Et si le Vlaams Belang accédait au gouvernement?
On aurait des baisses d’impôts, des dépenses sociales en hausse, un déficit qui se creuse méchamment et une grande interrogation sur la compétitivité des entreprises.
Au lendemain de la victoire du populiste Geert Wilders aux élections néerlandaises le 22 novembre dernier, le patron du Vlaams Belang (VB), Tom Van Grieken, se réjouissait sur Radio 1 : ” Ceux qui veulent vraiment le changement doivent faire en sorte que les partis antisystème grandissent “.
Le patron du VB voit déjà la victoire de ses idées en Flandre. Les sondages ne lui donnent pas tort : selon l’enquête RTBF-La Libre-Kantar d’octobre dernier, le Vlaams Belang obtiendrait 23,3% des voix, soit près de 5 points de plus que lors des élections de 2019, au cours de laquelle le parti avait triplé ses scores de 2014 ! On pourrait dire que c’est une affaire flamando-flamande? On aurait tort: Tom Van Grieken est bien décidé, s’il en a l’occasion, à monter au fédéral. “C’est un mensonge de dire que je ne veux pas gouverner au niveau fédéral. Mieux encore: je souhaite y être invité”, dit-il.
Alors, à quoi doivent s’attendre les entreprises et l’économie si jamais le VB montait au fédéral ?
Politique sociale
Le programme du parti semble avoir des points communs avec celui du PTB. Normal, le public cible est en partie le même. Le VB désire ainsi créer une allocation parentale à mi-temps, d’un coût budgétaire d’environ 450 millions. Et une série de mesures viendraient gonfler aussi les soins de santé d’environ 0,9 milliard, notamment afin d’améliorer la prise en charge des personnes âgées.
La mesure phare est la volonté de fixer un minimum de pension à 1.500 euros et de ramener la durée de la carrière complète à 40 ans. Le VB veut aussi relever les allocations sociales au niveau du seuil de pauvreté. Ces deux mesures, selon les estimations qu’avait réalisées le Bureau du Plan en 2019, coûteraient près de 2,9 milliards. Mais elles seraient financées par le rabotage de la pension des hauts fonctionnaires (qui générerait 1 milliard par an) et la fin du chômage à durée indéterminée (économie : plus de 800 millions). Autre grande compression des dépenses (plus d’un milliard et demi) : la limitation des prestations sociales pour les non-résidents de l’Union européenne.
Fiscalité : on rase gratis
A ces mesures sociales s’ajouteraient aussi des mesures fiscales. La plus importante est une baisse générale de l’impôt des personnes physiques : on rehausserait le montant de la tranche exonérée et on abaisserait de 40% à 30% le taux d’impôt de la deuxième tranche de revenu. Coût : presque 10 milliards d’euros par an.
A cela s’ajouterait aussi une simplification de l’impôt des sociétés (avec une baisse du taux nominal de l’Isoc), ce qui coûterait 0,9 milliard environ, mais cela serait financé par une meilleure perception de l’impôt et par l’abandon des intérêts notionnels. Le VB désirerait aussi abaisser la TVA à 6% (contre 21%) sur une série de biens et services de base : gaz, eau, électricité, fioul de chauffage et accès à internet, soit un manque à gagner pour l’Etat de plus de 1,1 milliard à l’Etat.
La priorité du VB, qui vise la partition de la Belgique, n’est pas de consolider les finances fédérales.
Le grand perdant
On pourrait penser que ce paquet de mesures sociales et fiscales avantagerait d’abord les ménages les plus modestes. Mais ce n’est pas le cas si l’on en croit le modèle du Bureau du Plan. C’est la classe moyenne (les revenus disponibles entre 2.000 et 4.000 euros par mois) qui en profiterait d’abord, avec des revenus augmentés de 6% environ. Gagnants aussi, dans une mesure un peu moindre, les hauts revenus. Les personnes qui ont un revenu disponible allant jusqu’à 1.120 euros par mois seraient donc ceux à qui ces mesures profiteraient le moins.
Mais qui perdrait ? D’abord les médias. Les médias classiques naturellement, avec la privatisation de la VRT (la disparition de la dotation à la radio-télévision de service public serait une économie de 600 millions), la disparition de l’aide à la presse (fin des subsides pour la distribution des journaux, plus de TVA réduite).
Les finances publiques fédérales seraient aussi fortement mises à contribution. Selon les estimations du Bureau du Plan (qui datent de 2019, donc avant la flambée de l’inflation et des taux), ce programme aggraverait chaque année le déficit public de 1,8 à 2%. Après cinq ans, l’endettement de l’Etat serait de 9% plus élevé qu’à politique inchangée. Et encore, dans cette estimation, on impute des recettes évanescentes. Le VB table ainsi sur 2 milliards par an qui proviendraient de la lutte contre la fraude TVA.
“Taking back control”?
Alors bien sûr, la priorité du VB, qui vise la partition de la Belgique, n’est pas de consolider les finances fédérales. Mais un coût important viendrait, pour l’Etat fédéral et les Régions, d’une considérable hausse des taux. Le VB désire en effet abolir les traités européens et sortir de l’euro. ” L’euro a échoué sur tous les fronts, lit-on dans son programme. La situation actuelle est absolument insoutenable et une plus grande centralisation européenne ne résoudra pas le problème mais l’aggravera. “ Le parti estime que ” les images apocalyptiques que l’establishment de l’UE essaye d’évoquer chaque fois qu’il est question de la disparition de l’euro n’ont aucun fondement “.
Pourtant, on l’a vu en 2011 quand la spéculation a voulu se porter sur la Belgique, les taux peuvent monter très vite, avec une incidence à la fois sur la facture des pouvoirs publics, des ménages et des entreprises.
Et puis, à l’image de celle des partisans du Brexit qui voulaient ” reprendre le contrôle ” et ne plus payer l’Union européenne, le VB veut mettre fin aux 14 milliards de transferts flamands vers le fédéral, Bruxelles, la Wallonie et l’Europe. Avec d’ailleurs le même problème potentiel que les Brexiters : si l’on veut quitter le club, fédéral et européen, il y a des coûts cachés considérables qui n’apparaissent pas au premier abord car l’économie belge, et particulièrement flamande, est ouverte. Elle a besoin de commercer sans entraves avec ses voisins.
Une position fragilisée
Or, en quittant l’UE pour une hypothétique union douanière, en se retirant des programmes européens, les entreprises risqueraient de se trouver marginalisées. Nos pouvoirs publics, même la Région flamande, n’auraient pas les moyens de soutenir seuls l’économie du pays ou de la Région. Ils devraient aussi, comme les pouvoirs publics britanniques, renégocier des centaines de traités commerciaux bilatéraux.
Les entreprises néerlandaises l’ont d’ailleurs bien compris. Leurs premières réactions, après l’élection du 22 novembre qui a amené le PVV de Geert Wilders en tête, a été d’avertir : il faut que le nouveau gouvernement des Pays-Bas ” opère dans le cadre de l’Etat de droit démocratique et tienne compte de la position commerciale des entreprises néerlandaises dans le monde et dans l’Union européenne “. Un avertissement qui vaut aussi pour la Belgique.
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