La Russie à contre-courant
Peu d’investissements sont actuellement plus à contre-courant que les actions russes. Pourtant, celles-ci paraissent très attrayantes selon tous les critères de valorisation classiques.
Les actions de l’indice MSCI Russia s’échangent en moyenne à moins de 5 fois le bénéfice attendu et à 0,7 fois la valeur comptable à peine. Les actions russes sont ainsi – et de loin – les moins chères de tous les marchés émergents. Leur valorisation s’approche même du niveau qu’elles avaient atteint lors de la crise de 1998.
Pourtant, les investisseurs ne se bousculent pas pour investir en Russie, et il y a plusieurs raisons à cela. Car avant même le récent regain de tensions géopolitiques, la Russie n’était pas particulièrement connue pour être un paradis de la finance. Transparency International a décrit à plusieurs reprises le pays comme l’un des plus corrompus au monde, et la situation a eu plus tendance à se dégrader qu’à s’améliorer au cours de la décennie écoulée. La Russie n’était pas non plus un miracle de croissance avant son ingérence en Ukraine. Le produit intérieur brut russe a progressé de 1,3% l’an dernier et on table sur une croissance de 2,4% pour 2014. Un objectif qui semble peu réaliste aujourd’hui.
Incertitude
Le principal handicap de la Russie comme destination d’investissement est cependant l’incertitude qui plane sur le pays. Quelles sanctions le reste du monde va-t-il prendre à la suite de l’annexion de la Crimée ? Et quel impact auront-elles sur l’économie russe ? Jusqu’à présent, l’Occident s’est contenté de montrer ses muscles. Les obligations plus strictes en matière de visa et le gel des avoirs de quelques riches Russes à l’étranger ne font guère impression.
Ceci dit, le risque que la situation dérape complètement et que l’on retombe dans une deuxième Guerre froide n’est pas écarté. Trop de choses se sont passées pour les ignorer. La probabilité que le conflit disparaisse un peu de l’actualité est dès lors plutôt réduite. Dans le pire des cas, la Russie expropriera les actifs étrangers présents sur son sol et sera bannie des marchés financiers internationaux. Entre ces deux scénarios extrêmes, de nombreuses gradations sont possibles.
Il est un fait que l’Europe, notamment, n’a absolument aucun intérêt à envenimer la situation. La Russie est la source d’énergie la moins chère pour le Vieux Continent, et des sanctions plus dures reviendraient à se tirer une balle dans le pied. Aux Etats-Unis, qui ont largement retrouvé leur autosuffisance énergétique grâce à la révolution du gaz de schiste, ces considérations ont beaucoup moins cours.
Nous estimons que ces incertitudes sont déjà intégrées dans le cours des actions russes. Certes, de nouvelles baisses ne sont pas inenvisageables en cas d’escalade du conflit. Mais nous sommes d’avis que le bon sens finira par l’emporter.
Market Vectors Russia ETF (RSX)
Il existe plusieurs trackers et produits dérivés qui jouent la carte de la Russie, mais nous nous concentrons ici sur l’ETF le plus grand, et donc de loin le plus liquide. Il s’agit du Russia ETF de la famille Market Vectors, émise par Van Eck Global. Cet ETF, coté sur le New York Stock Exchange (ticker : RSX) depuis avril 2007, affiche entre-temps environ 1,2 milliard USD sous gestion. Il éclipse ainsi tous les autres trackers sur la Russie. RSX est aussi très liquide avec un volume de transactions journalier moyen de 6,3 millions de titres au cours des trois derniers mois. La liquidité a même encore augmenté ces dernières semaines : des volumes de plus de 25 millions ETF n’étaient pas inhabituels. La valeur sous-jacente est le Market Vectors Russia Index. Il s’agit d’un indice pondéré selon la capitalisation qui compte 48 entreprises. Pour figurer dans l’indice, une entreprise doit avoir son siège en Russie ou y réaliser au moins la moitié de son chiffre d’affaires. Plusieurs exigences minimales sont également imposées en termes de liquidité et de capitalisation boursière. Dans la pratique, la plupart des participations sont cotées à Londres et à New York. A la fin du mois dernier, les rapports cours/bénéfice et cours/valeur comptable moyens des actions de l’indice s’établissaient respectivement à 5,5 et 0,68. Les frais annuels de gestion sont fixés à 0,62%. Le tracker a perdu près de 20% de sa valeur par rapport au début de l’année. L’énergie est logiquement le secteur le plus représenté avec une part de 42,1%. Suivent les matériaux (16,6%), les télécommunications (12,4%) et les services financiers (11,2%). Pour être complets, nous présentons brièvement les cinq plus grandes participations ainsi que leur poids dans l’indice au 25 mars.
Gazprom (8,41%)
Gazprom est le plus grand producteur de gaz russe. En partie privatisé, il est toujours contrôlé par l’Etat russe. L’entreprise pourvoit à environ un tiers des besoins européens en gaz naturel. Elle risque cependant de devoir tirer un trait sur sa créance de plus de 1,5 milliard USD sur l’Ukraine. La Russie a en effet décidé de supprimer le tarif préférentiel pour l’Ukraine et de lui facturer à nouveau son gaz au prix du marché.
Lukoil (7,91%)
Lukoil est un groupe énergétique intégré. Après Exxon Mobil, il dispose des plus grandes réserves de pétrole et de gaz au monde.
Sberbank (7,54%)
Sberbank est la plus grande banque russe et la 3e banque européenne. Le gel des avoirs étrangers, l’instauration du contrôle des capitaux et son éviction des transactions internationales pourraient lui coûter cher.
Novatek (6,17%)
Novatek est le plus grand producteur de gaz naturel en Russie après Gazprom.
Norilsk Nickel (5,89%)
Norilsk Nickel est le plus grand producteur de nickel au monde avec une part d’environ 17% dans la production mondiale. Sa domination sur le marché du palladium est encore plus importante. Avec une production annuelle d’environ 80 tonnes, Norilsk prend à son compte environ 40% de la production mondiale de ce métal. Une interdiction des importations en provenance de Russie pourrait pénaliser Norilsk.
Dérivés
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