Ces discrets (ex-) actionnaires de Degroof Petercam

Jean-Marie de Buck van Overstraeten: la remarquable reconversion d’un banquier en spécialiste de la construction circulaire. © PG - T. Verbruggen

La vente de la banque d’investissement Degroof Petercam rapporte des centaines de millions d’euros aux actionnaires, dont la grande famille gantoise de Buck van Overstraeten compte au nombre des principaux représentants flamands.

Le rachat par le Crédit Agricole du gestionnaire d’actifs Degroof Petercam (valorisé pour l’occasion à 1,55 milliard d’euros) a été annoncé début août. L’opération sera finalisée dans le courant de l’année prochaine. Parmi les petits actionnaires figure la famille gantoise de Buck van Overstraeten.

Précisons que la liste des actionnaires disponible au tribunal de commerce remonte à l’assemblée générale extraordinaire du 1er octobre 2015, date à laquelle plus des quatre cinquièmes des actionnaires de la Banque Degroof, soit 117 personnes ou sociétés, s’étaient réunis pour ratifier la fusion avec la SA Petercam. Aucun recensement n’a plus été déposé depuis.

A l’époque, la famille de Buck van Overstraeten détenait un peu plus de 300.000 actions, c’est-à-dire moins de 3% du total actuel. La participation est aux mains de sept membres des septième et huitième générations et de deux épouses. Parmi eux se trouve Philippe (septième génération), qui fut deux décennies durant à la tête de Fabrimétal, aujourd’hui la fédération de l’industrie technologique Agoria. C’est en revendant sa société De Buck Vermogensbankiers que la famille était devenue actionnaire de la Banque Degroof.

Retour en arrière. En 1874, Adrien de Buck ouvre à Gand un commerce de lettres de change, destiné à soutenir le négoce, alors florissant, entre la ville portuaire belge et le secteur textile du nord de l’Italie. Pendant des générations, l’activité se transmet de père en fils. Jean-Pierre de Buck van Overstraeten en est l’avant-dernier CEO. Un administrateur de l’époque garde de lui un excellent souvenir. “C’était un plaisir de le côtoyer au conseil d’administration, commente-t-il. Il était à la fois très courtois et professionnel. Il exprimait clairement ses opinions. Il a parfaitement rempli son rôle.”

Pas l’envergure suffisante

De Buck Vermogensbankiers était un nom réputé à Gand. Avant la vente, la société avait consenti beaucoup d’efforts pour passer du statut d’agent de change classique (négoce d’actions) à celui de banque spécialisée dans la gestion d’actifs, dans le but de s’assurer des revenus plus stables. Mais cette transformation nécessitait surtout davantage d’investissements, notamment dans des systèmes de reporting réglementaire plus stricts et dans le marketing. Et la petite société n’avait pas l’envergure suffisante pour jouer dans la cour des grands. La fusion dans une entité plus grande semblait être la meilleure option pour l’avenir. En 2003, après 129 ans d’existence, elle a donc intégré la Banque Degroof.

“Vendre une entreprise qui se transmettait depuis huit générations a été bien sûr une décision difficile.”

Jean-Marie de Buck van Overstraeten en était devenu le CEO en 1995, à l’âge de 27 ans, et dirigeait le banquier patrimonial gantois depuis huit ans lorsqu’il a été vendu. Il est resté à sa tête jusqu’en 2004, l’année qui suivit la reprise. “Bien sûr, vendre à un âge aussi jeune une entreprise qui se transmettait de père en fils depuis huit générations a été une décision difficile à prendre”, avait admis ce juriste de formation lors d’une interview accordée au printemps 2021 au quotidien De Tijd. “Mais je ne l’ai pas regrettée un seul instant.” Il a été brièvement administrateur de la Banque Degroof, de 2004 à 2007.

De la banque à l’immobilier

En 2004, Jean-Marie de Buck van Overstraeten se lance dans une remarquable stratégie de diversification. En compagnie de Sylva Mannens, sa seconde épouse, il rachète Aclagro, une entreprise de construction qui se mue en deux décennies, au gré des éclosions de filiales et des acquisitions, en la SA Square Group. Selon son site (il ne publie pas de chiffres consolidés), le mini-conglomérat emploie aujourd’hui 500 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 130 millions d’euros.

© National

L’entreprise est spécialisée dans la démolition. Cela fait des années déjà qu’elle possède un centre de recyclage des débris qui, une fois traités, sont acheminés vers la centrale à béton. Le béton sert ensuite à fabriquer les fondations de voiries: le groupe gantois a été à l’avant-garde de la stratégie circulaire. Jean-Marie de Buck van Overstraeten s’en était ouvert lors d’un entretien avec nos confrères de Trends: “Quand nous démolissons, nous ne nous arrêtons pas là: nous assurons aussi l’assainissement du sol, le recyclage, l’épuration des eaux, etc. Nous avons également des divisions promotion immobilière, construction de voiries… Il y en a toujours une dont les résultats sont meilleurs que les autres”, avait-il souligné.

