Le marché naissant de l’occasion électrique

Evercar est spécialisée dans la revente de voitures électriques.
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Trop chères, les voitures électriques ? La seconde main apporte une solution. L’offre y devient enfin abondante et variée. Le marché, longtemps marginal, se développe et s’organise.

Le prix élevé des véhicules électriques est encore un obstacle pour une bonne partie des automobilistes. Cet obstacle devrait progressivement s’éroder avec de nouveaux modèles moins chers. L’occasion est une solution plus immédiate. C’est un marché clé, plus important, en volume, que celui du neuf. C’est là que s’approvisionnent en majorité les particuliers, et où PME et indépendants sont aussi très actifs.

5% des offres en électrique

“Le choix s’est bien élargi, l’offre est plus large et l’abondance arrive”, note Vincent Hancart, CEO d’AutoScout24 en Belgique et en France. Il dirige la première plateforme de revente en ligne de voitures en Belgique. Sur un total de 116.129 véhicules proposés le 14 mars, 6.335 étaient des véhicules à piles, un bon 5%. En 2022, le site ne proposait que le quart de ce volume.

Vincent Hancart estimait alors que l’offre était à la fois marginale et peu adaptée à un large public, avec beaucoup de voitures récentes très haut de gamme, de grandes BMW à plus de 90.000 euros par exemple, ou des Tesla à des tarifs élevés. “Il y a deux ans, les seuls modèles plus abordables étaient des Renault Zoe et Nissan Leaf”, poursuit-il, dans les versions à petite autonomie (une centaine de km).

Aujourd’hui, il y a aussi des compactes et des SUV VW, des Skoda, des Fiat, des Peugeot, des Citroën, pouvant rouler 300 à 500 km, sorties il y a trois ou quatre ans. Cette tendance va continuer, d’autant que depuis juillet, pour des raisons fiscales, plus de 80% des voitures de société commandées sont électriques, et arriveront massivement sur le marché de l’occasion dans trois ans.

L’atout des garanties longues

“L’offre devient plus attractive. Il y a quelques années la batterie moyenne des voitures compactes allait de 20 à 24 kWh (150 km d’autonomie, Ndlr), maintenant on peut trouver aisément des autos avec des batteries de 60 à 80 kWh (plus de 400 km d’autonomie, Ndlr), qui intéressent un plus large public”, confirme Hervé Maillien, qui dirige Evercar, un revendeur de voitures électriques et hybrides de seconde main, basé à Liège (Saint-Georges-sur-Meuse), actif aussi à Gand (Nazareth). “Nous avons des modèles à partir de 12.000 ou 13.000 euros, parfois une Renault Zoe à 10.000 euros.”

Sur le site, il y a notamment une Corsa sortie en 2021 à 21.990 euros avec une batterie de 50 kWh (plus de 300 km d’autonomie) qui a roulé 9.021 km. Une Tesla Model 3 grande autonomie de 2019, avec 109.600 km, est proposée à 29.990 euros.

Evercar vend surtout des voitures électriques, l’entreprise en a fait sa spécialité. Outre l’élargissement de l’offre, d’autres facteurs poussent l’occasion électrique. “Il y a, en Flandre, la prime à l’achat de 3.000 euros”, souligne Hervé Maillien. Il y a aussi la garantie sur la batterie, généralement de huit ans, sur 160.000 km, d’une capacité minimale de 70%, en plus de la garantie du revendeur. Elle suit généralement la voiture d’un propriétaire à l’autre. Certains constructeurs étendent la garantie longue des batteries sur d’autres éléments de la voiture comme la motorisation, voire sur toute l’auto (MG garantit ses autos sept ans).

L’autre élément qui devrait peser en faveur de la seconde main est la durée de vie des batteries qui se révèle, avec l’expérience, bien plus longue que ce que l’on imaginait. Les batteries de ces voitures ne s’usent pas aussi vite que celles des smartphones. Elles sont gérées par des systèmes sophistiqués qui incluent une gestion thermique.

