Carte blanche
Le géant du tabac PMI annonce une importante transition, mais son chiffre d’affaire donne d’autres informations
Le 25 juillet, Trends a publié un long entretien avec Fréderic De Wilde, PDG de Philip Morris Europe. Ce dernier considère que son entreprise représente un bon exemple pour les secteurs en transition. Mais est-ce vraiment crédible ? Het Nieuwsblad a également publié un article le 23 juin dans lequel les rachats et investissements de PMI dans le domaine du bien-être et des soins de santé sont mentionnés. Il va de soi que l’entreprise cherche à donner une image positive. Mais pour la Fondation contre le Cancer, il faut remettre les pendules à l’heure !
M. De Wilde indique que 29 % du revenu net de l’entreprise provient déjà des produits “sans fumée” et que, d’ici 2025, le géant du tabac souhaite générer 1 milliard de dollars de revenus grâce à ses activités sans nicotine. Ces chiffres donnent une image biaisée de la réalité. Selon Het Nieuwsblad, PMI réalise un chiffre d’affaires mondial d’environ 80 milliards de dollars, dont 70% proviennent encore de la vente de cigarettes classiques.
Alors, est-ce là le fameux retournement de situation auquel nous sommes censés croire ?
Pour se faire une idée plus claire de la situation, il est toujours intéressant d’examiner les informations communiquées aux actionnaires. Et là, vous verrez que PMI annonce : ” Pour les produits du tabac avec combustion classiques (cigarettes et produits connexes), il y a eu une croissance de 2,4 % en volume et de 4,2 % en revenus nets au deuxième trimestre 2022. … Nous prévoyons que les volumes des produits du tabac avec combustion classiques restent stables par rapport aux valeurs précédentes
Donc, cela signifie clairement que les ventes de cigarettes et de produits connexes restent importantes pour PMI et que le groupe continue à miser dessus. Le monde sans fumée qu’il prétend prôner n’est vraiment pas pour demain s’il dépend d’eux. Et ce ne sera certainement pas rapide si les gouvernements n’intensifient pas leurs interventions et ne mettent pas plus rapidement en oeuvre les mesures de la convention-cadre de l’OMS sur le tabac. Des progrès trop faibles dans la lutte contre le tabagisme ne signifient pas que les mesures ont échoué, mais que les mesures de prévention de la convention-cadre sont insuffisamment mises en oeuvre. L’industrie du tabac en est l’une des raisons, car elle s’efforce inlassablement de retarder et d’affaiblir les politiques antitabac qui pourraient rendre possible un monde véritablement sans tabac : partout, mais surtout dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
De plus, PMI fait beaucoup plus de bénéfices avec les produits de nicotine sans fumée car ils ne sont pas soumis aux mêmes niveaux de taxes que les cigarettes. A prix également élevé pour l’achat des bâtons de tabac chauffés que pour les cigarettes, les marges bénéficiaires pour le géant du tabac lui-même sont d’autant plus importantes.
Le ministre Van Peteghem, selon son projet pour une vaste réforme fiscale, prévoit d’inclure de nouvelles variantes et alternatives dans le système d’accises, en plus des produits du tabac classiques. Nous lui conseillons de tenir compte des avis du Conseil Supérieur de la santé, à savoir de traiter le tabac chauffé comme des cigarettes classiques en matière fiscale. Et introduire pour les e-cigarettes une taxe d’accise à un niveau suffisamment élevé pour décourager l’utilisation chez les non-fumeurs et les jeunes et suffisamment bas pour ne pas décourager financièrement les fumeurs lorsqu’ils veulent vapoter temporairement pour un essaie de sevrage tabagique.
Ce ne sont ici que quelques commentaires sur les chiffres de PMI et les mesures (fiscales) anti-tabac. Mais n’oublions pas que derrière ces chiffres se cachent des personnes et leur santé. Dans notre pays, à chaque heure qui s’écoule, deux fumeurs meurent prématurément en raison de leur comportement tabagique. À l’échelle mondiale, nous parlons de 8,67 millions de décès par an ! PMI, en tant que leader du marché dans le secteur, a beaucoup de ces décès sur son compteur ! Les responsables gouvernementaux devraient donc rester bien à l’écart des partenariats avec les fabricants de tabac.
Une carte blanche de Suzanne Gabriels, experte en prévention Tabac à la Fondation contre le Cancer
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