Stéphane Burton (Orizio) : « Il faudrait un tax shelter du capital lié à l’investissement en entreprise »
À quelques jours des élections, Trends-Tendances a interrogé une vingtaine de CEO, pour prendre le pouls des entreprises. Stéphane Burton est à la tête d’Orizio, un groupe industriel à réputation internationale qui recoupe la Sabca et Sabena Engineering, des spécialistes de l’aérospatial civil et militaire. Le groupe emploie 1.500 personnes réparties entre Bruxelles, Charleroi, Liège et l’étranger.
Quels sont les grands enjeux à venir pour vos entreprises ?
Pour nous, il faut poursuivre la politique industrielle de défense, lancée sous la précédente législature. Pour développer l’activité économique. Ça a l’air d’être compris par la majorité des partis.
Le deuxième enjeu, c’est l’énergie. Aussi bien au niveau fédéral que régional. Avec des énergies sustainable, d’un point de vue économique. De l’énergie accessible. Au-delà du renouvelable donc, avec le nucléaire. Pour éviter le risque de délocalisation.
Il y a un risque ?
On le voit. Il y a des entreprises qui envisagent d’investir dans le nord de la France. À 50 km de nos frontières. Parce que l’énergie y est moins chère. Pour mes concurrents directs, l’énergie est 30 à 40% moins chère que chez nous.
Vous y pensez ?
On a clairement des appels du pied d’aéroports situés en France ou dans d’autres pays. Pour s’y installer et délocaliser nos activités. Mon but est de déployer une activité industrielle en Belgique, on a d’ailleurs un actionnariat public-privé. Donc, il n’y a pas de risque direct de délocalisation, mais il y a un risque de développement plus important à l’étranger que chez nous. Notre seule force, ce sont nos talents.
Vous êtes affecté par la pénurie de main-d’œuvre ?
On est ralenti dans notre croissance par le manque de candidats, surtout à Bruxelles, qui a un chômage de 15%. On n’arrive pas à trouver toute une série de métiers techniques, car cette filière n’est pas assez valorisée chez nous.
Je reviens de la Suisse allemande, où les contrats en alternance commencent en troisième secondaire, c’est-à-dire à 14 ans. Ces jeunes viennent travailler quelques heures en entreprise et ils adorent. Je prêche pour le développement de la formation en alternance dans notre pays. Le risque de délocalisation n’est pas que lié au coût, mais à la disponibilité des talents.
Justement, que penser du coût du travail en Belgique ?
Au JO, on aura notre médaille d’or. Blague à part, il faut une réforme fiscale. Je suis ravi quand j’entends un différentiel de 500 euros pour éviter les pièges à l’emploi. Mais il faut le faire avec une réforme du travail. Il faut une meilleure activation de l’emploi. Cette situation me rend dingue. On a 100 postes ouverts à Bruxelles et personne en face. C’est une frustration énorme. Le marché de l’emploi à Bruxelles m’inquiète. Là-bas, il y a un risque de délocalisation. On rencontre moins ce problème à Charleroi.
Que pensez-vous de la campagne électorale ?
Je ne suis pas beaucoup la campagne, mais j’ai lu les livres et les mémorandums du Voka, de Paul Magnette (PS), d’Yvan Verougstraete (Les Engagés) ou encore de Thomas Dermine (PS). J’y retrouve des propositions pertinentes.
On parle beaucoup de la taxe sur la fortune.
Est-ce que ce pays a vraiment envie d’avoir des capitaines d’industrie ? De quelle fortune on parle ? Si l’on taxe le capital, cela va obliger les industriels à investir ailleurs. Le capital qui est mis dans l’activité économique, je m’excuse, mais on ne doit surtout pas le taxer.
Je vous donne un exemple : je détiens sur papier 50,1% de ma boîte. Si on valorisait les actions de mes entreprises, je me retrouverais avec une certaine somme. Mais si on me taxe trop, je risque d’aller chercher un fonds d’investissement à qui je vais vendre. Et je vends, je pars et la Belgique aura perdu un capitaine d’industrie. Pas parce que j’aurai envie, mais parce que je n’aurai pas le choix. Je n’ai pas les moyens de payer des impôts sur la valorisation de mes entreprises. Et donc je vends. Ça tue les entrepreneurs.
Qu’on ait des discussions sur le capital mobilier et immobilier à titre privé, pas de problème, mais pas celui nécessaire au développement économique. Il faudrait même un tax shelter du capital lié à l’investissement en entreprise, quand on sait qu’il y a 300 milliards qui dorment sur les comptes d’épargne.
Je comprends le besoin de refinancer l’État. Mais si ces mesures se limitent à une augmentation des impôts, ce serait frustrant, car nous, entreprises, pour tenir en Belgique, nous sommes toutes passées par 20 années de restructuration. Nous avons dû réduire nos coûts de fonctionnement et améliorer notre efficacité. Il me semble que la même méthode devrait être appliquée pour redresser le déficit public. L’État devrait optimiser ses dépenses et augmenter ses recettes par le taux d’emploi. Ça, c’est inspirant. »
Le coup de gueule des patrons
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