La sécurité sociale file-t-elle vers la faillite?
La FEB met en garde contre l’explosion des dépenses de la sécurité sociale. Seule une nette amélioration du taux d’emploi, et donc de la proportion de cotisants, pourrait la sauver, affirme l’organisation patronale.
Point d’interrogation ou point d’exclamation ? La FEB a laissé les deux options ouvertes pour le séminaire qu’elle organisait ce jeudi sur le thème de “la faillite de la sécurité sociale ?/ !”. La situation financière de l’institution est en tout cas plus qu’inquiétante. Elle a besoin, pour boucler son exercice 2022, d’une dotation de l’Etat de quatre milliards d’euros. Et les besoins vont aller croissant puisque, d’ici 2027, les dépenses augmenteront plus vite que les recettes (26% contre 20) et propulseront le trou à combler au-delà des dix milliards d’euros.
Cela s’appelle vivre au-dessus de ses moyens. Sauf que certains considèrent que la dotation d’équilibre fait partie des moyens “normaux” de la sécurité sociale et qu’elle permet de répondre à de nouveaux besoins sans alourdir les cotisations sociales. Avec le financement alternatif (part des recettes TVA), cela fait aujourd’hui un tiers des recettes de la sécurité sociale qui n’est pas prélevé directement sur le travail.
“La dotation d’équilibre est un chèque en blanc, elle n’incite pas à penser de manière responsable”, objecte Alice Defauw, conseillère emploi et sécurité sociale à la FEB. La fédération patronale insiste beaucoup sur cet aspect de “responsabilité”, qui se serait, selon elle, dilué dans l’organisation interne de la sécurité sociale. Les recettes étant globalisées, les différents départements bataillent pour en obtenir la plus grande part, pas pour faire des économies dans leur propre budget. “A la fin, plus personne ne se sent responsable des finances, dénonce l’administrateur-délégué de la FEB Pieter Timmermans. De tels mécanismes finissent par détruire la sécurité sociale.”
Le président du comité de gestion de la sécurité sociale, Ferre Wyckmans, ne partage évidemment pas ces critiques. Il met notamment en avant des “coûts de gestion particulièrement bas” de la sécurité sociale.
Les intervenants à ce séminaire furent unanimes : la pérennité de la sécurité sociale passera par une augmentation du nombre de cotisants, en relevant le taux d’emploi (actuellement un peu au-dessus des 71%) jusqu’à 80%. Le gouvernement fédéral s’est fixé cet objectif à l’horizon 2030. “Mais je ne vois pas grand-chose dans le pipe-line pour atteindre cet objectif, constate Jan Denys, expert du marché du travail chez Randstad. Les accords de gouvernement dans les régions ne semblent par ailleurs pas couplés à cet objectif, c’est un peu étrange.” De la formation à la mobilité interrégionale en passant par la prévention des maladies de longue durée (500.000 personnes concernées dans le pays), une bonne partie des mesures susceptibles de doper le taux d’emploi en Belgique dépend en effet au moins partiellement des entités fédérées.
Il faudra que plus de Belge travaillent et qu’ils travaillent plus longtemps. La durée moyenne des carrières professionnelles et de 34 ans dans notre pays, soit deux années de moins que la moyenne européenne. Mais, surtout, un tiers de ces carrières sont constituées de périodes assimilées (chômage, maladie, invalidité…), pendant lesquelles la personne ne cotise pas. “Nous avons besoin d’une sécurité sociale réellement activante, plaide Marie-Noëlle Vanderhoven, conseillère Sécurité sociale et Pensions à la FEB. Il faut revaloriser le travail. Non seulement parce que c’est le meilleur instrument de financement de la sécurité social mais surtout parce que le travail est un facteur d’intégration et d’épanouissement.”
Cela passe autant par l’éducation que par une meilleure équité dans les prestations sociales. A la FEB, on s’interroge par exemple sur la légitimité de maintenir toutes les différences entre les régimes de pensions et sur le fait que les années de travail effectif ne soient pas mieux valorisées dans le calcul de la pension.
“Les bases de la sécurité sociale belge sont ébranlées, et nous regardons sans bouger”, concluent Pieter Timmermans et Monica De Jonge, Executive manager du Centre de compétence Emploi et Sécurité sociale de la FEB. “Nous dépensons de plus en plus sans réfléchir à qui va payer en bout de course, alors que le coût du vieillissement ne cesse d’augmenter et que l’objectif d’un taux d’emploi de 80% est plus éloigné que jamais. Nous devons de toute urgence rénover notre sécurité sociale, la rendre plus responsabilisante et en extraire les anomalies, sans quoi elle risque la faillite, avec toutes les conséquences catastrophiques que cela comporterait.”
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