La “pause” environnementale de De Croo: une rupture définitive avec Ecolo?

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le Premier ministre libéral flamand a créé la polémique. Volontairement. Pour défendre certains secteurs économiques. Et pour se détacher de verts dont il était proche.

Pour comprendre la polémique suscitée par la “pause environnementale” décrétée par Alexander De Croo, deux importants constats politiques s’imposent.

Premièrement, le Premier ministre libéral flamand est a priori… proche des écologistes. L’Open VLD et les verts sont même à l’origine de la naissance de la Vivaldi: en 2020, ils avaient ensemble balayé la danse du ventre entre Bart De Wever (N-VA) et Paul Magnette (PS) pour imposer un “projet constructif pour la Belgique”. Voilà ce qui lie les deux partis. C’est, aussi, ce qui a permis à Alexander De Croo d’occuper le Seize. Alexander De Croo est resté proche des verts, notamment dans le dossier énergétique: c’est davantage le MR qui faisait pression pour ne pas sorti du nucléaire, notamment.

Deuxièmement, le Premier ministre s’efforçait ausi, par nature et par respect institutionnel, de rester au-dessus de la mêlée. Ce temps-là est révolu: l’Open VLD est fortement à la traîne dans les sondages et doit retrouver un positionnement plus “libéral de droite”. Plus cyniquement, il doit aussi envisager la suite et la possibilité de travailler avec la N-VA sur le socio-économique.

L’agenda socio-économique

Car les temps changent. Le dossier énergétique continue à miner la Vivaldi, au-delà des sourires de circonstances pour l’éolien de la mer du Nord: il n’y a toujours pas d’accord avec Engie sur la prolongation du nucléaire, notamment.

Le dossier climatique reste prioritaire. Mais l’enjeu budgétaire et socio-économique s’avance à la une de l’agenda, avec les mises en garde européennes, la nécessité de faire des économies (c’est le credo d’Alexia Bertrand au budget, qui dépend du Premier) et de réformer le pays. Sur ces sujets-là, les réticences des socialistes et des écologistes commençent à fortement indisposer l’Open VLD: d’où l’idée cultivée par certains (au MR, singulièrement) de forcer une coalition de centre-droit en 2024 avec la N-VA et – pourquoi pas? – Vooruit.

Cette “pause” environnementale s’inscrit dans ce nouveau contexte politique. Elle est liée aussi à la concertation menée au niveau européen avec plusieurs dirigeants, dont le Français Emmanuel Macron. Ici et maintenant, il s’agit d’éviter que de nouvelles normes environnementales pour “restaurer la nature et la biodiversité” ne mettent à mal des secteurs importants – comme la construction ou l’agriculture. Pour rappel, le dossier agricole fut à la source d’une grave crise qui a manqué de terrasser le gouvernement flamand de Jan Jambon au sein duquel cohabitent N-VA et Open VLD.

Au-delà, le vif débat suscité par la sortie du Premier pose la question fondamentale de savoir si l’on prône pour une croissance qualitative et une lutte prioritaire contre les émissions de CO2, avec l’industrie comme levier – ou si l’on opte pour la décroissance. Certains masques tombent.

Une rupture avec les verts?

Les écologistes et les socialistes ne décolèrent pas. Jean-Marc Nollet, coprésident d’Ecolo, affirmait à nouveau ce jeudi matin sur la RTBF que les propos d’Alexander De Croo vont “à l’encontre de la déclaration gouvernementale”. Cela reste à prouver. Et si c’est le cas, les verts tireront-ils la prise? Visiblement pas. Conclusion opportuniste de Nollet: cela prouve que l’on “ne fait pas d’écologie sans les écologistes au sein du gouvernement”.

Mais la campagne électorale est lancée, de tous côtés, un an avant le scrutin importantissime du 9 juin 2024. Au-delà des réformes qui restent à accomplir, dont l’ambition se fragilise chaque jour davantage, une question se pose, inévitablement: cet incident marque-t-il une rupture définitive entre libéraux et écologistes? En Belgique, il ne faut jamais dire jamais au vu de la complexité du paysage politique, mais la relation semble détériorée.

Question complémentaire: Alexander De Croo, qui avait exprimé son souhait de diriger une Vivaldi 2, a-t-il renoncé, au fond de lui, à ce dessein? Poser la question, c’est peut-être y répondre.

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