Débat Macron – Le Pen: un gagnant, une gagnante, et un grand absent

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Les deux heures et demie de débat télévisé entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, ont laissé chacun des candidats retranchés dans leur camp, mais sans vraiment aller à la rencontre du troisième homme, l’électeur de gauche.

C’est la question d’après débat. Alors, qui a gagné ? Qui a gagné de Marine Le Pen ou d’Emmanuel Macron après leur joute télévisée de mercredi soir ?

Eh bien, il y a eu un gagnant sur le fond et un sur la forme, et ce ne sont pas les mêmes. D’un côté, comme le souligne le sondeur Brice Teinturier, Emmanuel Macron est toujours celui que les Français considèrent comme le plus présidentiable. Il maîtrise ses dossiers et renvoie Marine Le Pen dans ses inepties économiques et sa mécompréhension de l’Union européenne. Mais face à un Emmanuel Macron trop décontracté, la jouant professeur de macro-économie aux prises avec une cancre peu douée, c’est Marine Le Pen qui a emporté la victoire de l’empathie, apparaissant plus proche des gens et de leurs problèmes immédiats, parlant de ceux qui ont des difficultés avec leurs banquiers, de la facture des automobilistes à la pompe, des agriculteurs qui se font voler leur bétail et leur engrais, des pêcheurs exaspérés par les champs d’éoliennes, des professeurs impuissants devant des classes ingérables….

Et puis s’il y a un gagnant et une gagnante, il y a aussi un absent : l’électeur de gauche.

Le grand absent

Avec des intentions de vote de 53,5% pour Emmanuel Macron et 46,5% pour Marine Le Pen, et en tenant compte d’une marge d’erreur de 3%, selon l’institut de sondage Ipsos, on ne peut que répéter, à trois jours du scrutin, que rien n’est gagné.

L’enjeu du débat était donc de faire bouger les lignes. Dans un paysage politique qui montre une France coupée en trois (un tiers de libéraux macronistes, un tiers de nationalistes lepéniste et un tiers à gauche, c’était le moment d’aller chercher l’électeur indécis qui avait voté pour Jean-Luc Mélenchon qui fera le prochain roi.

Mais si le discours de l’un comme de l’autre a conforté ses propres troupes, il n’a pas vraiment attiré les électeurs qui n’avaient pas voté Le Pen ou Macron au premier tour. Il y a bien eu quelques appels du pied d’Emmanuel Macron aux écologistes, le président candidat rappelant ses propositions pour accélérer la décarbonation de l’économie et pour charger le prochain premier ministre d’un cahier des charges climatiques. Il y a bien eu les oeillades appuyées de Marine Le Pen en direction des gilets jaunes, des travailleurs ubérisés, des victimes de la fracture sociale et numérique, bref, des victimes de la mondialisation. Mais aucun appel, vraiment susceptible d’emporter les indécis.

Et la dette dans tout ça ?

Bon, il y a évidemment eu comme dans tout débat politique des moments épicés, des punchlines bien senties. L’une à mettre à l’actif de Marine Le Pen, qui a lancé face aux accusations d’Emmanuel Macron : “Je ne suis pas climato-sceptique, en revanche vous êtes un peu climato-hypocrite”. L’autre dévastatrice de la part d’Emmanuel Macron, rappelant le financement par une banque russe proche du Kremlin de la précédente campagne de Marine Le Pen et lançant : “vous parlez à votre banquier quand vous parlez de la Russie”.

Mais cela a manqué de sel, notamment dans les thématiques financières. On a vainement cherché, dans ces 150 minutes au cours desquelles on a abordé les thèmes du pouvoir d’achat, de la politique internationale, de la laïcité, de l’enseignement, du port du voile, de la gouvernance de la France, et dans ces deux heures et demie de promesses (promesses bien sûr de baisses d’impôts, de baisse du chômage, des revalorisations des salaires des enseignants et des infirmières …) on a vainement cherché, donc, le moment où les candidats expliqueraient comment financer tout cela.

Car ces dizaines de milliards de dépassements budgétaires (à la grosse louche, les promesses du candidat Macron coutent 50 milliards, celles de la candidate Le Pen 110 milliards) viendront grever un endettement dépassant déjà les 2.800 milliards d’euros et pesant 112% du PIB. Et l’on sait, en Belgique, qu’une fois que la dette publique s’emballe, il est difficile de la calmer.

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