de 50 points de base, pour le porter à 2%. L’inflation pourrait atteindre 6% cette année. La tension devrait retomber à partir de l’an prochain. Nous recommandons d’attendre.
Livre sterling
Cela fait 10 ans que la livre sterling (GBP) perd de sa valeur, et le Brexit ne l’aura pas aidée, tant s’en faut. Au début de 2002, les Britanniques payaient 0,60 livre pour un euro; ils déboursent aujourd’hui 0,86 livre, soit 43% de plus. La Banque d’Angleterre a relevé son taux directeur à quatre reprises cette année, chaque fois de 0,25%, pour le porter à 1,25%. Malgré les légères remontées actées à ces occasions, la GBP est, en définitive et historiquement, une monnaie relativement faible.
L’économie britannique souffre énormément des effets de la guerre en Ukraine. Elle pourrait progresser de 3,6% encore cette année, mais sa croissance sera nulle en 2023. L’inflation, en revanche, pourrait atteindre 8,8% en moyenne, pour ne baisser que légèrement, à 7,4%, l’an prochain. Le pays entrerait dès lors en stagflation (inflation sur fond d’arrêt, voire de recul, de l’économie). Il est donc peu intéressant pour l’instant d’investir en GBP.
Obligations
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