La guerre des devises plus acerbe que jamais

Les devises à haut rendement se sont toutes tassées.

Alors que les dirigeants européens s’interrogent sur l’avenir de l’Union avec ou sans la Grèce et que les banques centrales d’Europe hors de la zone euro élargissent leur arsenal monétaire pour faire face à l’expansion prochaine programmée par la Banque centrale européenne (BCE), une bonne nouvelle est arrivée d’Allemagne. La croissance y était plus élevée que prévu : 0,7% au lieu de 0,5%. Cela a suffi pour inspirer les investisseurs à la fin de la semaine dernière. Tous ont superbement ignoré la révision négative de la croissance aux Etats-Unis.

La situation n’est pourtant pas agréable. Non seulement la Grèce continuera de compliquer la vie des instances européennes et perturbera probablement à intervalles réguliers les marchés, mais aussi et c’est plus inquiétant, la guerre des devises s’attise. Elle a commencé il y a trois semaines en Suisse quand la banque nationale a suspendu la liaison officieuse de son franc (CHF) à l’euro (EUR). Dès cet instant, toutes les attentions étaient fixées sur les répercussions de l’expansion monétaire prévue par la BCE et qui démarrera le mois prochain. Les devises comme les couronnes danoise, suédoise et norvégienne sont subitement devenues des cibles. Les banques centrales de ces pays ont immédiatement réagi afin d’endiguer l’afflux de capitaux étrangers dont ne profite pas leur conjoncture.

Taux négatifs

La Banque centrale danoise a ouvert le bal. Elle a réduit par quatre fois en un mois ses taux directeurs et est intervenue régulièrement sur le marché des changes pour empêcher la couronne (DKK) de franchir ses marges de fluctuation vis-à-vis de l’EUR (2,25%). Elle a aussi déclaré qu’elle consacrerait les sommes nécessaires pour préserver cette parité. Les taux d’intérêt en DKK évoluent depuis lors sous le zéro.

La fermeté de la Banque centrale danoise a fortement surpris les spéculateurs qui ont cherché refuge en Suède. La Riksbank a été contrainte d’intervenir vendredi dernier. Elle est la toute première banque centrale à appliquer des taux négatifs sur toutes ses facilités. Elle a aussi décidé d’ouvrir les vannes monétaires et ce, aussi longtemps que le taux d’inflation de base n’aura pas atteint les 2% ; ce qu’elle prévoit d’atteindre dans le courant du second semestre 2016. Coûte que coûte, la Riksbank empêchera que la couronne (SEK) ne dépasse son taux pivot naturel vis-à-vis de l’EUR.

La Banque centrale norvégienne, pour sa part, n’a pas encore annoncé de nouvelles mesures. Elle a bénéficié de la baisse du prix du baril de pétrole. Mais maintenant que les autres banques scandinaves entreprennent tout ce qu’il faut pour dévaloriser leur monnaie, la banque centrale norvégienne n’aura d’autre alternative que de leur emboîter le pas afin de préserver la position concurrentielle du pays. Il est plus que probable que la Norvège jonglera elle aussi avec des taux négatifs prochainement.

Marché obligataire mouvementé

Tous ces agissements réduiront sensiblement l’impact des mesures annoncées par la BCE. Le marché des capitaux a d’ailleurs réagi avec stupéfaction. Les échelles des taux d’intérêt se sont raidies partout, les taux à court terme continuant de baisser tandis que les longs se redressaient. D’innombrables glissements ont eu lieu sur le marché obligataire, avec d’importants mouvements des cotations. La Russie a tiré profit des péripéties politiques concernant tant la Grèce que l’Ukraine. Les obligations se sont magistralement redressées, engendrant des profits dépassant parfois les 10%. Les émetteurs souverains du sud de l’Europe, en revanche, se sont tassés. Leurs obligations ont fortement souffert.

La confirmation que la croissance enregistrée jusqu’à présent aux Etats-Unis est inférieure à celle annoncée précédemment a sensiblement pesé sur les titres industriels. Ils ont tous cédé du terrain au profit des obligations pourries. De toutes les échelles des taux d’intérêt, celle du dollar (USD) s’est la plus fortement raidie. Le marché obligataire en USD était aussi orienté à la baisse. On y comptait en moyenne 4 titres à la baisse contre 1 à la hausse.

L’USD en hausse

L’USD a profité des oscillations des taux d’intérêt. Il a clôturé la semaine en hausse de 0,6% face à l’EUR. La livre (GBP) a gagné 1% depuis que la Banque d’Angleterre a annoncé un durcissement de sa politique monétaire. Les devises scandinaves ont perdu du terrain, hormis la DKK qui reste accrochée à son taux pivot. La SEK a chuté de 1,4% et la NOK de 0,95%. Le rouble russe (RUB) a progressé de 5,3% la semaine passée. Les obligations libellées en RUB ont presque toutes gagné du terrain. Les devises à haut rendement se sont toutes tassées, rendant la guerre des devises plus acerbe que jamais. Le real brésilien (BRL) a perdu 2,65%, le rand sud-africain (ZAR) 3%, le peso mexicain (MXN) 0,9% et la lire turque (TRY) 0,8%.

Profusion d’industrielles

Les émissions d’industrielles se bousculaient sur le marché primaire. Certaines servent au remplacement d’emprunts antérieurs. La plupart cependant profitent des meilleures conditions du marché et utilisent leur produit pour rehausser les dividendes. C’est le cas, par exemple, d’Apple (AA+) qui a émis cette fois-ci en franc suisse (CHF). Picard Groupe (B+), la chaîne de magasins luxembourgeoise, offre pas moins de 7,68% de plus que la moyenne du marché avec son émission à cinq ans. Les titres ne sont bien sûr plus disponibles aux conditions de souscription. Si vous en voulez, il vous faudra débourser 102,34% (7,31%) sur le marché gris. L’immobilière belge Banimmo (sans notation) lance un emprunt de petite envergure (44 millions) offrant 3,89% de plus que la moyenne du marché. Sa modicité ne lui garantira pas une négociabilité à toute épreuve.

KfW (AAA, avec garantie de l’Allemagne) augmente le montant de son émission en dollar néo-zélandais (NZD) de 50 millions. Il y a 251 jours d’intérêts encourus à régler. Les conditions sont peu attrayantes. La tranche existante est disponible à 100,38% (3,62%) sur le marché secondaire. Vous trouverez encore mieux avec la BNG (AA+, avec garantie des Pays-Bas, alt.2). La BEI (AAA, supranationale) lance une nouvelle tranche en TRY. Il y a 174 jours d’intérêts révolus à régler. Si vous parvenez à contenir la commission et la différence de prix en dessous de 1,01%, préférez la tranche existante sur le marché secondaire. Il y a 85 jours d’intérêts encourus à régler pour la nouvelle tranche en roupie indienne (INR) au nom de l’IFC (AAA, supranationale) et 121 jours pour celle de BPIFrance Financement (Aa1) en EUR.

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