Un accord met fin à une longue incertitude – mais la taxe de 15 % reste une mauvaise nouvelle. La Fevia, Maxime Prévot, la FEB et Agoria s’accordent sur un point : cet accord marque une étape, mais ne résout pas les fragilités structurelles. Pour Marc De Vos, du think tank Itinera, “cet été, nous avons déjà payé trois fois”
L’accord commercial conclu dimanche entre les États‑Unis et l’Union européenne, instaurant un droit de douane de 15 % sur les produits européens, « met fin à une longue période d’incertitude pour les entreprises alimentaires belges », a réagi lundi Fevia, la fédération de l’industrie alimentaire belge. Pour Fevia, l’instauration de cette taxe demeure néanmoins « une mauvaise nouvelle, surtout pour certains sous‑secteurs plus exposés ».
Une industrie tournée vers l’exportation mais exposée aux États‑Unis
L’industrie alimentaire belge et wallonne est largement orientée vers l’exportation, bien que l’essentiel des ventes se réalise au sein de l’Europe. Néanmoins, les exportations vers les États‑Unis atteignaient près d’un milliard d’euros en 2023. Environ 70 % de ce montant concerne les légumes transformés (pommes de terre comprises), le chocolat, les biscuits, les gaufres et les confiseries. Concernant la bière, les plus grands brasseurs belges disposent également de sites de production outre‑Atlantique.
Dans un contexte international de plus en plus tendu, Fevia souligne l’importance de renforcer la compétitivité nationale grâce à des mesures structurelles, ainsi que la nécessité de consolider le marché unique, de simplifier la réglementation et l’administration, et de diversifier les partenariats commerciaux via de nouveaux accords.
Maxime Prévot : soulagement tempéré et appel à des mesures structurelles
Bien que ce soit une avancée pour lever l’incertitude, « ce n’est pas un accord que nous pouvons célébrer », estime le ministre des Affaires étrangères Maxime Prévot. Il reconnaît la nécessité d’une stabilité et d’un dialogue transatlantique rétabli, tout en soulignant la pression supplémentaire pesant sur l’industrie belge. Il salue toutefois le travail de la Commission européenne « dans des circonstances difficiles ».
Il adresse un message clair aux entreprises : « nous entendons vos préoccupations, et nous sommes à vos côtés. Cet accord doit être le début d’un effort plus large pour renforcer nos fondations économiques. » Le vice‑Premier ministre appelle à simplifier les règles de l’UE, approfondir le marché intérieur et rendre l’Europe, dont la Belgique, plus attrayante pour l’investissement et l’innovation. Il ajoute que la diversification des partenariats commerciaux permettra de développer une résilience à long terme et une autonomie stratégique.
De Wever prudemment positif
M. De Wever a écrit dans un message sur le réseau social X qu’il était soulagé mais qu’il n’y avait pas de raison de se réjouir.
As we await full details of the new EU–US trade agreement, one thing is clear: this is a moment of relief but not of celebration. Tariffs will increase in several areas and some key questions remain unresolved.
— Bart De Wever (@Bart_DeWever) July 27, 2025
Still, I commend President @vonderleyen and her team for their hard…
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Il continue de mettre en garde contre l’augmentation des droits de douane et contre un certain nombre de points non encore clarifiés dans l’accord. “J’espère sincèrement que les États-Unis s’éloigneront de l’illusion du protectionnisme et qu’ils embrasseront à nouveau la valeur du libre-échange, pierre angulaire de la prospérité partagée”, a poursuivi le Premier ministre. Bart De Wever affirme également que le marché européen devrait être renforcé au niveau interne afin de diversifier le réseau commercial mondial. “Laissons l’Europe devenir le phare d’un commerce ouvert, équitable et fiable dont le monde a désespérément besoin”, insiste M. De Wever.
FEB et Agoria soulagées mais pragmatiques
La Fédération des entreprises de Belgique (FEB) et la fédération technologique Agoria ont salué l’accord conclu dimanche, y voyant un « soulagement » pour les entreprises, qui échappent ainsi à une escalade tarifaire. La FEB considère cet accord comme une étape cruciale offrant la perspective d’une relation transatlantique plus stable. Sans cet accord, les droits américains auraient pu monter jusqu’à 30 % dès le 1ᵉʳ août.
Agoria partage ce soulagement, tout en restant prudente. Selon son CEO, c’est « une pilule amère, mais nous avons évité le pire ». Pour les deux fédérations, la stabilité retrouvée après des mois d’incertitude est essentielle à la compétitivité et à la confiance des entreprises. Elles appellent désormais à renforcer la compétitivité européenne, à éliminer les barrières internes et à explorer de nouveaux marchés, tout en menant des réformes structurelles durables.
De Vos : “Cet accord est une humiliation politique pour l’Europe”
Marc De Vos, du think tank Itinera, se montre particulièrement critique. Selon lui, ce compromis révèle surtout la faiblesse et la division européennes. « Cet été, nous avons déjà payé trois fois : pour les dépenses de défense, pour les armes américaines destinées à l’Ukraine, et maintenant pour un accord commercial qui nous coûtera plus qu’il ne nous rapportera. »
L’économiste qualifie l’accord de « moins mauvaise alternative à une guerre commerciale, mais certainement pas une bonne affaire ». Il précise : « Il devrait y avoir, entre l’Europe et les États-Unis, très peu de barrières commerciales. Ce que l’on constate, c’est une hausse massive et unilatérale des tarifs américains. »
Selon lui, cette dépendance coûtera cher aux entreprises et aux consommateurs européens : « Nous allons devoir payer davantage pour pouvoir vendre aux États-Unis. Cette paupérisation économique finira par affecter notre prospérité. »
Mais au-delà des considérations économiques, De Vos pointe un problème structurel : « L’Europe est psychologiquement incapable d’imaginer un monde sans les États-Unis. Il nous manque une vision commune, du courage. Résultat : cet été, nous nous sommes prosternés à trois reprises. »
Il critique également la tendance croissante de certains États membres, comme l’Allemagne et la France, à adopter des stratégies nationales au détriment de l’unité européenne. « Ce nationalisme interne est particulièrement préoccupant. Il montre que nous ne sommes pas capables d’agir comme un bloc uni. »
Pour autant, il entrevoit une possible sortie de crise. « Nous devons bâtir des clusters de pays prêts à avancer stratégiquement. Il est temps de créer une nouvelle Union européenne, plus réduite, mais tournée vers l’investissement en défense, technologie et industrie. » Et de conclure par un avertissement sévère : « Si c’est ainsi que nous devons nous positionner sur la scène internationale, alors nous deviendrons un jouet de la géopolitique. Ce n’est pas seulement humiliant, c’est aussi terriblement coûteux. »