Quelles opportunités parmi les actions industrielles belges?
Des déboires de Tessenderlo à la résurrection d’EVS, la saison des résultats a été riche en enseignements parmi les entreprises industrielles noir-jaune-rouge. Lesquelles d’entre elles arriveront à tirer leur épingle du jeu dans un environnement économique dégradé?
Au niveau international, l’industrie a connu une saison estivale très contrastée. Côté positif, les bénéfices du deuxième trimestre ont largement dépassé les attentes. Aux Etats-Unis, la croissance des profits du secteur industriel atteint ainsi 12,2%, plus du double du consensus initial de 5,1%, selon le gestionnaire de données financières Factset. Côté négatif, les perspectives se sont nettement détériorées. L’indicateur PMI d’activité manufacturière s’est enfoncé sous 50 au niveau mondial, préfigurant une contraction au cours des prochains mois.
Barco illustre bien cette dichotomie. Le groupe courtraisien, spécialiste des solutions de visualisation et d’affichage, a publié de solides résultats semestriels. Ses ventes ont bondi de 10% et son bénéfice net est passé de 22 à 33 millions d’euros. Mais les prémices d’un ralentissement sont déjà palpables. La croissance du chiffre d’affaires sur le seul deuxième trimestre a fondu à 3% sous l’effet d’une reprise moins vigoureuse en Chine et de ventes décevantes pour ses murs d’image. Son carnet de commandes a également légèrement baissé en glissement annuel, ce qui a contraint Barco à renoncer à son objectif d’une croissance de 10% à 15% sur l’ensemble de l’année, une nouvelle accueillie par une chute de plus de 15% en Bourse.
Et ce n’est pas le seul gadin estival parmi les entreprises industrielles belges. Tessenderlo a plongé de 7% à l’annonce de ses chiffres semestriels. Le groupe diversifié n’a pas offert la résilience escomptée, la chute des résultats des activités engrais et biovalorisation (gélatine à base d’os, etc.) ayant éclipsé tout le reste. Les prévisions ont également déçu, Tessenderlo tablant sur une baisse de 20% à 30% de son excédent brut d’exploitation en raison de l’incertitude économique élevée qui pèse sur la demande et sur les marges.
Pas de droit à l’erreur
Dans un tel environnement, toute fragilité se transforme en véritable menace (pour le cours de Bourse), comme le connaît Umicore. Le spécialiste des matériaux avancés a déploré une nouvelle chute de 27% de son bénéfice net semestriel alors qu’il paie toujours le prix de ses choix technologiques. Spécialiste des catalyseurs automobiles, le groupe s’est orienté assez tôt vers le marché des batteries pour voitures électriques.
Umicore est ainsi devenu leader des matériaux de cathode pour les batteries dites NMC (nickel, manganèse, cobalt), la référence durant de nombreuses années. La part des batteries LFP (lithium, fer, phosphate) a toutefois bondi de 6% en 2020 à 30% en 2022, selon les données de l’entreprise spécialisée First Phosphate. Un engouement qui s’explique par leur coût et l’absence de cobalt dont l’approvisionnement demeure problématique. Des avantages qui ont largement compensé la densité énergétique (rapport puissance/poids) un peu moindre des batteries LFP pour les voitures électriques bas et moyen de gamme.
Aujourd’hui, Umicore ne profite ainsi pas de l’électrification et doit investir pour ouvrir de nouveaux débouchés. Il mise notamment sur les piles à combustible (hydrogène) et un nouveau type de batterie, les HLM (haute teneur en lithium et manganèse), proches des NMC technologiquement et concurrentes des LFP en termes de performances et coûts. Un pari qui a eu pour effet de gonfler l’endettement net du groupe de 45% en 18 mois, à 1,4 milliard d’euros. Et ce n’est pas fini puisqu’il prévoit des investissements record au deuxième semestre. Il n’est donc guère surprenant que le titre ait récemment reculé à un plus bas depuis 2016.
Coup de mou pour la construction
La prudence est donc de mise, que cela soit par rapport aux fragilités structurelles ou à l’exposition conjoncturelle. A ce niveau, les entreprises actives dans les matériaux de construction sont particulièrement exposées. Saint-Gobain, géant français du secteur, évoque même “une crise de la construction neuve en Europe provoquée par la hausse des taux et les difficultés d’accès au financement”.
Au premier semestre, Deceuninck, spécialiste des châssis en PVC, a ainsi vu son chiffre d’affaires chuter de 16% tout en parvenant à augmenter ses profits grâce à la normalisation des prix des matières premières et à l’amélioration de la rentabilité de ses importantes activités en Turquie. La récente décision choc de la banque centrale turque de relever son taux directeur de 17,5% à 25%, pour enrayer la chute de la lire et la spirale inflationniste, constitue toutefois une source d’incertitude, surtout à l’heure où les ventes de châssis baissent en Europe et en Amérique du Nord.
