Myriam Delmée (SETCa) : « La direction de Delhaize fait preuve d’un cynisme sans nom »

Myriam Delmée, vice-présidente du syndicat socialiste SETCa. © Belga
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

« C’est la fin d’un modèle ! » Lorsqu’on l’interroge, Myriam Delmée, secrétaire générale du STECa en charge du secteur des commerces, ne cache pas son dépit, suite à l’annonce faite par Delhaize de la franchise de 128 magasins.

La fin d’un modèle, dites-vous ?

Il y a deux mois, Intermarché avait ouvert un porte avec la franchise des magasins Mestdagh. C’est une dérive qui nous paraissait grave. Delhaize s’est évidemment engouffré dans la brèche. La direction de l’entreprise dit faire le choix de « la durabilité et du dynamisme entrepreneurial ». Sur quatre ans, prétexte-t-elle, les franchisés ont connu une croissance de 3,5% contre 1,5% pour les magasins « normaux », argumente-t-elle. Mais on compare des pommes et des poires : on parle notamment de magasins Proxi qui n’ont pas du tout le même modèle. Il y a un manque d’honnêteté intellectuelle du côté patronal. La direction fait preuve d’un cynisme sans nom.

C’était écrit ?

Nous mettons en garde depuis des années contre l’évolution du secteur, le fait que nous avons désormais affaire à des distributeurs et non plus à des commerçants. Quand Delhaize dit faire appel au « dynamisme entrepreneurial » des franchisés, c’est avant tout un constat d’échec criant pour l’entreprise. Nous avions dit que ce n’était pas une issue de faire évoluer le modèle vers les petits prix, en menant une guerre de prix et de promotions avec ceux dont c’est le core business.  Nous ne sommes pas persuadés du tout que les franchisés vont s’en sortir non plus, dans un tel contexte.

Cette évolution est aussi la conséquence du succès du discount ?

Mais ce sont des modèles différents! Delhaize risquait de perdre une partie de sa clientèle avec un glissement vers le discount. Dans l’hypothèse où l’entreprise avait maintenu son identité, elle aurait sans doute vu ses marges sous pression, mais elle aurait gardé sa clientèle. Aujourd’hui, on ne voit pratiquement plus de différence entre un Lidl et un Delhaize… Or, la clientèle doit savoir pourquoi elle se rend chez Delhaize. C’est comme en politique : on préférera toujours l’original à la copie. C’est ce que l’on avait dit aussi aux frères Mestdagh quand ils ont abandonné l’idée d’une boucherie avec du frais pour devenir des supermarchés à part entière.

C’est désormais un combat perdu que les syndicats vont mener ?

Je ne connais pas de combat qui ne mérite pas d’être mené ! Les mouvements sont en cours, des magasins sont déjà fermés. C’est même un combat fondamental : qu’est-ce que c’est qu’une société où il n’y aurait plus de commerçants, mais uniquement des distributeurs ? Cette décision de Delhaize est aussi un coup de force contre les représentations syndicales et contre la qualité du travail. Dans les magasins de moins de 50 travailleurs, il peut ne plus y avoir de représentation syndicale, cela signifie qu’à terme, les 100 000 travailleurs du secteur pourraient être ne plus avoir accès à des négociations collectives. Cette mise sous franchise, cela signifie aussi que les conditions de travail vont diminuer de 25%, notamment en passant de 35 heures à 36,30 par semaine, avec le travail le dimanche…

Et tout cela la veille du 8 mars, journée de la femme, alors que c’est un secteur essentiellement féminin. De là à donner des salaires de misère, car on parle ici de petits salaires, à des femmes pour qu’elle préfère rester à la maison…

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