Les cinq shérifs de l’Arizona vont-il sauver l’économie belge?
L’économie vacille, le monde devient fou et les cinq présidents de parti de la future majorité fédérale doivent former un gouvernement d’ici la fin janvier. L’ambition sera-t-elle au rendez-vous ou risque-t-elle d’être revue à la baisse ? Les présidents deviendront-ils eux-mêmes ministres pour confirmer leur prétendue puissance ? La Belgique fait face à un potentiel changement de régime, en pleine tempête.
La future coalition Arizona a-t-elle bientôt terminé sa traversée du désert prénatale ? Voilà près de huit mois que les cinq présidents de la N-VA, du MR, des Engagés, du cd&v et du Vooruit ont entamé leurs discussions, parsemées de crises et bloquées sur la fiscalité. Le formateur royal, Bart De Wever (N-VA) a obtenu une (dernière ?) prolongation de sa mission de la part du Roi jusqu’au 31 janvier.
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Un gouvernement fédéral à la fin du mois ? Les défis l’exigent : remise en ordre du budget, mesures pour la compétitivité, défis énergétiques et climatiques, contexte géopolitique chahuté avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump… Mais en dépit de la volonté affichée par les partenaires autour de la table, ce n’est pas encore gagné. Bart De Wever doit composer avec les humeurs de Georges-Louis Bouchez (MR), Conner Rousseau (Vooruit), Sammy Mahdi (cd&v) et Maxime Prévot (Les Engagés). Dans l’émission de téléréalité Het Conclaaf, diffusée à Noël sur la VRT, le leader nationaliste confiait même qu’il était “impossible” de travailler avec ces jeunes présidents omniprésents dans les médias.
“Pour moi, leur chance de réussir reste située entre 40% et 60%”, confie le politologue Dave Sinardet (VUB, Saint-Louis). “La fiscalité est le test ultime et il doit encore venir, acquiesce son collègue Carl Devos (UGent). Je pense qu’ils finiront par y arriver, mais l’ambition sera revue à la baisse.” “S’ils n’y arrivent pas le 31 janvier ou dans les deux semaines qui suivent, il sera temps de penser à autre chose”, déclare pour sa part Pascal Delwit (ULB).
Les présidents à bord : “Une bonne idée”
L’ampleur des mesures à prendre et leur caractère potentiellement douloureux nécessiteront, en tout cas, d’avoir une équipe forte. “On ne réalise pas 23 milliards d’économie en trouvant des mesures sous le sabot d’un cheval”, avertissait en novembre Maxime Prévot, président des Engagés. Depuis, il appuie : “Les mesures que le futur gouvernement devra prendre ne seront pas toutes populaires”.
Pour assumer les choix difficiles et stabiliser le navire dans la tempête, le président du MR, Georges-Louis Bouchez, souhaite que tous les présidents de parti montent dans le gouvernement. “Le volume de réformes est tellement important que les présidents qui négocient l’accord, qui posent les choix, prennent les décisions, peut-être qui ont incarné comme jamais leurs partis pendant la campagne électorale – ce fut une campagne de présidents –, ceux-là devront, selon moi, assumer leurs responsabilités”, justifiait-il dans une interview au Soir.
“Un précédent comparable dans l’histoire, c’est la décision prise par Wilfried Martens (CVP, ancêtre du cd&v) et Jean Gol (PRL, ancêtre du MR) de monter dans le gouvernement au début des années 1980 pour remettre le budget sur les rails, rappelle Pierre Verjans, professeur émérite à l’ULiège. Cela était lié aussi à des raisons propres à la vie de leurs partis : Wilfried Martens devant imposer sa mainmise face au très populaire Leo Tindemans, après la crise provoquée par le pacte d’Egmont, tandis que Jean Gol devait, lui aussi, prendre le dessus en interne. Tous deux ont remis de l’ordre dans le pays alors que l’on pensait faire appel au FMI ou à la Banque mondiale, tant la situation budgétaire était préoccupante. Ils ont mené une sévère politique de restriction.” Les pouvoirs spéciaux ont été décidés par la suite. On en parle aujourd’hui aussi.
À la différence de la volonté de Georges-Louis Bouchez, complète Pierre Verjans, tant Wilfried Martens que Jean Gol avaient abandonné la présidence de leur parti en devenant vice-Premiers. Le libéral se verrait bien, au contraire, vice-Premier à la tête d’un ministère de la Sécurité en plus de continuer à diriger un parti qu’il a porté à 30%.