Tout cela permet à des particuliers de tenter l’aventure électrique en limitant les risques. Ils peuvent miser sur un véhicule récent, dont une garantie longue assurera la tranquillité d’esprit, avec une batterie quasi intacte. Ou, pour limiter l’investissement, tenter une petite auto électrique d’au moins trois ans, comme deuxième véhicule du ménage, à petite autonomie (100 à 200 km) et petit prix, qui assurera les trajets du quotidien, les courses, l’école, à un coût d’usage réduit.

231.000 km avec une batterie en bonne santé

Plusieurs études indiquent des durées de vie au moins aussi importantes qu’une voiture à carburant. Pour s’en assurer, il y a moyen de tester la batterie et d’en mesurer le potentiel. “Ainsi, nous avons repris une Tesla Model X de 2017, avec plus de 231.000 km, dont la batterie a encore gardé 86% de sa capacité”, illustre le gérant d’Evercar, qui nous a communiqué le rapport du test. Le document indique que l’autonomie d’origine de 507 km est à présent de 434 km, un beau résultat après plus de six ans de route et de nombreuses recharges rapides, réputées plutôt néfastes pour la vie d’une batterie. “Nous avons vendu plus de 5.000 voitures et il n’a jamais fallu remplacer de batterie”, dit Hervé Maillien.

Le certificat sur l’état de la batterie sera, dans un futur proche, un élément indispensable pour la vente d’une voiture à piles. Il n’est pas fourni d’office, le client peut le demander. Evercar le fournit mais ne le publie pas sur le site. Mercedes est l’un des premiers vendeurs à publier le potentiel de la batterie (SoH pour State of Health) pour ses modèles de seconde main (Mercedes Benz certified). Ainsi, nous avons vu sur le site un SUV EQA AMG de 2021 à 41.990 euros, avec 14.801 km, avec l’indication que le test de la batterie indique 99% de sa capacité d’origine.

L’organisation Car-Pass, qui enregistre et certifie le kilométrage des voitures, espère bien proposer cette information pour toute voiture mise en vente en occasion. Elle y travaille depuis plus d’un an.

L’indispensable test de la batterie

L’état de santé d’une batterie, ou SoH (State of Health), se mesure en %. Il est recommandé de ne pas descendre sous les 70%. Il n’y a pas encore de norme standard pour toutes les autos, chaque constructeur a son approche, mais les tests sont possibles. Certains constructeurs, comme Renault, les proposent. Le revendeur peut le proposer, et le client potentiel peut aussi le demander. Tous peuvent être aussi réalisés par un particulier (de 40 euros à un peu plus de 100 euros) qui souhaite tester son auto électrique. Ils fonctionnent en branchant un appareil sur la prise ODB de la voiture prêtée ou vendue et débouchent sur un rapport avec le SoH et l’autonomie encore disponible. Voici trois acteurs :
• Dekra. L’entreprise allemande, active en Belgique, propose un test rapide, réalisé par un représentant de l’entreprise, qui inclut un bref test d’accélération.
• Moba. L’entreprise française Moba propose un test à réaliser soi-même, à commander en ligne, avec un dongle à brancher sur la prise ODB de la voiture, à renvoyer à l’entreprise après avoir fait la mesure, qui envoie alors un rapport.
• Aviloo. Test d’origine autrichienne. Réalisé par le garage. Pour le particulier, l’appareil envoyé par Aviloo doit rester branché pendant que la voiture passe de 100% de charge à 10%.Aviloo et Dekra fournissent des données indépendantes des normes de chaque constructeur, alors que Moba lit les données contenues dans le système de gestion de la batterie, selon des normes de chaque constructeur. Tous proposent des formules pour les professionnels et pour les particuliers.

Le certificat sur l’état de la batterie deviendra un élément indispensable pour la vente d’une voiture à piles.

L’appétit des clients potentiels

Reste l’appétit des clients potentiels. Hervé Maillien avance que les particuliers qui viennent voir ses showrooms n’ont pas peur des voitures électriques, contrairement à ce qu’indiquent des sondages récents.

