Fin du certificat de management pour la haute fonction publique: est-ce déjà le retour “de la république des copains” ?

Un dispositif lourd et coûteux qui n’a pas suffi à assurer une diversité de profils suffisante, voilà l’avis de Jacqueline Galant sur le certificat de management public. BELGA PHOTO BRUNO FAHY © BELGA
Baptiste Lambert

Le certificat de management pour la haute fonction publique est sur la sellette en Wallonie. Il était censé garantir une certaine impartialité dans le choix des candidats, peu importe leur apparentement politique. Toutefois, la ministre de la Fonction publique, Jacqueline Galant (MR), estime qu’il décourage les personnes issues du privé à s’engager dans le public. Et forcément, l’opposition voit dans cette suppression le parfait moyen pour la majorité de placer ses pions.

“Cette décision tombe du ciel, fustige Stéphane Hazée, l’un des rares écologistes à être parvenu à se faire réélire au Parlement wallon. Cette suppression du certificat de management n’a jamais été évoquée lors de la précédente législature. Que ce soit par l’opposition ou la majorité.” Pas plus que par la ministre qui était en charge de la Fonction publique, la libérale Valérie De Bue (MR).

Pourtant, le 11 juillet dernier, lors de la présentation de la Déclaration de politique régionale (DPR), celui qui est aujourd’hui chef de groupe Ecolo déterre le passage suivant, jusqu’ici très peu évoqué dans la presse : “L’exigence de la détention du certificat de management public de l’École d’administration, dont la nécessité n’a pas été démontrée, sera abandonnée, sans préjudice des membres du pool actuel. La pertinence de la comparaison des titres et mérites des candidats sera renforcée par le biais d’une audition.”

Mettre fin à la domination PS/PSC

La politisation de l’administration est vieille comme la Wallonie. Mais en 2003, une première étape était enclenchée, avec l’introduction du “Régime des mandats” dans le Code de la fonction publique. Désormais, les tops managers sont désignés pour un “mandat” de maximum cinq ans, soit la durée d’une législature. Auparavant, les hauts fonctionnaires étaient nommés, ce qui amenait son lot de dérives.

À cette époque, l’administration était ultra-dominée par le PS et le PSC, à concurrence de deux tiers, un tiers. Il existait même une sorte de règle tacite pour se répartir les postes importants. Le régime des mandats avait donc pour objectif de rafraîchir les façades. Une bonne chose.

Ce système n’a toutefois pas mené à la fin de la politisation de la haute fonction publique. C’est pourquoi une nouvelle étape a été franchie deux législatures plus tard. Depuis 2012, sous l’impulsion d’Ecolo, de retour au pouvoir, et de Jean-Marc Nollet, alors ministre wallon de la Fonction publique, les candidats qui veulent postuler pour la haute fonction publique sont tenus de détenir le certificat de management public (CMP). Et il est loin de n’être qu’une formalité puisqu’il faut présenter un concours d’entrée, suivre une formation universitaire et passer un examen final organisé par le Selor.

Si cet examen final est réussi, les lauréats se retrouvent alors dans une cohorte (pool) à laquelle se joignent les hauts fonctionnaires dont le mandat est remis en jeu (à quelques exceptions). À partir de là, le gouvernement désigne qui il veut au sein de cette cohorte. Ce n’est donc pas la fin de la politisation, mais c’est un pas de plus dans la bonne gouvernance, se dit-on. Ce certificat amène en tout cas un peu d’objectivité : les candidats peuvent désormais justifier certaines compétences requises, qu’ils soient ou non apparentés à une couleur politique.

À chaque nouvelle législature, une centaine de postes sont progressivement remis en jeu au sein du SPW et des Unités d’Administration publique (Awex, Wallonie Entreprendre, Forem, etc.) soumises au Code de la Fonction publique. On y retrouve les postes A1, les plus élevés au sein de l’administration, les postes A2 (directeurs généraux) et les postes A3 (inspecteurs généraux).

“Lourd et coûteux”

Sauf que les heures du CMP sont à présent comptées. Le certificat disparaîtra à la suite d’une réforme que la ministre Jacqueline Galant présentera prochainement. Pourquoi ? “Cette décision est justifiée essentiellement par le fait que ce dispositif est lourd et coûteux, et qu’il n’a pas suffi à assurer une diversité de profils suffisante, répond la libérale. La grande majorité des candidats et lauréats proviennent toujours du sérail de la fonction publique. Peu de candidats sont issus d’un autre milieu, notamment du privé.”

L’écologiste Stéphane Hazée s’étonne de la volonté de Jacqueline Galant de vouloir supprimer le certificat de management public. BELGA PHOTO BRUNO FAHY © BELGA

La ministre wallonne estime également que “le cursus était particulièrement axé sur les matières juridiques, ce qui limitait le profil des candidats retenus.” Elle ajoute que si “la qualité de la formation n’est pas en cause, force est de constater que tous les titulaires du CMP ne disposaient pas toujours des qualités managériales requises.”


Stéphane Hazée s’interroge : “Le système n’est pas parfait, on peut évidemment discuter des modalités, des cours, de la durée de la formation (190 heures). Mais pourquoi ne pas réformer le CMP plutôt que le supprimer purement et simplement ?” Pour le député wallon, “c’est simplement le retour de la république des copains. Que le gouvernement veuille appliquer sa politique avec des personnes de confiance est une chose. Que ces personnes soient dépourvues de compétences objectives en est une autre”. Pour Stéphane Hazée, la fin du certificat de management nuit à la bonne gouvernance dans la haute fonction publique. “C’est un grave recul. Le gouvernement va pouvoir désigner des personnes de proximité.”

Le risque ? “C’est le phénomène du retour d’ascenseur. Suivre la politique d’un gouvernement est important, mais le fonctionnaire doit garder une indépendance quand il remet, par exemple, un avis. Ce que l’acquisition de compétences permettait.”

“Le fonctionnaire doit garder une indépendance quand il remet, par exemple, un avis.”
Stéphane Hazée

Stéphane Hazée

député Ecolo au Parlement wallon

Vingt-sept postes ouverts

Au gré des majorités, l’École d’administration publique vient tout juste de fournir sa cinquième cohorte, à raison de 35 candidats par cohorte. Avec l’arrivée de la coalition Azur, 27 postes A1 et A2 sont désormais ouverts pour ce mois d’octobre. La réforme voulue par la ministre Galant n’étant pas encore en application, ces postes seront toujours soumis à l’obligation de détenir un CMP. Par contre, la désignation des postes A3 ne se fera pas avant plusieurs mois et devrait, logiquement, tomber après la réforme. De quoi inquiéter ceux qui ont effectué la formation, y consacrant du temps et de l’argent (minerval de 850 euros).

À ce stade, le système qui remplacerait le CMP n’est pas encore clair, mais la ministre Galant veut élargir le champ des possibles : “Il faut proposer aux profils de qualité du secteur privé un processus plus agile, où le délai entre leur marque d’intérêt et la désignation est plus court que le processus actuel. Il faut pouvoir les évaluer sur leurs réalisations et leurs compétences, et non sur la seule réussite d’un examen.”

Une évaluation laissée au seul jugement du gouvernement, donc. En termes de signal de rupture par rapport aux politiques passées, la coalition Azur a sans doute déjà été plus inspirée.

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