Voici le plus gros ennemi de la réindustrialisation de la Belgique

Travailleurs usine
© Belga
Baptiste Lambert

Pas de long suspense. Il s’agit ni plus ni moins que le coût salarial horaire de l’industrie manufacturière, le plus élevé de toute l’Union européenne. “C’est très préoccupant”, commente Eric Dor, directeur des études économiques à l’Ieseg School of Management à Lille et Paris.

Et la différence n’est pas mince avec les pays voisins. Avec 52,5 euros de l’heure, le coût salarial horaire de l’industrie manufacturière belge était, en 2023, supérieur de 13,4% par rapport à l’Allemagne, de 18,3% avec les Pays-Bas et de 29,2% avec la France.

Ce coût salarial horaire moyen est la division de la rémunération totale des salariés, y compris les cotisations sociales patronales, par la quantité d’heures travaillées, à partir des comptes nationaux, précise la note d’Eric Dor, que nous avons pu consulter.

Et avec les subventions ?

Nous avions récemment interrogé le ministre de l’Économie à ce sujet, Pierre-Yves Dermagne (PS), qui nous répondait que les entreprises belges sont aussi beaucoup plus soutenues que dans les pays voisins.

Mais Eurostat a publié le coût salarial horaire du secteur industriel corrigé par les subventions publiques. Le coût salarial belge prend ici la 2e place du classement, juste derrière le Danemark. L’écart avec les voisins est plus réduit, mais reste important : de 8% avec l’Allemagne et de 11,4% avec la France. “Les données de 2023 sont encore indisponibles pour les Pays-Bas, mais en 2022 l’écart était de 7,9%”, complète Eric Dor.

Entre 2021 et 2023, les coûts salariaux de l’industrie manufacturière ont augmenté de 14,78% en Belgique. C’est moins que tous les pays de l’Est, mais c’est plus que nos pays voisins : 7,7% en France et 9,79% en Allemagne. Notons que la progression des salaires n’est que de 6,71% au Danemark.

Un frein à la réindustrialisation

La réindustrialisation de la Belgique et spécifiquement de la Wallonie est tout en haut de l’agenda politique. C’est un défi à l’échelle du continent, mais là encore, la Belgique se distingue négativement : entre 1995 et 2023, l’emploi de l’industrie manufacturière en Belgique, mesuré en milliers d’heures travaillées, a baissé de 27%. Cette baisse est bien supérieure à la diminution en Allemagne (-12,6%), aux Pays-Bas (-15%), à l’Italie et la Finlande (-15,2%), à l’Espagne (-15,6%) ou au Portugal (-25%). La France recule de manière similaire, à -27%.

La part de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée brute totale de la Belgique a diminué, de 20,6% en 1997 à 13,2% en 2023. Eric Dor cite les “coûts salariaux” qui sont depuis longtemps “un obstacle à la localisation et la croissance d’activités industrielles sur le territoire du pays”. On peut y ajouter le coût de l’énergie, plus important qu’ailleurs.

Robotisation

“Au cours des années récentes, les problèmes concernant Caterpillar, Van Hool ou Audi montrent la difficulté de garder une activité industrielle productive en Belgique avec des coûts salariaux supérieurs à ce qui est pratiqué ailleurs, alors que les produits peuvent être importés librement sans droits de douane à partir d’autres pays de l’Union européenne où le coût du travail est très bas”, commente Eric Dor.

“Les entreprises réexaminent en permanence la répartition de la localisation de leur production entre les différents pays, en fonction d’une série de critères, dont le coût salarial. Garder une production industrielle en Belgique nécessite de compenser le niveau supérieur des coûts salariaux par une forte croissance de la productivité basée sur une forte robotisation, ce qui réduit l’emploi, et sur des avantages fiscaux très onéreux pour les finances publiques. Un bon exemple est l’industrie pharmaceutique qui bénéficie en Belgique de la déduction pour revenus d’innovation, des crédits d’impôt sur la recherche ou les dispenses de versement du précompte professionnel sur les salaires du personnel concerné”, conclut l’économiste.

Rappelons que l’industrie manufacturière est, d’après les données de 2022, localisée pour 71,6% en Flandre, 24,9 % en Wallonie et 3,5% en région de Bruxelles.

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