Pas de publicités politiques générées par l’IA sur Facebook, mais est-ce assez pour lutter contre la désinformation ?
Meta annonce interdire l’accès à son outil d’intelligence artificielle de création de publicités aux politiques (entre autres). Google aussi prend des mesures en ce sens. Mais avec l’année électorale qui attend de nombreux pays, il y a un risque de désinformation à grande échelle, avec du contenu généré par IA.
A l’horizon : une année multi-électorale. États-Unis, Inde (“la plus grande démocratie du monde”), Union européenne, Belgique… les habitants de pays pesant 75% du PIB mondial sont appelés aux urnes en 2024. Un contexte explosif où tout peut basculer… et où l’IA pourrait jouer un rôle déterminant, craignent de nombreux observateurs.
C’est là que Meta prend une décision forte. Quelque peu révolutionnaire même, car c’est la première fois qu’une entreprise prend une telle mesure dans le domaine de l’IA. Ce lundi soir, le groupe a interdi l’accès à ses outils d’IA pour la création de contenus publicitaires aux politiques (entre autres). Ils permettent par exemple d’ajuster des images, de créer des arrière-fonds ou de rédiger du texte, etc., avant de poster une publicité sur les réseaux sociaux, comme Facebook ou Instagram.
“Alors que nous continuons à tester de nouveaux outils de création de publicités par IA générative dans Ads Manager, les annonceurs menant des campagnes qualifiées de publicités pour le logement, l’emploi ou le crédit ou les questions sociales, les élections ou la politique, ou liées à la santé, aux produits pharmaceutiques ou aux services financiers ne sont actuellement pas autorisés à utiliser ces fonctionnalités d’IA générative”, explique Meta sur son site. “Nous pensons que cette approche nous permettra de mieux comprendre les risques potentiels et de mettre en place les bonnes mesures de protection pour l’utilisation de l’IA générative dans les publicités liées à des sujets potentiellement sensibles dans les industries réglementées.”
Voilà une annonce qui devrait concerner les politiques belges. Dans le nord comme dans le sud du pays, à gauche comme à droite de l’échiquier, nos hommes et femmes politiques se retrouvent régulièrement en haut du classement des personnalités politiques qui dépensent le plus pour des publicités sur les réseaux sociaux.
Accès limité sur Google aussi
Si Facebook interdit directement l’accès, Google, autre poids lourd (et numéro 1) du marché publicitaire digital, le fait de manière indirecte. La société a annoncé le lancement son propre système d’IA de modification d’images pour la publicité la semaine dernière. Mais celui-ci comprendra une liste noire de “mots-clés politiques” qui ne pourront pas être utilisés dans la génération de contenu. C’est ce que précise Google auprès de Reuters. En plus, dès la mi-novembre, les annonces qui font partie de campagnes électorales devront stipuler qu’une IA a été utilisée, si tel est le cas. Plus précisément : “ce contenu synthétique dépeint de manière non authentique des personnes ou des événements réels ou d’apparence réaliste”.
Mais au-delà de cette interdiction directe, Meta intervient aussi après-coup. Les vidéos générées par IA, à but trompeur, sont par exemple interdites (sauf s’il s’agit de parodie), que ce soit dans des publicités ou dans des posts classiques, rappelle Reuters. Les politiques pourraient par exemple essayer de contourner la nouvelle mesure et tout de même partager du contenu généré par un autre système d’IA. Mais ce contenu devrait donc vite disparaître, s’il tombe sous l’oeil des modérateurs. Le risque est néanmoins qu’il aura le temps de faire des millions de vues et que de nombreuses personnes pensent que le contenu soit authentique (et n’apprennent pas forcément qu’il s’agissait d’un artefact). Avec l’explosion des outils d’IA depuis un an, ce contenu pourrait en plus inonder la toile.
X : aux antipodes
Ce week-end, Elon Musk et sa société spécialisée dans l’IA, xAI, ont lancé Grok. Musk le revendique justement comme un bot qui n’est pas “politiquement correct”, contrairement aux autres systèmes d’IA. Il sera accessible aux comptes payants sur X et se basera d’ailleurs, entre autres, sur l’information disponible en direct sur X (anciennement Twitter).
Où il y a le risque d’un cercle vicieux. Si du contenu factice inonde les réseaux sociaux (et les fausses nouvelles circulent déjà grandement sur X depuis le rachat par Musk), ce bot va se baser dessus pour générer du contenu. Les comptes payants, qui peuvent ensuite partager ce contenu, sont beaucoup plus exposés que les autres comptes. Ce contenu, faux, serait donc très visible, et continuerait ainsi à alimenter la création de contenu, faux lui aussi.
Bref, dans ce contexte international de fortes tensions entre de nombreux pays, les actions ciblées de désinformation et de déstabilisation sont possibles et probables. Pour l’année multi-électorale à venir, il faudra donc être vigilant.
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