Ce que l’attentat dit d’une Belgique fracturée et d’une politique irresponsable 

Nicole de Moor (Asile, CD&V) et Vincent Van Quickenborne (Justice, Open VLD) en première ligne lors de la conférence de presse du gouvernement De Croo. Belga/ DIRK WAEM
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

L’attaque de lundi soir a secoué en deux jours tout le pays et révèle le problème bruxellois, le laxisme politique, la difficulté de la politique d’asile et un contexte hautement inflammable. 

L’attaque de lundi à Bruxelles, qui a coûté la vie à deux Suédois, met à mal les responsables politiques de la capitale et du fédéral, à l’heure où la campagne électorale débute en vue du 9 juin 2024. L’assaillant a finalement été mis hors d’état de nuire et que la gestion du stade roi Baudouin, où se déroulait le match Belgique-Suède, s’est passée sans heurts. Mais les failles de nos services dans le suivi d’un profil radicalisé et le doigt pointé sur notre politique d’asile pourraient avoir des conséquences désastreuses dans les urnes. Tandis que le conflit au Proche-Orient met notre société sous forte pression.

Un islamiste radical passé sous le radar 

Plus les heures passent, plus il apparaît que le tueur “est passé sous tous les radars”, comme le titre Le Soir ce mercredi matin. Ce “loup solitaire” avait été désigné comme radicalisé par les services antiterroristes italien dès 2016. Il est débouté de sa demande d’asile en Belgique trois ans plus tard, mais n’est jamais chassé du pays en dépit d’un ordre de quitter le territoire. Pendant deux ans, il mène une vie de sans-papiers, mais est connu pour des faits de traite d’êtres humains ou des propos radicaux dans sa mosquée ou sur les réseaux sociaux. Les informations à son sujet n’ont pas circulé suffisamment et l’analyse qui est faite ne le range pas dans la liste des 700 extrémistes ou terroristes potentiels de la liste Ocam. Bien sûr, on ne peut suivre chaque profil de ce type à la trace, mais tout de même… 

Une politique d’asile approximative 

La politique d’asile en Belgique est régulièrement montrée du doigt pour ses errements, que ce soit son manque d’humanité (vu de gauche) ou son laxisme (vu de droite). Il est toutefois un élément qui laisse sans voix: en 2022, plus de 25 000 ordres de quitter le territoire ont été émis, mais seuls 3678 ont effectivement eu lieu. Cela pose question. Bien sûr, toute la difficulté consiste à avoir un accord avec le pays d’origine, pour autant qu’il y en ait un, et que celui-ci accepte le retour. Mais autant l’accueil des réfugiés reconnus, menacés chez eux, doit se faire dans de bonnes conditions, autant ces retours devraient être des priorités.  

Une capitale en havre de paix 

Bruxelles martyre, Bruxelles faillite”, avons-nous titré au lendemain de l’attaque. Après Molenbeek, voici Schaerbeek (prononcez “charbêk” en France) placée sur la carte du monde de bien triste manière. Le tueur y vivait en paix, sans adresse connue, avec une vie de famille et une vie religieuse. La commune prétend ne jamais avoir été informée de sa radiation du registre d’attente de l’asile, le fédéral prétendant qu’il l’a bien informée en octobre 2021. Cela fait désordre. En attendant, Bruxelles resterait une ville-refuge pour les islamistes radicaux, ce qui était déjà apparu lors des attentats de Paris et de Bruxelles voici quatre ans. Trop régulièrement, des propos complaisants sont tenus à l’encontre de ceux qui ne respectent pas les valeurs de notre démocratie et de la neutralité des services publics, notamment. 

Ce manque de moyens criant 

Des leçons ont été tirées en matière d’organisation après les attentats de Bruxelles et de Paris. Visiblement, pas assez. Surtout, les membres de la commission d’enquête parlementaire mises sur place pour tirer les enseignements regrettent le manque de moyen criant de nos services de sécurité et de justice. C’est une lame de fond: le “troisième pouvoir” est délaissé, négligé, alors qu’il s’agit d’un des fondements de la démocratie. 

La politique transparente, mais irresponsable 

Conscient du caractère extrêmement délicat de toutes ces informations, le gouvernement fédéral d’Alexander De Croo a joué la transparence dès mardi matin, avec le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), et la secrétaire d’Etat à l’Asile, Nicole de Moor (CD&V), en première ligne. Pour autant, au-delà des mots, jamais de responsabilité politique à proprement parler. A peine les informations exprimées, le combat politique est, en outre, reparti de plus belle entre des partis avides d’exprimer leur position… de parti. Le sens de l’Etat et la concorde de la majorité restent des denrées rares. 

Un contexte hautement inflammable 

L’épisode est fâcheux. Il survient dans un contexte hautement inflammable. Les experts mettent en garde sur le risque énorme d’exporter le conflit au Proche-Orient sur la scène belge. Quant aux élections à venir, elles pourraient voir le Vlaams Belang et la N-VA, en Flandre, s’envoler davantage encore, tant ces sujets constituent leur fonds de commerce. Attention, danger. 

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