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“Ce ne serait pas une mauvaise idée que les présidents de parti de l’Arizona rejoignent le gouvernement, estime Dave Sinardet. Ce sont eux qui auront négocié l’accord, désigné les ministres et qui détiennent le pouvoir réel. Les gouvernements précédents, que ce soient la Suédoise de Charles Michel ou la Vivaldi d’Alexander De Croo, ont démontré à quel point il était difficile de mener une politique cohérente quand les présidents de parti multiplient les interventions en dehors. C’était surtout le cas de Georges-Louis Bouchez dernièrement, mais Pierre-Yves Dermagne, vice-Premier PS, était lui aussi régulièrement rappelé à l’ordre par son président, Paul Magnette.”
Ce ne serait pas une mauvaise idée que les présidents de parti de l’Arizona rejoignent le gouvernement. Ce sont eux qui auront négocié l’accord, désigné les ministres et qui détiennent le pouvoir réel.” – Dave Sinardet, politologue (VUB, Saint-Louis)
“Garder une hygiène démocratique”
“Là où je ne suis pas d’accord avec la proposition de Georges-Louis Bouchez, c’est quand il affirme vouloir rester à la tête du parti, prolonge Dave Sinardet. Bien sûr, tout le monde sait que ce sont désormais les présidents de parti qui décident la voie à suivre. Nous sommes dans une particratie, mais il ne faut pas pour autant adapter la réalité à cette logique. Être vice-Premier et président, cela doit être incompatible. Gardons un peu d’hygiène démocratique. Sinon, autant dire que l’on peut abolir le Parlement et considérer que nous sommes dans une forme de dictature des partis.”
“Historiquement, il y a eu régulièrement des présidents de parti au sein des gouvernement, mais ils ont effectivement abandonné leur présidence, prolonge Pascal Delwit. C’est la dynamique générale. Chez les libéraux, ce fut le cas de Jean Gol, Louis Michel, Daniel Ducarme ou Charles Michel. Didier Reynders a cumulé les fonctions de vice-Premier ministre et de président de parti, mais cela a créé beaucoup de tensions en interne.” Une fronde portée par Charles Michel et son groupe Renaissance avait contraint Didier Reynders à la démission de la présidence en 2011 : on lui reprochait de ne plus se soucier suffisamment des intérêts du MR. Charles Michel avait pris le relais.
“Gérer les deux en même temps, c’est pratiquement impossible, continue Pascal Delwit. Un président de parti doit également s’occuper des entités fédérées : s’il devient vice-Premier ministre fédéral, cela peut induire des conflits d’intérêts. Le président est aussi celui qui peut émettre des critiques à l’encontre d’un ministre ou d’une politique menée : le risque est grand d’aller à l’encontre de la solidarité gouvernementale.” En d’autres termes, le gage de stabilité peut aussi générer du chaos. Avec un effet contre-productif : paralyser la démocratie et ne pas répondre aux enjeux brûlants de l’heure. Car les intérêts partisans domineraient, plus que jamais, l’intérêt général.
“Place à l’intelligence collective”
L’économiste Bruno Colmant s’alarme, lui aussi, d’une évolution historiquement lourde de sens. “En vertu de la Constitution, la Belgique est une monarchie parlementaire, souligne-t-il. Dans le cas où les présidents de parti rentrent dans un gouvernement, cela conforterait peut-être son efficacité et sa stabilité dans un moment difficile, c’est vrai. Mais ce serait alors les partis qui dirigent le gouvernement, sans contrôle parlementaire. C’est déjà ce qui se passe dans les faits, mais si cette tendance est confirmée, il n’y aurait plus de retour en arrière. Nous serions dans une altération du régime qui ouvrirait la porte à bien des dérives.”
Le risque est grand, selon lui, de voir “les forces du débat dépérir et les apports de l’expertise négligés”. “L’abandon du Sénat est déjà une catastrophe en soi parce que c’est là que peuvent avoir lieu les débats de société, en prenant le temps. L’ampleur des défis est telle, pourtant, qu’il faut mettre en place des cénacles où peuvent s’organiser des débats contradictoires que peut nourrir l’intelligence collective. L’émotion du moment est plus importante que la profondeur de champ, et cette dérive risque de s’amplifier avec la mainmise des présidents de parti sur le gouvernement.”
