La France, start-up nation ou terre de paysans ?

La candidate de la droite républicaine (LR) Valérie Pécresse a proposé de doubler le montant exonéré pour les héritiers en ligne directe et d'exonérer aussi de 100.000 euros ceux en en ligne indirecte.

Retenez bien cette date, habitants de la planète et corpuscules errants de la galaxie : le 24 avril 2022 nous connaîtrons, à moins que les chars russes incapables de s’arrêter dans leur élan vers l’Ukraine n’aient envahi Paris, le nom du nouveau président français. C’est l’occasion de prendre régulièrement le pouls économico-politique de cette campagne pour laquelle le président actuel, Emmanuel Macron, n’est toujours pas officiellement candidat (quel suspens !). Aujourd’hui, parlons un peu de succession.

Et si, plutôt que le covid, l’immigration ou l’identité française, le thème de la campagne présidentielle française était l’héritage ? Non pas l’héritage culturel. Non pas l’héritage politique (qui n’est souvent qu’une trahison de l’original, voyez l’exemple de Gaulle – Zemmour). Mais l’héritage sonnant et trébuchant. Et les impôts que l’on paie dessus.

La candidate de la droite républicaine (LR) Valérie Pécresse a déclenché la bataille en début de semaine en proposant de doubler le montant exonéré pour les héritiers en ligne directe et d’exonérer aussi de 100.000 euros ceux en en ligne indirecte. Bref, 95% des successions échapperaient ainsi à l’impôt. C’est malin parce que cela embête bien l’actuel président Emmanuel Macron.

Aujourd’hui, il existe déjà en France une exonération de 100.000 euros par descendant en ligne directe. Ensuite, des droits s’appliquent qui vont de 5% à 45%. Mais les gros héritages, les 0,1% les plus riches qui en théorie sont soumis au taux marginal de 45%, ne paient en pratique que 10% grâce à la multiplication des niches et des placards fiscaux. C’est donc moins que la classe moyenne qui est soumise à une ponction de 20% si l’héritage reçu est compris entre 15.000 et 550.000 euros.

On se pince pour être sûr qu’on ne rêve pas mais sur ce sujet, la plupart des économistes sont d’accord : qu’ils soient de gauche de droite ou du centre, ils estiment tous que la fiscalité patrimoniale française actuelle accroît les inégalités.

Il faudrait donc réformer tout cela. “Vous avez économiquement raison, mais politiquement tort”, a répondu, sibyllin, Emmanuel Macron à l’économiste qui le lui conseillait. Bien sûr qu’il faudrait réformer les successions, fiscalement encourager la prise de risque et le travail, et au contraire taxer davantage les patrimoines transmis quand ils sont importants ! Mais allez essayer d’expliquer cela à des électeurs qui, quels que soit le niveau du patrimoine de leurs parents, voient dans les droits de succession une ponction indue sur ce qui doit leur permettre de vivre une fois qu’ils ne travailleront plus. Des électeurs qui ont usé leurs jeans sur les bancs de l’école à lire le Père Goriot, figure admirable de Balzac qui se délaisse de sa fortune au profit de ses filles. Mais qui meurt abandonné et dans le dénuement le plus complet. Remplacez les filles par le fisc, et vous voyez le problème.

Interrogé voici quelques semaines par le journal Le Parisien, Emmanuel Macron s’en était sorti par une pirouette en laissant entendre qu’il n’allait pas toucher à ce sujet glissant. “Nous sommes une nation de paysans dans notre psychologie collective ce qui est une force”, avait-il dit en plissant les yeux comme un laboureur beauçois. Il ajoutait : “Nous avons cela dans notre ADN et donc la transmission est importante pour nous”. Tant pis donc si ça freine le dynamisme de l’économie. Les licornes, dont l’économie française vient de fêter l’arrivée de la 25ème, ne seraient que des chevaux de trait, de lourds percherons auxquels on aurait ajouté une pointe en carton sur le front pour faire joli. La “start-up nation” ne serait qu’une terre de paysans ….

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