Le chargeur universel USB-C imposé par l’UE, une imposture ?

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Adopter par défaut la connectique USB-C pour la recharge des smartphones, c’est ce que vise la Commission européenne. Mais dans les faits, est-ce une solution ? Le laboratoire indépendant DXOMARK, une référence dans le milieu de la tech, a réalisé une série de tests sur différents chargeurs de smartphones afin d’évaluer leur compatibilité. Voici, en exclusivité, les résultats.

À partir de l’automne 2024, les nouveaux appareils électroniques nécessitant une recharge devront être compatibles avec le port USB-C. C’est ce qu’impose une nouvelle législation européenne censée éliminer les problèmes de compatibilité entre marques. L’objectif : permettre à n’importe quel appareil d’être chargé avec n’importe quel chargeur, peu importe la marque. Apple ne fera pas exception. La firme sera tenue, elle aussi, de passer au standard unique de l’USB-C, délaissant ainsi sa connectique propriétaire “Lightning”, toujours utilisée par les iPhone.

L’USB-C est ainsi sacré roi, pour 14 catégories de produits vendus sur le territoire de l’Union européenne dont les smartphones, tablettes et appareils photo dans un premier temps, avant d’être étendu aux ordinateurs portables en 2026. Selon l’Union européenne, cette compatibilité universelle devrait réduire, à terme, le gaspillage électronique. Aujourd’hui, on considère que les chargeurs que l’on jette ou qui restent dans un placard sans jamais servir pèsent pour 11 000 tonnes de déchets électroniques chaque année dans l’UE. L’UE estime l’économie pour les consommateurs à 250 millions d’euros par an, outre l’économie sur le bilan carbone.

Les chargeurs les plus répandus passés au crible

Sur le papier, l’objectif est louable. Mais qu’en est-il dans les faits ? Avec des marques, des protocoles et des vitesses de charge différentes, les chargeurs de smartphones sont-ils vraiment interchangeables ? Analysant régulièrement la qualité des performances et l’état actuel du marché mobile, DXOMARK a réalisé une batterie de tests approfondis sur les chargeurs “compatibles” avec les appareils suivants : Apple iPhone 13, Xiaomi 12 Pro, Samsung Galaxy S22 Ultra, Oppo Find X5 et Google Pixel 6. Pour cette première série de tests, le laboratoire français s’est concentré sur les mesures du temps et de la puissance de la charge.

Pour des résultats précis, l’ensemble des téléphones testés ont été chargés avec leur chargeur original (ou celui recommandé par la marque), les chargeurs des téléphones concurrents mais aussi avec des chargeurs tiers populaires (Amazon Basics, Force Power, Belkin et Anker). Les résultats sont présentés dans les tableaux ci-dessous :

Le chargeur universel USB-C imposé par l'UE, une imposture ?
Le chargeur universel USB-C imposé par l'UE, une imposture ?
Le chargeur universel USB-C imposé par l'UE, une imposture ?

Des temps de charge plus aléatoires

Recharger son appareil à la même vitesse avec n’importe quel chargeur ? Les résultats sont loin, très loin de répondre à cet idéal. Lors de leurs tests, les ingénieurs de DXOMARK ont observé que l’abandon du chargeur d’origine au profit d’un autre se traduit le plus souvent par une augmentation significative du temps de charge. Le smartphone le moins compatible avec d’autres chargeurs s’avère celui d’Oppo : l’appareil mettra pratiquement trois fois plus de temps (une heure et demie) à se charger avec un autre chargeur, au lieu d’une demi-heure avec son chargeur d’origine. Xiaomi n’est pas en reste, bien que les différences ne soient pas aussi radicales. Pour Samsung et le Pixel 6 utilisant la norme USB-C PD, les résultats sont bien meilleurs, même s’ils sont loin d’être aussi optimaux qu’avec le chargeur fourni par défaut.

Une confusion totale pour les consommateurs

Compte tenu des résultats avancés par DXOMARK, il est facile d’imaginer la confusion chez les consommateurs qui devaient choisir eux-mêmes un chargeur pour leur appareil. Par conséquent, en plus de l’unification de la prise USB-C en tant que telle, le laboratoire estime nécessaire d’unifier les normes de charge. En effet, pour être chargé de manière optimale, l’appareil doit communiquer avec le chargeur via un protocole compatible. Si le chargeur et l’appareil ne prennent pas en charge le même protocole de charge, la vitesse de charge est réduite, généralement à une norme de base supportant 10W. Et c’est là que le vrai problème commence. Certains fabricants utilisent des normes documentées, d’autres créent leurs propres normes qu’ils ne partagent pas avec leurs pairs, sans compter que la même norme est souvent appelée différemment par les fabricants. Il s’avère que le “Super VOOC” d’Oppo, l’ “Ultra Dart” utilisé par Realme, le “Warp Charge” de OnePlus et le FlashCharge de Vivo sont une seule et même norme avec des noms différents. Mais parfois, même au sein des produits d’un même fabricant, différents modèles utilisent des normes de charge différentes.

Uniformiser les protocoles de charge entre les fabricants

Après l’arrivée des technologies Qualcomm Quick Charge et du standard USB PowerDelivery il y a quelques années, le nombre de protocoles a explosé ces dernières années, explique Julie Arsac, responsable communication chez DXOMARK. Et d’insister : De nombreux fabricants proposent aujourd’hui des protocoles de charge propriétaires encore plus rapides, allant jusqu’à 150W. Chacun de ces protocoles de charge nécessite l’utilisation d’un chargeur spécifique et d’un câble adapté, ce qui crée un système complexe où les consommateurs doivent bien identifier à quel appareil correspondent les chargeurs en leur possession.

D’ici fin 2024, la Commission européenne devra donc veiller à harmoniser les exigences d’interopérabilité. Car à lui seul, le standard USB-C ne suffira pas à empêcher la multiplication des chargeurs s’il ne s’accompagne pas d’un protocole commun. Le texte prévoit toutefois qu’il ne s’appliquera pas aux produits mis sur le marché avant la date d’application. Ce qui signifie qu’il y aura encore de nombreux smartphones plus anciens en circulation. Et donc très dépendants de leur chargeur d’origine.

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