Comment une marée noire au Qatar pourrait aggraver la crise énergétique mondiale

Un méthanier de GNL. © GETTY

Des scientifiques de l’UCLouvain ont mis en évidence la vulnérabilité du Qatar aux marées noires dans une récente étude. Ces marées noires mettraient en péril l’approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui pourrait exacerber la crise énergétique globale.

L‘invasion de l’Ukraine par la Russie a profondément déstabilisé les chaines d’approvisionnement énergétique. L’Europe, qui importait près de 40% de son gaz de Russie, a dû trouver, dans l’urgence, d’autres sources d’approvisionnement. Le gaz naturel liquéfié (GNL) produit par le Qatar pourrait remplacer une partie du gaz russe. Les exportations de GNL qatarien pourraient augmenter de 63% d’ici à 2027 pour répondre à cette demande.

Dans une étude publiée dans la revue Nature Sustainability, une équipe de scientifiques de l’UCLouvain et du Qatar Environment & Energy Research Institute (QEERI), a cependant montré que les exportations de gaz du Qatar sont très vulnérables aux nappes de pétrole dans le Golfe Persique. Avec le risque que ces dernières pourraient complètement mettre à l’arrêt les exportations de GNL du premier producteur mondial.

L’équipe UCLouvain a simulé la dynamique d’un ensemble de nappes de pétrole durant une période de 5 ans. Cela lui a permis d’identifier une zone, couvrant environ 15% des eaux territoriales qatariennes, particulièrement sensible. Au sein de cette zone, une nappe de pétrole a de fortes probabilités d’atteindre soit le principal terminal gazier du Qatar, d’où part l’intégralité des exportations de GNL, soit une des trois stations de désalinisation du Qatar.

Les scientifiques rappellent que la Belgique importe la majorité de son GNL auprès du Qatar : 3,2 milliards de m³ sur un total d’importations belges de 5,5 milliards de m³ (chiffres 2021).

Ainsi, selon leurs calculs, chaque jour d’arrêt des exportations du Qatar correspondrait à 6 jours de consommation en Belgique. Tout le gaz consommé en Belgique sur un an (qui n’est pas que du GNL) correspond à environ 1/6 du gaz exporté par le Qatar.

Une surveillance étroite de la zone

Les chercheurs de l’UC Louvain évoquent également dans leur étude que la vulnérabilité du Qatar aux marées noires est exacerbée par sa dépendance à la désalinisation de l’eau de mer pour assurer sa production d’eau potable, dont les réserves équivalent à un peu plus de deux jours de consommation. En cas de marée noire, les autorités mettront tout en oeuvre pour éviter que le pétrole n’atteigne les stations de désalinisation, dont une produisant 30% de l’eau de consommation du pays se trouve juste à côté du principal terminal gazier. Les mesures de lutte contre une marée noire, comme les barrages flottants, pourraient perturber les exportations de GNL depuis ce terminal.

Pour éviter de mettre en péril l’approvisionnement européen en gaz, les scientifiques UCLouvain et QEERI recommandent une surveillance étroite de cette zone afin de détecter aussi tôt que possible toute nappe de pétrole et mettre en oeuvre rapidement des mesures de lutte contre la pollution.

106,8 milliards de m³ : la production annuelle de GNL exportée par le Qatar en 2021. Cette capacité devrait passer à 174 milliards de m³ en 2027.

21% du gaz exporté par le Qatar en 2021 a été importé en Europe.

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