Xavier Pichon (Orange Belgique): “Nous avons doublé notre part de marché dans les réseaux fixes”

Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Orange Belgique met les bouchées doubles pour intégrer VOO, acquis en juin dernier, et a accéléré la modernisation de ce réseau fixe. Il se prépare au choc de l’arrivée, cette année, d’un quatrième opérateur mobile, Digi.

Xavier Pichon, qui dirige Orange Belgique depuis septembre 2020, donne une nouvelle dimension à l’opérateur mobile, filiale du groupe français Orange. Il ne possédait pas de réseau fixe, jusqu’à ce qu’il rachète l’an dernier celui de VOO en Wallonie et dans six communes bruxelloises. Depuis juin, l’intégration se fait rapidement. Orange déclare proposer aujourd’hui le premier réseau à grande vitesse à 1Gbps (1 gigabit par seconde) sur 95% du pays.

TRENDS-TENDANCES. Quelle dimension vous donne ou donnera l’acquisition de VOO, réalisée en juin dernier ?

XAVIER PICHON. Depuis 2020, nous assistons à un changement de posture, de stratégie. Orange Belgique est active depuis un peu plus de 25 ans, d’abord avec la mar­que Mobistar. Nous sommes un opérateur local, épaulé par un groupe international, Orange, ce qui n’est pas le cas de tous les acteurs. Le rachat et l’intégration de VOO sont structurants. Un réseau fixe s’ajoute à notre réseau mobile. Nous avions une situation unique au sein du groupe Orange. Dans la grande majorité des pays européens où le groupe est actif, il dispose à la fois d’un réseau fixe et d’un réseau mobile. C’était une position un peu anachronique. L’investissement et l’intégration de VOO nous permet­tent de suivre notre plan stratégique, Lead the Future. Nous avions fait une première tentative, qui n’avait pas réussi, et avions été en justice. Quand Nethys a remis en vente VOO, nous avons considéré l’acquisition, qui était une priorité stratégique.

Combien de salariés compte Orange Belgique après cette opération ?

Notre effectif a doublé. Nous étions environ 1.500 salariés avant le rachat de VOO, nous sommes à présent un peu moins de 3.000.

Pas de plan social, de restruc­turation ?

Nous avons dit à maintes reprises que nous souhaitions intégrer les équipes pour que les forces soient multipliées. Il n’y a pas de plan social. Nous avons intégré les salariés de VOO, de BeTV et de WBCC (call center de VOO). Nous avions analysé VOO en amont, en respectant les règles. Nous avions une bonne connaissance du réseau puisque nous étions client wholesale (Orange Belgique utilisait le réseau de VOO pour faire des offres de ligne fixe, Ndlr). Nous pouvons ainsi devenir très vite un seul opérateur. Nous avons immédiatement accéléré la modernisation du réseau, pour être leader dans le pays des réseaux proposant 1 Gbps. Très vite après le closing, en juin 2023, les équipes des deux entités ont été quasiment toutes réunies, à commencer par celles des réseaux. Nous arriverons à 100% des équipes intégrées au début de cette année. Ensuite viendra peut-être la fusion des entités juridiques, mais sur le plan opérationnel, nous sommes déjà un seul et même opérateur, préparé à affronter les bouleversements du marché le plus efficacement possible.

Nous avons dit à maintes reprises que nous souhaitions intégrer les équipes pour que les forces soient multipliées. Il n’y a pas de plan social.”

Il reste encore un petit aspect. Vous possédez 75% de VOO, mais vous souhaitiez racheter le solde à Nethys, 25% plus une action, sous la forme d’un échange avec des actions d’Orange Belgique. La négociation doit encore être finalisée ?

La discussion a été clôturée. Cette possibilité faisait partie de l’accord d’acquisition. Nethys a souhaité activer cette option. La parité a été fixée, 11% du capital d’Orange Belgique. Il reste des formalités légales, avec un rapport demandé à un expert indépendant pour les administrateurs indépendants d’Orange Belgique, une discussion au conseil d’administration. Puis un vote en assemblée générale le 2 mai prochain.

La marque VOO sera encore utilisée ?

Nous avons acquis, outre un réseau, des marques, dont VOO ou BeTV. Nous les avons étudiées. Dans le groupe, nous avons tendance à “premiumiser” la marque Orange partout où nous sommes présents. Pas une marque de luxe, nous parlons de mass market premium, recouvrant une large palette de services. C’est la voie que nous suivons en Belgique. Nous avons créé il y a deux ans la mar­que hey!, qui est la réplique d’autres marques-budget développées chez Orange, notamment en France avec Sosh. C’est une access brand, à des prix moins élevés, moins sophistiquée en matière de service. Cela nous permet de nous préparer à des bouleversements de marché, avec l’arrivée de nouveaux entrants. Pour la marque VOO, nous avons analysé sa perception. Nous allons la tester comme marque intermédiaire, value for money, entre hey! et Orange. Nous verrons ce que cela donnera au niveau commercial, en fonction des changements sur le marché.

Ces différentes marques préparent-­elles la concurrence de Digi dans le mobile, qui arrive cette année ?

