Typhanie Afschrift

Faut-il réduire les salaires des ministres?

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Nos parlementaires et ministres gagneraient-ils trop ? Un parti suggère de diminuer leur rémunération.

Le parti Ecolo éprouve visiblement l’envie de rebondir, après avoir été contraint de revoir sa politique nucléaire. Il formule dès lors une proposition particulièrement populiste: réduire les salaires des ministres et des parlementaires d’environ 30%. Evidemment, ce genre de mesure va plaire à tous les envieux et à tous ceux qui détestent la politique et ceux qui la pratiquent. Cela fait certainement beaucoup de monde.

12.000 euros net par mois

Il faut reconnaître qu’actuellement, les parlementaires et les ministres ont des rémunérations qui excèdent très largement le salaire moyen. Un parlementaire gagne environ 6.000 euros net, donc après impôts, et un ministre environ 12.000 euros, toujours après impôts, et en tenant compte d’une indemnité couvrant des frais forfaitaires. Mais il faut admettre que certains de ces frais existent réellement et que c’est une fonction qu’il est difficile d’exercer sans les supporter. En outre, l’administration fiscale n’accepte pas la déductibilité des frais de campagne électorale, pourtant évidemment assumés dans le but de conserver ou d’obtenir un mandat.

Avec de telles rémunérations, le Parlement ne correspond pas sociologiquement à l’état de la population. On sait que certains le souhaiteraient, y compris parmi ceux qui voudraient que nos élus soient tirés au sort. Mais est-ce vraiment cela l’essence de la démocratie “représentative”? Ce mot indique bien que les citoyens se font représenter, pour former la Chambre des “représentants”, et que le Parlement doit comprendre des élus représentant la population, donc mandatés par elle.

Le prix de la qualité

Et il faut tout de même admettre aussi que, même si ce n’est pas toujours le cas, la fonction de parlementaire impliquerait normalement à la fois des compétences importantes et un travail assidu, dans l’hémicycle et en dehors de celui-ci. Celui qui a le pouvoir de changer les lois devrait tout de même y connaître quelque chose. Et pour voter en connaissance de cause, il faut, du moins en théorie, avaler des centaines de pages de textes complexes.

On sait, bien sûr, que cela n’est qu’un idéal et que nos parlementaires se bornent fréquemment à pousser sur le bouton requis par le chef de groupe, lui-même obéissant sujet d’un président de parti. Mais entériner cette situation en considérant qu’il n’est pas utile d’avoir comme représentants des personnes compétentes, c’est abandonner l’idée d’un Parlement efficace et représentatif. On ne peut le faire sans saborder la démocratie elle-même.

Nos parlementaires et ministres gagneraient-ils trop ? Un parti suggère de diminuer leur rémunération.

Or, si l’on veut que le métier de politicien exige réellement de nombreux sacrifices alors qu’il est particulièrement instable, surtout au niveau fédéral, il doit garder un certain attrait. Du moins si l’on veut avoir une chance de disposer d’un personnel de qualité. Le niveau actuel n’est déjà pas celui dont on pourrait rêver. Que penser alors si l’on devait réduire les salaires de 30%?

Les responsabilités d’un ministre sont comparables à celles d’un grand patron d’une société importante. Or, les dirigeants des sociétés représentés dans le Bel20 gagnent en moyenne environ 1.800.000 euros net par an, soit 150.000 euros par mois. Soit quand même 10 fois plus qu’un ministre.

Même si l’argent n’est évidemment pas le seul critère de sélection d’une fonction, il fait partie des arguments importants. Croit-on vraiment que de nombreuses personnes aptes à diriger une grande société soient réellement intéressées par une fonction politique? Poser la question, c’est y répondre.

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