La dérive extra-légale de Bart De Wever, dans un pays irréformable

Bart De Wever, président de la N-VA. © Belga
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le président de la N-VA veut obtenir le confédéralisme en-dehors d’une réforme constitutionnelle en 2024. Il ne croit plus à la capacité de tous les autres partis à réformer. Une fuite en avant vers le blocage.

Bart De Wever, président de la N-VA, tente de retrouver les dents acérées qui ont fait de lui le wonderboy de la politique flamande au début des années 2010. Alors que son parti est à la peine dans les sondages face à un Vlaams Belang plus radical que lui, le voilà tenté par l’aventure institutionnelle. Dépité par l’incapacité par ce pays à se réformer. Et désireux de voir le CD&V et l’Open VLD s’effondrer en Flandre, quitte à perdre des alliés précieux.

Ce week-end, De Wever a donc déposé sur la table de la campagne électorale de 2024 la volonté de réaliser “une réforme extra-légale” de la Belgique. En clair: on pourrait décider d’une autonomie maximale des Régions et Communautés sans passer par la case d’une réforme de la Constitution, pour légaliser cela ensuite. Toutes les réformes majeures ont été introduites de manière extralégale puis légalisées, j’en ai longuement parlé avec (l’ancien Premier ministre CVP) Jean-Luc Dehaene”, a-t-il précisé.

Sa vision du confédéralisme est connue: quasiment toutes les compétences – à l’exception de quelques fonctions régaliennes – seraient transférées aux Communautés (et un peu aux Régions), le centre de gravité serait déplacé vers les entités fédérées, seul un gouvernement croupion confédéral composé des ministres communautaires serait chargé de gérer le peu de choses communes.

Ecolo: “C’est très dangereux”

Une réforme extra-légale? “C’est très dangereux, rétorque Jean-Marc Nollet, coprésident d’Ecolo, ce lundi matin sur LN24. C’est une dérive que l’on observe de plus en plus chez les partis conservateurs, malheureusement pas qu’en Flandre, aussi dans certains propos en Wallonie. On se met au-delà de la légalité. Si Bart De Wever dit: ‘je ne respecte plus la Constitution’, mais c’est la fin de l’Etat de droit. C’est illibéral. Jamais nous ne serons partenaires de l’illégalité.”

“Ainsi Bart De Wever propose que la Flandre fasse le choix du confédéralisme, qui est bien le séparatisme, par un coup de force, estime Olivier Maingain, eancien président de DéFI. Si après cela, les démocrates n’ont pas compris que la NVA est un parti d’extrême droite, c’est qu’ils seront complices.”

Dans sa fuite en avant, Bart De Wever devra trouver des alliés. Or, plus personne ne trouve grâce à ses yeux. Le CD&V et l’Open VLD, ses partenaires au gouvernement flamand? “Pour briser le statu quo, il faut d’abord que le CD&V et l’Open Vld sombrent en 2024“, affirme-t-il au Tijd. “Idéologiquement nous sommes proches, mais je leur souhaite une incroyable dégelée pour ce qu’ils ont fait avec la Vivaldi.”

Vooruit, dont on dit que le jeune président Conner Rousseau serait prêt à gouverner avec la N-VA pour éviter l’emprise du Vlaams Belang? “C’est le seul membre du gouvernement fédéral qui se sent bien dans sa peau. Mais je le trouve déjà beaucoup moins sympathique qu’il y a un an. Je pensais qu’il allait se révéler comme un socialiste danois, avec lequel nous pourrions collaborer. Mais c’est du pur marketing. Quelques sondages favorables et monsieur pense qu’il est sorti de la cuisse de Jupiter.”

Quant à l’idée d’une “révolution” menée avec le Vlaams Belang, que craignent certains: “Je ne connais personne qui soit désireux de gouverner avec ces gens-là. Et encore moins de s’engager avec eux sur la voie de la révolution. Je ne souhaite pas de scénario catalan. Je ne suis pas fou.

En route vers le blocage

Si la N-VA se trouve au coeur du jeu après le scrutin de 2024, avec un Vlaams Belang dominant et hors-jeu, on risque donc une nouvelle (longue) période de blocage. Car De Wever ne roit plus en la capacité de pays à s’adapter: “Ni avec le PS, ni avec une réédition de la Suédoise. C’est peine perdue. (…) Tant que notre sort sera lié à celui de la Wallonie, cela ne marchera pas. Les Francophones n’ont aucun intérêt à gouverner au centre-droit. Je ne peux même pas en vouloir au PS. Lorsque vous n’avez que des dettes, l’inflation procure une sensation agréable.”

De la musculation à usage flamand face à un Vlaams Belang qui a le vent en poupe? Sans doute. Mais l’électeur préfère toujours l’original à la copie. Une façon de mettre la pression sur des partenaires potentiels, dont les socialistes? Aussi, mais Paul Magnette, président du PS, ne semble guère enclin à répéer le dialogue de l’été 2019. Un message aux éventuels partenaires d’une Suédoise revue et corrigée pour obtenir du lourd? Peut-être. Ou une façon de préparer, quand même, une alliance avec le Belang?

Plus que jamais, le scrutin de 2024 sera un référendum pour ou contre la Vivaldi. Raison de plus pour elle de montrer, en mars, qu’elle a la capacité de mener des réformes ambitieuses.

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