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L’Ukraine et les leçons du COVID

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Pendant que les Ukrainiens résistent à l’envahisseur russe, pendant que l’Europe s’apprête à accueillir la plus grande vague de réfugiés de son histoire, certains commentateurs économiques n’hésitent pas – en plein milieu de cette horrible guerre – de prendre un peu de recul, si tant est que ce soit possible pour tirer déjà quelques leçons.

C’est le cas de Marc Fiorentino, commentateur boursier et financier basé à Paris et auteur d’une lettre d’information très lue sur ces sujets. Sa principale idée, c’est que le covid-19 a été salutaire. Oui, c’est étonnant de le dire de la sorte, mais cette crise sanitaire a appris aux gouvernements à réagir vite, de manière coordonnée. C’est en partie ce qui explique que l’Europe a très vite réagi à l’agression russe alors que Poutine misait sur le fait que nous étions un continent de “dégonflés”, désabusés par le matérialisme capitaliste. Première erreur énorme du nouveau Tsar de Russie. Ensuite, la crise sanitaire nous a forcés à utiliser de nouvelles armes monétaires et économiques pour compenser à l’euro près les dégâts de ce virus. Dans le cas de la Russie, nous venons d’apprendre à utiliser des armes économiques jamais utilisées auparavant comme geler les avoirs étrangers de la banque centrale russe ou débrancher les banques russes du système de paiement électronique Swift. Je viens même d’apprendre qu’en plus, l’Europe le fait de manière chirurgicale c.-à-d. sans toucher les banques russes liées aux paiements du pétrole et du gaz.

L’autre enseignement relevé par Marc Fiorentino, mais il n’est pas le seul à le faire, c’est notre dépendance à l’Asie. C’était la grande (re)découverte durant la période covid – avec beaucoup d’effroi, nous avions découvert que nous étions dépendants de la Chine pour nos masques et nos médicaments. En réalité, nous le savions, mais nous avions fermé les yeux pendant de longues années sur cette dépendance qui nous arrangeait en termes de pouvoir d’achat. Idem pour la Russie, nous savions que l’Europe dépendait du gaz russe, mais nous avions aussi fermé les yeux et nos oreilles. Vous allez me dire, à quoi sert-il de battre aujourd’hui sa coulpe, les choses sont déjà assez difficiles comme ça, sans en rajouter dans notre culpabilisation, non ? Eh bien, justement, de même que les Ecolos nous disent que le COVID n’était qu’une simple répétition de ce qui nous attend pour le changement climatique, de même aujourd’hui, les spécialistes en géopolitique nous disent : attention, l’Ukraine, ce n’est que la répétition pour Taïwan. La Russie n’a jamais reconnu la souveraineté de l’Ukraine et la Chine non plus pour Taïwan. Or, si la Russie est un nain économique, la Chine est au contraire un géant économique. La question est donc simple : si demain la Chine envahit Taïwan que fera l’Occident ? Isoler la Chine comme on le fait aujourd’hui avec la Russie n’aurait aucun sens, car comme la Chine est l’atelier du monde, cela reviendrait à nous isoler nous-mêmes.

La question fait peur alors que le conflit en Ukraine vient à peine de démarrer. Pour ne pas vous gâcher votre envie d’avenir, on peut aussi faire comme le regretté ancien premier ministre belge Jean-Luc Dehaene qui avait pour règle de ne jamais répondre aux questions hypothétiques des journalistes. Il avait raison, le pire des virus, c’est le virus du défaitisme.

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