Entre cadeau fiscal et cadeau électoral, la Vivaldi est divisée sur le nouveau bon d’Etat à un an

© Belga
Baptiste Lambert

C’est désormais officiel. L’Agence de la dette émettra deux nouveaux bons d’État en mars. L’un à échéance d’un an, l’autre à trois ans. On connaîtra leur coupon le 20 février. D’ici là, la Vivaldi risque bien de se déchirer. La secrétaire d’État en charge de la Protection des consommateurs, Alexia Bertrand (Open Vld), a clairement indiqué que son parti se positionne contre une nouvelle réduction de moitié du précompte mobilier. Pas question de faire un nouveau cadeau électoral au ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, et au cd&v.

De quoi parle-t-on ?

L’Agence de la dette émettra deux nouveaux bons d’État le 4 mars.

  • Le bon d’État à trois ans : il ne bénéficiera pas d’un précompte réduit. Il faudra donc retrancher 30% au coupon. Au niveau actuel du marché, ce coupon devrait tourner autour de 1,68% net.
  • Le bon d’État à un an : l’Agence de la dette souhaite clairement la reconduction du précompte réduit à 15%, comme en septembre dernier (ce qui avait provoqué l’exode de 22 milliards d’euros des comptes d’épargne vers le bon d’État à un an). L’importance de la réduction fiscale est cruciale : son taux passerait de 2,2 à 2,72% net.

Si le but est clairement de mettre la pression sur les banques, l’Agence de la dette a délimité les deux bons avec un plafond de 6 milliards d’euros. Elle pourra clôturer la souscription une fois ce plafond atteint. Le gouvernement ne doit pas non plus jouer aux apprentis sorciers, en déstabilisant l’ensemble du système d’épargne.

Des alliés pour le cd&v ?

Après l’émission de septembre dernier, un sondage particulièrement favorable au cd&v et au ministre Van Peteghem avait suivi. Tout le monde l’aura noté, rue de la Loi. En comparaison aux pays voisins, notamment la France, l’épargnant belge n’est pas particulièrement gâté par le rendement de son compte d’épargne. Que le gouvernement secoue le cocotier bancaire a été particulièrement apprécié. Le “bon Van Peteghem” l’a fait passer pour un Robin des bois.

À quelques mois des élections, pour certains partis, il est hors de question de donner un nouveau cadeau électoral aux chrétiens-démocrates flamands. La secrétaire d’État Alexia Bertrand aura mis à peine quelques minutes pour réagir au communiqué de l’Agence fédérale de la dette. Impossible d’accorder une nouvelle réduction du précompte pour le bon d’État à un an. La libérale argumente son propos avec une explication budgétaire : l’inversion de la courbe des taux. “Il est moins cher d’emprunter à long terme qu’à court terme”, précise son cabinet. L’Agence de la dette estime toutefois qu’il reste avantageux pour l’État de se financer de la sorte, cela booste la confiance des marchés, et que l’organisme doit de toute façon aussi le faire à court terme. Mais la secrétaire d’Etat n’en démord pas. Ce matin, sur La Première, Alexia Bertrand a enfoncé le clou : “Une réduction fiscale n’est pas appropriée. Il va falloir trouver 38 milliards d’euros en 7 ans (avec les nouvelles règles budgétaires de l’UE, ndlr.), et un précompte réduit présente moins de rentrées financières pour l’État. Après tant d’efforts budgétaires, ce n’est pas le moment de se relâcher.”

La question de savoir si l’Open Vld va bloquer cette réduction fiscale au kern ne fait pas l’ombre d’un doute. Il est néanmoins intéressant de savoir si le cd&v pourra compter sur des alliés au sein de la Vivaldi, qui ne se réunira pas cette semaine, pour cause de vacances flamandes. Du côté du PS, et du vice-premier ministre Pierre-Yves Dermagne, on ne se dit “pas contre le principe du bon d’État” pour faire bouger le monde bancaire, et on ne s’oppose pas frontalement au précompte réduit, “mais nous sommes surtout en faveur des mesures structurelles qui augmentent la concurrence”. Il est notamment question ici de la suppression de la prime de fidélité et de l’établissement d’un taux unique, un système moins opaque pour les consommateurs. Ce matin, le secrétaire d’État Thomas Dermine (PS) s’est attaqué frontalement à Johan Thijs, le CEO de KBC, qui estime que la Vivaldi joue à un jeu dangereux. “Le bon d’État est un outil légitime des États. Les banques font des profits records, il y a un problème de concurrence sur le marché bancaire belge et l’État peut s’adresser directement aux particuliers pour la stimuler au profit des épargnants”, a commenté le socialiste. Rappelons toutefois que le cadeau fiscal de septembre dernier a surtout profité aux riches épargnants.

Les Verts rejoignent la position des socialistes. Le chef de groupe Ecolo à la Chambre Gilles Vanden Burre est en faveur des bons d’État, “mais il faudrait les lier à des objectifs spécifiques visant à financer la transition écologique. Avec des Green Bonds, on envoie clairement un message aux épargnants : votre argent peut servir à financer des projets comme la rénovation des bâtiments ou la transition énergétique”. Sur le principe de la réduction fiscal, “on se pose clairement la question. Est-ce vraiment utile ? Si on crée un bon thématique en faveur de la transition, alors on pourrait se montrer favorables”, ajoute le député. Cela fait toutefois plusieurs mois qu’Ecolo propose ce bon d’Etat vert au sein du kern, sans retour enthousiaste. “Ce n’est pas gagné”, nous avoue le député, qui rappelle aussi la proposition initiale des Verts en faveur de la suppression de la prime de fidélité. “J’observe que les lignes commencent à bouger. J’ai bon espoir qu’on pourra atterrir d’ici aux élections”.

Du côté du MR, on n’a pas encore arrêté de position à ce stade.

Une réduction fiscale changerait tout

Quoi qu’il en soit, ce précompte réduit pourrait tout changer au succès de ce nouveau bon d’Etat à un an. Sans réduction, avec un rendement net de 2,2%, le bon d’État aura fort à faire avec la concurrence des taux d’épargne des banques en ligne ou le taux des comptes à terme, qui connaissent de plus en plus de succès.

Le précédent bon d’État, en décembre, sans réduction, n’avait permis de récolter quelques millions d’euros : personne n’en est sorti gagnant, ni les les épargants ni les finances de l’Etat.

Le kern se réunira lundi prochain pour en discuter. Car l’Agence de la dette doit communiquer les coupons pour le 20 février au plus tard.

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