Oui. Nous parlons de l’arrivée de Digi, mais la concurrence va aussi porter sur le fixe, avec Telenet, avec qui nous avons signé un accord (1), qui lui permet de commercialiser une offre au sud du pays. Nous verrons alors quelle sera l’utilisation optimale des marques. Les positionnements peuvent changer, un accent s’amplifier ou s’atténuer.

La marque VOO viendra-t-elle en Flandre ?

Non. Nous l’avons testée, comme nous le faisons avec toutes les mar­ques, mais n’avons pas détecté de potentiel dans le nord du pays.

Vous annoncez déjà être leader sur les lignes fixes à haut débit, à 1 Gbps, disponible dans 95% du pays, notamment à travers la modernisation des réseaux de câble, qui passe à l’approche hybride fibre coaxial (HFC), où la fibre est posée dans des cabines à proximité des clients, et l’accord avec Telenet. Pouvez-vous vous qualifier de leader en ayant une part de marché de 20% ?

Nous avons doublé notre part de marché, nous n’avions que 10% dans le fixe, nous arrivons à 20% avec l’acquisition de VOO. Nous ne nous arrêterons pas là. Nous espérons prendre une forme de leadership en parts de marché. Nous allons tester le multigigabit sur les connexions hybride fibre/câble, jusqu’à 4 Gbits. Nous préparons la fibre chez les clients, nous faisons des tests.

Ce qui pèse en Belgique, 
ce sont les inves­tissements 
pour moderniser les réseaux, l’arrivée des entrants.”

Pourquoi pas la fibre chez les clients aujourd’hui ?

Parce que la technologie hybride fibre/câble déployée aujourd’hui propose 1 Gbps, que cela suffit amplement pour les particuliers. Cette approche hybride permet de développer cette offre aujour­d’hui, et pas dans x années si nous avions déployé de la fibre chez les clients. Nous couvrons 95% du marché, 97% dans quel­ques mois j’espère. Les 3% restants seront couverts par satellite, d’ici la fin de l’année. Nous pouvons améliorer la performance avec les développements multi­gigabits. Mais à terme, nous souhaitons passer, d’ici 10 à 15 ans, à la fibre jusque chez le client, pour proposer encore plus de performance. Nous nous disons qu’il y aura de nouveaux usages que nous ne connaissons pas aujourd’hui. La fibre chez le client sera la solution car sa capacité est quasi illimitée. Elle a aussi l’avantage d’un coût d’utilisation réduit, car il faudra moins d’énergie.

Comment expliquez-vous que, malgré l’acquisition de VOO, le cours de Bourse n’en a pas fortement bénéficié ? C’est du reste la même situation pour les autres opérateurs télécoms…

Cela fait déjà un moment que le secteur est malmené en Bourse. Parce qu’il consomme beaucoup de capex (dépenses d’investissement). Pour les analystes, le capex, c’est un risque sur les dividendes, sur la performance de l’entreprise. Il faut toujours investir dans les réseaux : passer à la 3G, la 4G, la 5G, demain la 6G; passer le réseau fixe à l’hybride fibre/câble, puis passer à la fibre chez le client (FTTH). La deuxième raison est la concurrence. Elle est plus forte en Europe qu’ailleurs, en Asie ou aux Etats-Unis. Notre situation, en Belgique, est meilleure. Nous nous comparons favorablement à nos pairs depuis un à trois ans, nous sommes toujours en croissance. Ce qui pèse en Belgique, ce sont les inves­tissements pour moderniser les réseaux, l’arrivée des entrants, mais je considère qu’Orange Belgique se comporte plutôt bien. De toute manière, la part publique du capital s’est réduite après l’OPA d’Orange sur Orange Belgique (en 2021). Orange en détient près de 80%. Une bonne nouvelle a donc un impact réduit, une mauvaise aussi. C’est un sujet moins sensible que pour les autres.

Quel est l’avantage d’appartenir à un groupe comme Orange ?

Nous n’aurions pas pu acquérir VOO, en tout cas pas dans les mêmes conditions (2). Nous bénéficions aussi du savoir-faire des autres entités du groupe, par exemple l’expérience accumulée dans les marques-budget par exemple en Pologne, en Espagne ou ailleurs, voire en technologie.

(1) Orange Belgique et Telenet ont signé deux accords où chaque opérateur donne accès au réseau fixe de l’autre, y compris les futures connexions directes en fibre optique jusque chez les clients. Ces accords sont valables 15 ans. Ils concernent aussi les communes couvertes par Telenet à Bruxelles.
(2) L’acquisition de 75% de VOO a été réalisée sur la base d’une valeur de 1,8 milliard d’euros pour 100% des parts. Elle a été financée par un prêt intra-groupe.

Profil
· 56 ans
· Diplômé de l’Ecole de la Chambre de commerce et de l’industrie de Paris
· 1990 : Rejoint le groupe Bouygues
· 1998 : Rejoint Orange
· 2009 : Group Head of Investor Relations
· 2011 : Directeur général adjoint d’Orange France
· 2018 : Rejoint le Boston Consulting Group à Sydney en Australie
· Depuis 2020 : CEO d’Orange 
Belgique

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