Cette politique se reflète également dans les projets de promotion immobilière. De Buck van Overstraeten construit à Adinkerke, à Gand, à Harelbeke, à Knokke – partout, et surtout en Flandre-Orientale et Occidentale. A Artevelde, un ancien site industriel pollué a été reconverti en projet résidentiel baptisé Cotton Island. Mais le bâtiment qui a fait couler le plus d’encre est sans doute la résidence La Réserve, à Knokke, un ensemble d’appartements onéreux, même selon les normes locales.

Six holdings

Jean-Pierre, le père de Jean- Marie, a organisé la transmission financière du patrimoine en 2013. Il a scindé la SA DB Finaco, le holding familial de l’époque, et versé les actifs dans six nouveaux holdings – un pour chacun des membres de la huitième génération. Ce sont également ces six sociétés qui sont actionnaires de Degroof Petercam. Sur le plan individuel, le paquet d’actions le plus épais est détenu par Jean-Marie.

La participation dans Degroof Petercam représente une part importante des actifs des holdings, mais pas la totalité. LT Capital & Advice SRL, le holding patrimonial de Jean-Marie, a clos le dernier exercice sur un bilan de 90 millions d’euros. La participation dans Square Group est elle aussi versée dans le holding. La société détient une participation minoritaire dans Verhofsté, une entreprise de Zele qui fabrique mobilier urbain et racks pour vélos.

Jean-Marie et son épouse Sylva possèdent une société agricole en Afrique du Sud, dans les environs du Cap. Ce domaine de 120 hectares produit olives, citrons, huile de lavande et huile de romarin. L’amour que Jean-Marie voue à l’Afrique du Sud explique son engagement au sein de Long Street Foundation. “Cette ASBL fournit un accès au wifi aux habitants d’un bidonville situé près du Cap”, explique Laurence Levrau, coadministratrice, qui exploite par ailleurs (entre autres) le centre d’affaires Fabriek Botaniek, à Kruishoutem. “Elle a de surcroît accordé un prêt sans intérêt au centre de formation d’une centrale d’appels. Le moteur de cette initiative est incontestablement Jean-Marie, qui a de très fortes affinités avec l’Afrique du Sud. Il veut en outre rendre quelque chose à la société. C’est typiquement lui: il est très correct, motivé, résolument engagé.”

Une famille d’entrepreneurs

Alexandre de Buck van Overstraeten est notamment actif dans la mode. The Fashion Corner vend des sacs en cuir de diverses marques, fabriqués à la main en Italie.

Il est depuis février administrateur délégué de la SA Weerts Energy, une filiale de l’entreprise familiale liégeoise du même nom, spécialisée dans la logistique et la promotion immobilière. Weerts Energy se consacre à la production et à la distribution d’énergies renouvelables, en particulier de l’énergie solaire. De septembre 2016 à fin 2018, Alexandre a été conseiller communal Open Vld à Kampenhout, ville dans laquelle il a également été secrétaire du parti. “Je ne suis plus actif en politique. Je n’ai même plus de carte du parti, précise désormais l’homme d’affaires. Je m’étais engagé pour un seul mandat. C’est un choix personnel, je n’avais plus le temps. Toute ma famille est passionnée par la politique. J’ai cherché à rendre quelque chose à la société, en influençant la stratégie locale et communale.”

Anthony de Buck van Overstraeten vit et travaille à Toronto (Canada), où il est à la fois chirurgien et enseignant à l’université. Il a auparavant été chirurgien à la KU Leuven et à l’hôpital universitaire.

On ne sait rien de Marie-Noëlle (“Manoelle”) de Buck van Overstraeten, la seule femme de la huitième génération.

Nicolas de Buck van Overstraeten adore la France. Il exerce diverses activités immobilières, notamment dans le tourisme, à Saint-Rémy de Provence, au sud d’Avignon. Ses frères Anthony et Xavier ont eux aussi des intérêts dans ces entreprises hexagonales.

Xavier de Buck van Overstraeten est le représentant le plus médiatisé de la famille. En 2003-2004, à l’époque où DHL caressait d’ambitieux projets pour Zaventem, il était presque chaque jour sur les ondes. Avec 34.000 vols de nuit et plus de 6.000 employés, l’aéroport aurait dû devenir la plaque tournante mondiale du logisticien. Les plans ne se sont pas concrétisés, mais Xavier de Buck van Overstraeten, alors directeur commercial pour la Belgique, était devenu le visage de DHL, pour qui il a continué à travailler jusqu’en 2008. Après 10 années passées dans le fauteuil de CEO du réparateur de parebrises Touring Glass, il est aujourd’hui directeur commercial de Touring, le spécialiste de l’assistance dépannage et de l’assurance voyage.

Les fortunes discrètes de Flandre

Plusieurs familles flamandes se sont constitué d’importants portefeuilles d’investissement au fil des ans. Elles font ainsi prospérer et croître notre économie. Trends-Tendances présente chaque mois une de ces familles souvent méconnues.

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