Avec un prix du gaz élevé, la Belgique risque de souffrir en 2023
Si le gaz passe à 200 euros le MWh l’an prochain, c’est près de 8% de notre PIB qui serait transféré vers le reste du monde, estime Candriam.
Au terme d’une année particulièrement turbulente, l’économie européenne ne s’en sort pas si mal. La croissance de la zone euro devrait être de l’ordre de 3,2 à 3,3% cette année, note Florence Pisani, responsable de la recherche économique chez Candriam. Mais pour l’an prochain, ce pourrait être bien plus pénible. “ La probabilité de voir la croissance de la zone euro étouffée par une hausse du prix du gaz reste élevée “, avertit-elle.
Florence Pisani explique que “cette année, un élément a permis d’éviter un choc trop marqué sur l’activité, au-delà des mesures de soutien des gouvernements, c’est ce qui s’est passé sur le marché du travail. Si vous regardez le niveau d’emplois (le nombre de personnes au travail), on est en moyenne en Europe 2% au-dessus du niveau d’avant crise, la Belgique est 3,3% au-dessus et c’est même 5,1% pour les Pays-Bas. Cela offre un socle pour la progression des revenus des ménages”.
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Mais les enquêtes dans l’industrie et les services montrent une stagnation. Et la confiance des ménages est en train de plonger, en raison du choc de la guerre et des prix de l’énergie. “Nous venons de traverser une hausse des prix de l’énergie de 60% pour le consommateur. L’énergie constitue 10% de son panier, ce qui signifie que cette hausse des prix de l’énergie, c’est 6% d’inflation en plus en Europe“. Florence Pisani observe en outre que l’impact des prix énergétiques commence également à se faire sentir dans l’industrie, où certains secteurs intensifs en énergie accusent déjà des baisses d’activité d’une dizaine de pourcents.
Pénurie ?
Et la hausse des prix du gaz n’est pas terminée. “ Car ce qui a été répercuté sur le consommateur, dans les prix de détail, n’est qu’une petite partie de la hausse des prix de gros, souligne l’économiste. Même si le prix du gaz naturel n’augmente pas et se maintient au niveau actuel, soit environ 100-150 euros le MWh, nous risquons de voir encore pendant quelques années cette hausse des prix de gros faire monter les prix au détail et peser sur le pouvoir d’achat”.
La clé est donc ce qui va se passer sur les prix du gaz naturel, en fonction de l’offre et de la demande Aujourd’hui nous importons encore de Russie 25 milliards de m3. C’est bien moins que les 155 milliards par an avant-guerre. Nous avons compensé le gaz russe manquant surtout en important du gaz naturel liquéfié des Etats Unis ou du Qatar…
Mais que se passera-t-il l’an prochain ? Si la Russie continue à fournir 25 milliards de m3, si la consommation reste 10% plus basse que la normale (avant la guerre en Ukraine) et si nous pouvons continuer à importer autant de GNL que cette année (soit 55 milliards de m3 de plus), nous aurons assez de gaz pour contenter la demande et nous tiendrons le coup. “Mais c’est un scénario favorable car une partie du GNL reçu cette année a été attirée chez nous parce que la croissance en Chine était faible, rappelle Florence Pisani. Si on relâche une de ces hypothèses favorables, et si par exemple la Russie coupe tout approvisionnement, ou si on observe un rebond plus important de la croissance mondiale et plus précisément en Chine, nous ne sommes pas à l’abri d’une pénurie l’hiver prochain “, avertit-elle.
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Une facture de 8 points de PIB !
A côté du risque de pénurie, il y a aussi l’envolée de la facture. Le solde énergétique de la zone euro s’est fortement dégradé. Pour le dire autrement, en 2019, les pays de la zone euro avaient dépensé 100 milliards d’euros de leurs revenus qui étaient partis vers l’étranger pour acheter de l’énergie. Mais ce solde est passé à 800 milliards (en chiffre annualisés) aujourd’hui, soit 700 milliards de plus. Cette année, la zone euro a transféré au reste du monde un montant de revenu supplémentaire qui équivaut à 3 points de PIB. Pour voir d’où l’on vient, il faut savoir que lorsque le prix du gaz, en 2019, était de 10 euros par MWh, ces transferts vers le reste du monde ne représentaient qu’environ 0,2% du PIB européen. A 100 euros, ils s’élèvent à 2,5 % et à 200 euros, ils représentent 5 points de PIB.
Nous voilà prévenus. En cas de nouvelle flambée du prix du gaz, l’économie belge risque donc d’avoir très mal.
Face à ces montants, “si le prix du gaz remonte, il sera difficile aux gouvernements d’amortir le choc comme ils l’ont fait cette année”, avertit Florence Pisani.
Candriam estime que si le prix du gaz, au début de l’an prochain, se maintient aux alentours de 100 euros le MWh, la croissance de la zone euro devrait tourner aux alentours de 0,5%. Mais si ce prix est au-dessus de 200 euros, on s’oriente vers une récession avec une croissance négative de 0,9%.
La situation sera d’autant plus difficile, que ce choc énergétique sera inégalement réparti, poursuit la responsable de la recherche économique de Candriam. Un prix du gaz à 200 euros le MWh se traduit en effet par un transfert de revenus vers le reste du monde de “seulement” 2 points de PIB pour des pays comme les Pays-Bas ou le Luxembourg, mais de 8 points pour Belgique ou l’Italie. “On ne voit pas comment ces pays éviteraient d’entrer dans une récession relativement forte”, conclut l’économiste.
Nous voilà prévenus. En cas de nouvelle flambée du prix du gaz, l’économie belge risque donc d’avoir très mal.
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