L’Arizona en gestation ne cesserait de revoir ses ambitions à la baisse, selon les fuites qui se multiplient.
Bruno Colmant en veut pour preuve l’impossibilité chronique à accoucher d’une réforme fiscale d’envergure. Après l’échec complet de la Vivaldi, l’Arizona en gestation ne cesserait de revoir ses ambitions à la baisse, selon les fuites qui se multiplient. Ce qui serait davantage un tax shift qu’un tax cut, en d’autres termes un glissement fiscal et non une baisse significative, ne tournerait plus qu’autour de 2,5 milliards, soit moins que l’épure imaginée lors de la Vivaldi. Le nœud de fixation reste une “taxation des épaules les plus larges” voulue par Vooruit, alors que le MR refuse toute nouvelle taxe.
“Pour arriver à une réforme fiscale ambitieuse, il faut mettre des gens ensemble pour y réfléchir pendant des mois, voire des années, estime l’économiste. Malheureusement, plus les problèmes sont complexes, plus on tend à donner la primauté au pouvoir exécutif. De même, en ce qui concerne la compétitivité des entreprises, il convient de mener une réflexion de fond. La Fédération des entreprises de Belgique (FEB) et le patronat flamand (Voka) ont tendance à confondre vitesse et précipitation en exigeant une solution rapide. Ce qu’il faut, c’est la bonne mesure, même si cela prend des mois.”
Pour arriver à une réforme fiscale ambitieuse, il faut mettre des gens ensemble pour y réfléchir pendant des mois, voire des années.” – Bruno Colmant, économiste
À leur décharge, les organisations patronales réclament depuis des mois, voire des années, un “nouveau pacte social” avec les syndicats pour répondre aux enjeux qui mettent en péril l’économie européenne. Mais les divergences sont trop grandes pour en permettre la genèse et le contexte de rigueur budgétaire empêche des rêves comme ceux portés par les partenaires sociaux au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
“Difficile pour De Wever”
“La situation n’est pas évidente pour Bart De Wever, constate Carl Devos. Il est le président d’un parti confédéraliste, dont le slogan fut ‘la force du changement’, mais il risque de se présenter devant ses troupes avec très peu de résultats. En tant que formateur, il s’est investi fortement sur les réformes socio-économiques et l’assainissement budgétaire pour garantir la prospérité flamande, mais l’ambition risque bien de ne pas être au rendez-vous. L’institutionnel, on n’en parle pas. Cela pourrait être une épure difficile à vendre lors d’un congrès de son parti.”
La situation n’est pas évidente pour Bart De Wever. Il risque de se présenter devant ses troupes avec très peu de résultats.” – Carl Devos, politologue (UGent)
Le patronat flamand a d’ailleurs accentué la pression en ce début 2025, soulignant l’importance d’opérer des réformes en profondeur sur le plan socio-économique, tout en n’oubliant pas le chantier institutionnel. La lenteur des négociations fédérales est un argument pour ceux qui veulent une Belgique confédérale, quand les gouvernements flamand et wallon sont composés de longue date. Le blocage des discussions en Région bruxelloise est un autre argument lourd en ce sens.
Comme pour en témoigner, Bart De Wever a avancé un pion lors des vœux de son parti, samedi 11 janvier, en promettant des “progrès communautaires concrets” : “Nous sommes prêts à gouverner ce pays si la poursuite de la construction de l’autonomie de la Flandre n’est pas un sujet tabou”. Réplique de Bouchez : “L’exercice communautaire n’est pas compatible avec l’assainissement”. Ce sujet sensible reviendra visiblement à l’agenda.
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Car même si les présidents de parti montent à bord, le shérif De Wever aura fort à faire, y compris en interne. “On connaît l’histoire de la N-VA, prolonge le politologue gantois. Elle n’a pas hésité à faire exploser le gouvernement Michel avant terme, en 2018, parce qu’elle ne se retrouvait pas dans sa vision de l’immigration, le Pacte de Marrakech n’étant qu’une excuse. Alors qu’elle était en cartel avec le cd&v, au début des années 2010, elle l’a fait exploser faute d’avancée confédérale.”