La situation de Deceuninck demeure toutefois bien plus favorable que Belysse (ex-Balta). Le spécialiste des tapis et moquettes est doublement frappé par le ralentissement de la construction/rénovation et la perte d’intérêt pour ses produits. Au premier semestre, le groupe flamand a de nouveau déploré une baisse de son chiffre d’affaires (-5,2%) et de son excédent brut d’exploitation (-27,7%).
Recticel n’avait pas encore publié ses chiffres semestriels à l’heure d’écrire ces lignes, mais le spécialiste des panneaux isolants en mousse de polyuréthane avait prévenu en avril que le marché était sous pression.
Equipements industriels
La combinaison d’un ralentissement économique et d’une hausse des taux est aussi de nature à inciter les entreprises à limiter leurs investissements dans de nouveaux équipements. Une mauvaise nouvelle pour Tessenderlo dont le pôle machines et équipements (métiers à tisser, usinage, assemblage) est le seul à s’être bien comporté au premier semestre.
Spécialiste mondial des machines à laver industrielles, Jensen Group est également en première ligne. Au premier semestre, il a signé un chiffre d’affaires record grâce aux solides commandes reçues en 2022, surtout du secteur de l’hôtellerie et des croisières en pleine réouverture post-covid. Mais les prises de commandes ont chuté de 17% depuis janvier, ce qui obscurcit les perspectives.
Agfa connaît aussi une passe délicate, comme en témoigne la chute de 58% de son profit opérationnel au deuxième trimestre. Le groupe de solutions d’impression et d’imagerie médicale (et producteur de membrane pour l’hydrogène vert) continue également de brûler du cash. Fin juin, il affichait une dette nette de 33 millions, contre une trésorerie nette de 502 millions fin 2020 après la vente de plusieurs activités.
Les bons élèves
Pour éviter au maximum les (très) mauvaises surprises, vous pouvez vous tourner vers les sociétés qui sont parvenues à publier un rapport semestriel positif à tous points de vue. Comme EVS qui a largement confirmé son redressement et réalisé un chiffre d’affaires record au premier semestre (87,4 millions d’euros ; +29%).
L’entreprise liégeoise a aussi relevé ses prévisions annuelles, tablant sur une forte amélioration de ses ventes et profits opérationnels. Une gageure pour le spécialiste des technologies vidéo en direct qui bénéficient durant les années paires (et donc pas en 2023…) d’un complément de revenus grâce à la location d’équipements pour les grands événements sportifs (Jeux olympiques, Coupe du monde ou d’Europe de football). Ce qui permet d’ores et déjà à Serge Van Herck, CEO d’EVS, de se déclarer confiant pour 2024. Sur les quatre analystes suivant l’action, trois sont aujourd’hui à l’achat.
Melexis a également publié des résultats très solides. Le spécialiste des puces pour automobiles a clôturé le premier semestre sur un chiffre d’affaires en progrès de 19% et un profit opérationnel en hausse de 20%. Pour la seconde moitié de l’année, le groupe yprois se montre confiant et compte poursuivre sur la même tendance malgré le ralentissement du secteur automobile. Il table notamment sur la forte demande pour ses différents capteurs (dont le nombre dans les voitures augmente avec la multiplication d’aides au pilotage). Après sa récente correction, Melexis a vu son ratio cours/bénéfices rechuter à 16, une valorisation plus attractive qui a amené huit analystes à relever leur objectif et/ou leur conseil en un mois.
Les paris
Dans un autre registre, Solvay continue de disposer de réels atouts comme une progression de 3% de son profit opérationnel au premier semestre ou le maintien de ses objectifs annuels (réalistes) dans un contexte difficile. L’élément le plus prometteur est la scission du groupe. Dès le mois de décembre, Solvay n’hébergera plus que les activités de chimie de base (historiques) comme la production de carbonate de sodium ou de péroxyde d’hydrogène.
Syensqo (acronyme compliqué pour “science”, Ernest Solvay et “company”) regroupera les activités de spécialités, plus prometteuses, à l’image des matériaux destinés aux batteries, à l’hydrogène vert ou à l’économie circulaire. Selon Frank Claassen, de Degroof Petercam, le potentiel de revalorisation d’un acteur de spécialité comme Syensqo représente un gain de 40% pour l’action Solvay actuelle.
Autre pari: Cenergy Holdings, un groupe sidérurgique grec coté sur Euronext Bruxelles comme sa maison mère Viohalco. Spécialiste des câbles et des tubes en acier, il profite de la transition énergétique (raccordement des énergies renouvelables, renforcement des réseaux, etc.). Le groupe n’a pas encore publié ses chiffres semestriels mais il a bouclé le premier trimestre sur un chiffre d’affaires de 381 millions (+27%) et un profit opérationnel de près de 37 millions (+133%). Une croissance rapide qui permet de relativiser son endettement assez élevé (dette nette de 438 millions fin 2022) et pourrait soutenir la poursuite de la revalorisation du titre.
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