Les éditeurs de presse écrite en justice contre le nouveau contrat de gestion de la RTBF

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L’encre est à peine sèche sur le nouveau contrat de gestion de la RTBF que déjà des voix s’élèvent pour en dénoncer les faiblesses…

Hier, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (PS-MR-Ecolo) annonçait s’être accordé sur le nouveau contrat de gestion de la RTBF (2023-2027). Une déclaration de la ministre des Médias Bénédicte Linard (Ecolo) a suivi, faisant valoir “des objectifs et des indicateurs mesurables” pour mieux baliser les missions de la RTBF et garantir un meilleur suivi. Elle assurait également que l’investissement dans la production indépendante évolue “de manière très significative”, et que la diffusion et l’exposition des artistes francophones seront “fortement renforcées.”

Là où le bât blesse…

Selon Mme Linard, ce nouveau contrat de gestion vise aussi à consolider les synergies avec les médias de proximité et la presse écrite. A cet égard, les éditeurs de presse écrite, qui reprochent depuis des années à la RTBF une concurrence déloyale du fait de ses activités de presse écrite en ligne soutenues par des fonds publics, avaient dénoncé il y a deux semaines le projet de contrat de gestion de l’opérateur public.

Afin d’assurer le pluralisme et la solidité de l’ensemble des médias francophones face à un contexte difficile depuis de nombreuses années, des balises strictes ont été placées en ce qui concerne le site web de la RTBF. L’objectif est d’éviter toute concurrence qui serait déloyale en la matière, tout en assurant le droit à l’information des citoyens, en limitant, par exemple, la taille des articles web ou en les liant à des contenus audiovisuels passés ou à venir, dans un laps de temps défini“, a indiqué mercredi Bénédicte Linard.

Ce sont ces balises strictes et cette concurrence déloyale que dénoncent une nouvelle fois François le Hodey, CEO du groupe IPM et président de La Presse.be, l’alliance des éditeurs de presse écrite francophone, et Bernard Marchant, CEO du groupe Rossel, dans un communiqué : “La RTBF est tellement puissante au sein de la Fédération Wallonie Bruxelles, que c’est finalement elle qui impose son contrat de gestion. Le 6ème contrat de gestion de la RTBF négocié par la Ministre Bénédicte Linard ne résout pas les problèmes de concurrence déloyale de la RTBF sur internet. La Ministre Linard rate ici une responsabilité historique d’arriver à différencier les missions de la RTBF par rapport à celles de la presse. En 2014, la Fédération Wallonie-Bruxelles s’était engagée vis-à-vis de l’Europe à ce que la RTBF ne fasse plus de concurrence déloyale. Des balises claires avaient été convenues, son site internet devait être principalement audiovisuel, son activité de presse en ligne devait rester accessoire et liée à sa programmation de radio et de télévision. Ces balises n’ont jamais été respectées par la RTBF, le CSA l’a constaté mais il n’a jamais sanctionné la RTBF.

Car selon une étude universitaire (UCLouvain, ULiège et Université Saint-Louis) commanditée par La Presse.be et mise en cause par la RTBF, cette offre gratuite représente bien une concurrence déloyale et une menace pour la survie des éditeurs en pleine transition numérique.

De même, ils attaquent le pluralisme promis argumentant que “le pluralisme de l’information, ce n’est pas avoir un service public tout puissant et omniprésent grâce à d’énormes subsides. Le pluralisme de l’information, c’est créer les conditions économiques pour qu’une pluralité de médias puisse se développer.”

Concernant les balises de sécurité

Au Parlement de la FWB, la Ministre Linard expliquait la semaine dernière que l’option retenue par le gouvernement était de limiter à 1.500 signes la longueur d’au moins 51% des articles mis en ligne par la RTBF. Le gouvernement s’est par ailleurs accordé pour imposer la présence d’un lien vers un contenu audiovisuel pour une majorité d’articles, avec un objectif de 70% d’entre eux à terme, a-t-elle détaillé.

Un objectif qui, à lire les arguments des éditeurs de presse francophone belge, est totalement manqué. “Ce nouveau contrat de gestion donne en fait plus de libertés à la RTBF pour concurrencer la presse. La Ministre des Médias déclare que les activités de presse en ligne de la RTBF seront différenciées de celles de la presse parce que 100% de ses articles devront être liés à la programmation audiovisuelle. Cette balise est en fait vide, car le site internet fait partie, dans le contrat, des activités audiovisuelles, c’est donc une balise circulaire. La vraie balise avait été définie avec la Commission européenne, soit 100 % des articles devaient être liés à la programmation de télévision et de radio. Or la Ministre a abaissé cette balise de 100 % à 60 %.”

Et de conclure que “le secteur de la presse espérait beaucoup de ce nouveau contrat de gestion, les éditeurs ont partagé en transparence tous les enjeux économiques, mais le résultat est très décevant.

Le texte de ce nouveau contrat de gestion doit encore être soumis, dans les jours à venir, à l’approbation des partenaires sociaux et du conseil d’administration de la RTBF. Mais les éditeurs de presse précisent qu’il attaqueront ce 6ème contrat de gestion devant les autorités administratives et juridictionnelles compétentes.

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