Bref, la stabilité avec un tel parti à la tête de la Belgique est loin d’être garantie. Si Bart De Wever est l’homme fort de la politique belge actuelle, avec une expérience louée par ses pairs et une victoire sur le Vlaams Belang en juin dernier qui le rend incontournable, il reste un penseur radical, un homme davantage tenté par le maïorat d’Anvers et, selon la presse flamande, un “Schtroumpf grognon” à ses heures.
“Le cas Bouchez”
Et puis, il y a le “cas” Georges-Louis Bouchez, hyper-président conforté par son résultat électoral de juin 2024. Il dérange la gauche francophone, qui met en garde contre sa dérive “droitière”, mais il ne cherche au fond que cela : polariser le débat. Le service d’études du MR est devenu, avec lui, le maître d’œuvre d’une “guerre culturelle” pour mettre un terme à la pensée unique de gauche en Belgique francophone.
Sur le plan socio-économique, ce peut être un allié de Bart De Wever, et les deux hommes au gouvernement pourraient donner un cap clair. Tous nos interlocuteurs s’amusent toutefois à l’idée de voir GLB s’exprimer sur tous les sujets, supplanter et exaspérer Bart De Wever… qui y trouverait en retour un argument pour tirer la prise.
“Il ne faut pas oublier non plus la volonté qu’a exprimée Georges-Louis Bouchez d’implanter le MR en Flandre, rappelle Carl Devos. Imaginez qu’il passe à l’acte, il deviendrait un concurrent direct de la N-VA au fédéral. Bart De Wever est parfaitement conscient du fait qu’il ne pourra pas faire taire Bouchez, ni le pousser dans un coin. Le président de la N-VA veillera toujours à tirer profit de la situation. Si des réformes économiques ambitieuses peuvent être menées, il se présentera comme le sauveur de notre prospérité. Mais si cela échoue, il pourra toujours dire que cela témoigne de l’impossibilité à faire fonctionner ce pays.”
Georges-Louis Bouchez est un “hyper-président”, omniprésent, qui bouscule tous les codes. “Il porte une ligne très à droite, dite ‘de droite populaire’, qui est très loin du libéralisme social cher à Louis Michel, qui servait surtout… à être acceptable pour le PS afin de gouverner avec lui, constate le Liégeois Pierre Verjans. Mais le profil de Gloub est aussi un peu flou, il change avec l’air du temps. Il a parfaitement réussi ses négociations avec les Engagés, mais nul ne peut dire comment cela évoluera.”
Le politologue fait notamment référence à la récente polémique suscitée par sa déclaration selon laquelle le ministre de la Culture pourrait être supprimé. Elisabeth Degryse (Les Engagés), ministre- présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles, a affiché son désaccord: “La culture est un pilier essentiel de notre société”. En marge de cela, d’aucuns ont mis en avant la volonté du libéral de définir l’agenda, en permanence. Pour le PS, l’agenda en question est populiste et dangereux…
“Georges-Louis Bouchez a défini une ligne de son parti très articulée autour de lui, souligne Pascal Delwit. Lorsque Charles Michel l’a désigné, on pensait qu’il serait un président par défaut, mais il a pris l’argent, la com’, la gestion des équipes et a remodelé le MR à son image. S’il monte au gouvernement, un éventuel président de remplacement devrait répondre à deux conditions : ne pas lui faire de l’ombre et être accepté par le parti. Aucune personnalité ne se dégagerait aisément.” Sophie Wilmès, ancienne présidente du parti et actuelle vice-présidente du Parlement européen, aurait à la fois trop de charisme et trop d’indépendance pour lui succéder.
Si George-Louis Bouchez monte au gouvernement, un éventuel président de remplacement devrait répondre à deux conditions : ne pas lui faire de l’ombre et être accepté par le parti.” – Pascal Delwit, politologue (ULB)
Vooruit et cd&v mal à l’aise
Au sein de cette Arizona plus fragile qu’il n’y paraît, les deux autres partis flamands, Vooruit et N-VA, semblent moins enthousiastes à l’idée de se lancer dans la mêlée de la gestion. Leurs présidents, Conner Rousseau et Sammy Mahdi, n’envisagent d’ailleurs pas de “monter” dans l’équipe fédérale en tant que vice-Premiers. L’architecture de l’équipe s’en trouverait déséquilibrée.
