Comment les voix de quelques milliers de Bruxellois francophones bloquent la formation d’un gouvernement
La formation d’un gouvernement à Bruxelles s’annonce épique. En raison des cures d’opposition des uns et des autres, du côté francophone, mais aussi de la difficulté à trouver une majorité compatible côté flamand. Car là-bas, c’est Groen et son plan Good Move qui l’emportent, grâce à des voix… francophones.
Les réformes de l’État ont toutes reposé sur un même principe : la protection des minorités linguistiques. Or c’est ce même principe qui explique, en partie, aujourd’hui, les difficultés à former un gouvernement dans la capitale. En plus de la formation d’une majorité du côté francophone, que le PS, Ecolo et DéFI ont pour le moment rejeté, il faut trouver une majorité du côté néerlandophone.
Depuis hier, le MR et Les Engagés ont décidé de négocier en binôme. Convaincre le PS ne sera déjà pas simple. Mais ce n’est pas une tâche impossible. On le lit déjà entre les lignes de barons de la fédération socialiste à Bruxelles, Ahmed Laaouej et Karine Lalieux. On l’entend également en coulisses. Par contre, s’accorder avec la majorité flamande de Bruxelles parait être d’un tout autre tonneau.
Groen a la main
Car du côté néerlandophone, deux surprises dans ce scrutin : la première place de Groen (4 sièges) et la grosse performance de la “Team Ahidar”, de l’ancien socialiste flamand Fouad Ahidar, qui récolte 3 sièges. Les Verts flamands, qui ont donc la main pour former un gouvernement, côté néerlandophone, ont fait du maintien de Good move une priorité absolue. “J’en ai reçu le mandat auprès des électeurs”, a expliqué la ministre sortante de la Mobilité, Elke Van den Brandt, sur LN24.
David Leisterh, qui mène les discussions pour les libéraux à Bruxelles, du côté francophone, a déclaré tout l’inverse. Un propos appuyé par son président de parti Georges-Louis Bouchez, sur la VRT : “La suppression de Good Move est l’une de nos priorités”.
L’autre, “c’est la fin du communautarisme à Bruxelles”, a ajouté le président libéral. Là où Fouad Ahidar estime, sur BX1, qu’il est “difficile de séparer l’État de la pratique religieuse“. C’est cocasse, car l’une de ces deux formations est indispensable à Bruxelles, si l’on veut exclure les deux extrêmes, le Pvda (1 siège) et le Vlaams Belang (1 siège).
Ces voix francophones qui ont pesé
Caroline Sagesser, chercheuse au Crisp, se dit “fascinée par le fonctionnement des institutions bruxelloises”, dans un post sur LinkedIn. Car le 9 juin, il y a eu 15% d’électeurs néerlandophones en plus que lors des élections de 2019, soit 10.383 personnes.
Les Flamands ont envahi Bruxelles ces 5 dernières années ? Pas du tout : la réponse se trouve du côté francophone. Pas mal d’entre eux ont compris qu’ils pouvaient peser davantage en votant côté néerlandophone, une possibilité que leur offre le vote informatique. Résultat : Groen a fait une progression de 3.920 voix par rapport à 2019 et la liste de Fouad Ahidar a engrangé 13.242 voix, dont de nombreuses voix francophones.
“Il n’est pas interdit de penser que ce mécanisme institutionnel de séparation des listes et des groupes linguistiques au Parlement bruxellois, conçu avec l’objectif légitime de garantir les droits de la minorité flamande de Bruxelles, a cette fois montré ses limites”, conclut l’experte.
Ou comment quelques milliers de voix bloquent les institutions bruxelloises et plus d’1 million de Bruxellois.
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