“S’il y a deux blocs à l’intérieur de cette majorité, c’est aussi parce que Vooruit et le cd&v ont encore des liens forts avec des syndicats, constate Pierre Verjans. Or, ils risquent de perdre des plumes avec les politiques menées. De ce point de vue, la N-VA et le MR ont beaucoup moins à perdre.” La difficulté de mener des réformes socio-économiques tranchées et d’atterrir vient sans doute de là. Tant Bart De Wever que Georges-Louis Bouchez ont affirmé : “Ensemble, nous aurions fait un gouvernement en une semaine”. Les autres présidents, eux, se préparent surtout à se défendre…
“Dans le cas de Vooruit et du cd&v, des situations propres à ces partis expliquent aussi la volonté de leurs présidents de rester en retrait”, précisent Carl Devos et Dave Sinardet. Chez Vooruit, la place du vice-Premier ministre devrait rester octroyée à Frank Vandenbroucke, ministre sortant de la Santé et ancien président du parti, pour un dernier tour de piste. Conner Rousseau a davantage un profil de “monsieur Instagram” porté vers la communication que sur une fonction exécutive. Au cd&v, Sammy Mahdi devrait préserver les places de Vincent Van Peteghem et Annelies Verlinden, les deux ministres sortants (Finances et Intérieur), pour éviter toute secousse interne.
L’ambition revue à la baisse
Les partis sont dominants, ils tirent les ficelles de la formation et pourraient imposer leurs vues au sein du prochain gouvernement. Mais ils devront concrétiser les ambitions affichées, ce qui semble loin d’être gagné. “Le grand message véhiculé par tous les partis durant la campagne, à l’excès même, était qu’il était indispensable de diminuer les charges sur le travail pour revaloriser ceux qui bossent, constate Dave Sinardet. Au bout du compte, on ne devrait avoir qu’un tax shift à l’ambition limitée.”
Les partis, argumente-t-il, sont victimes de leur base électorale et des multiples lobbyings auxquels ils sont confrontés. “Le cas de la réforme fiscale est édifiant car chaque secteur ou chaque groupe défend ses intérêts. La seule façon de mener une réforme de fond consisterait à supprimer les avantages de toutes sortes – voitures de société, chèques-repas, niches fiscales, etc. –, mais cela semble loin d’être le cas. Cela provoque d’ailleurs de fortes tensions entre MR et Vooruit ou MR et cd&v.”
“Il n’y aurait que cinq partis au sein de l’Arizona et pas sept comme c’était le cas dans la Vivaldi, mais ce ne sera pas plus facile pour autant, prolonge Carl Devos. La situation économique n’est pas bonne, la FEB et le Voka tirent la sonnette d’alarme, mais cela ne semble pas provoquer d’électrochoc.” Le simple fait d’avoir un gouvernement de plein exercice serait déjà une victoire, fut-ce au prix d’un compromis douloureux.
Le pire, c’est que tous nos interlocuteurs restent persuadés que la date-butoir du 31 janvier pourrait ne pas donner lieu à une heureuse nouvelle. “Par moments, notamment en écoutant ses déclarations lors de l’émission Het Conclaaf, je me demande si Bart De Wever ne prépare pas son propre échec”, dit Dave Sinardet.
La date-butoir du 31 janvier pourrait ne pas donner lieu à une heureuse nouvelle.
“Il pourrait ne rien y avoir du tout le 31 janvier, acquiesce Bruno Colmant. À partir du moment où Georges-Louis Bouchez et David Clarinval, vice-Premier MR, s’enferment dans un discours ‘no go’ en cas de nouvelles taxes, on se demande bien comment ils pourront en sortir. Dans la particratie qu’est devenue la Belgique, les partis ont tendance à se neutraliser et provoquent l’immobilisme. Ce n’était pas le cas auparavant : on faisait encore confiance aux gens qui réfléchissent, alors que nous avons des corps académiques de première qualité !”
Dans la particratie qu’est devenue la Belgique, les partis ont tendance à se neutraliser et provoquent l’immobilisme.
Les shérifs de l’Arizona ont pourtant une obligation de résultat, exprimée devant le Roi. Cette jeune génération aux codes hyper-médiatiques et à la tentation autocratique doit prouver qu’elle peut prendre le relais dans la tempête, alors que nos entreprises vacillent et que des milliardaires venus des États-Unis sont bien décidés à profiter de nos faiblesses. C’est l’épreuve de vérité. Celle au cours de laquelle la puissance apparente de ces hommes, exprimée à grands renforts de déclarations virales, doit être confirmée en actes. Et en un sens aigu des responsabilités.
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