Une enquête publiée par BNP Paribas Fortis au début de l’année indiquait que 42% des personnes interrogées excluent d’acheter une auto électrique d’ici 2029. “Soit le client connaît les voitures électriques et la discussion est rapide, soit il ne connaît pas, nous prenons alors une heure pour expliquer, mieux comprendre les besoins.”

Mais ce n’est pas un avis unanime. Chez D’Ieteren, qui revend des véhicules de seconde main via My Way, le sentiment est qu’il faut encore vaincre des réticences, rassurer les acheteurs potentiels sur des autos qu’ils ne connaissent pas bien, dont ils ont du mal à imaginer les coûts de maintenance et de réparation sur le long terme, malgré les propos rassurants des constructeurs.

L’importateur des voitures du groupe Volkswagen s’attend à revendre beaucoup d’électriques, notamment des véhicules de société au terme de contrats de leasing du bras financier du groupe, VDFin (Volkswagen D’Ieteren Finance). “Nous pensons que ce sera plus aisé en proposant ces véhicules en leasing, estime Bruno Waelbroeck, director sales and marketing de VDFin. Nous avons actuellement un millier d’autos électriques à vendre en seconde main, mais ça va grandir.”

L’offre va croître fortement, et certains incitants s’avèrent de plus en plus puissants comme les zones de basses émissions à Bruxelles, Anvers ou Gand, qui excluent progressivement de nouvelles catégories de voitures à carburant.

La voie du leasing

La formule a l’avantage de limiter les risques sur la valeur de revente ou les coûts de réparation. D’Ieteren mise sur cette approche pour convaincre les réticents, qu’ils soient particuliers, et aussi pour séduire indépendants et sociétés, intéressés par des mensualités moins lourdes.

“L’un des éléments incertains pour beaucoup est le coût des réparations”, indique Bruno Waelbroeck, de VDFin. Ce genre de leasing commence à être disponible chez My Way. Pour les loueurs, la voiture électrique offre une belle perspective car ces coûts sont en principe plus modérés que pour une voiture à carburant, du moins à partir d’une certaine ancienneté. “Ces coûts gonflent fort pour une auto à carburant après quatre ans. Il y a des réparations comme l’embrayage, les courroies, par exemple. Sur une voiture électrique, cette inflation est nettement moindre. Les soucis sont surtout logiciels, c’est du temps plus que de l’argent. Le moteur est moins sujet à des pannes, il y a moins de frottement.”

Au-delà de quatre ans, les coûts de réparation et d’entretien d’un véhicule à carburant s’élèvent en moyenne à 1.500 euros par an, “contre 600 à 700 euros pour une voiture électrique”. Cela modifie le business model des sociétés de leasing. En général, elles tendent à garder un véhicule quatre ou cinq ans avant de le revendre. Elle envisagent plus aisément aujourd’hui un second cycle. C’est rassurant pour le client et cela développe le business du loueur, qui réduit par ailleurs le risque sur la valeur de revente, qui aura lieu d’ici huit ans et non quatre.

Une baisse des cotes

Les prix sont aussi poussés à la baisse, ces derniers temps, en seconde main, car Tesla, le roi du marché électrique, a réduit ses tarifs l’an dernier sur les Model 3 et Y. Leurs tarifs à l’occasion ont sensiblement reculé. D’autres constructeurs ont aussi réduit leurs prix avec un effet similaire. “Les tarifs des électriques d’occasion se sont érodés, observe Vincent Hancart, d’AutoScout24. Mais c’est aussi un peu le cas des voitures à carburant.”

Le site AutoScout24 Allemagne parle d’une baisse du prix de vente moyen d’une électrique de 42.600 à 32.700 euros chez notre voisin, soit environ -25%, sur son service entre janvier et décembre 2023. Ce recul inclut une évolution de l’offre avec davantage de véhicules compacts. Le prix moyen des voitures à essence passait, sur la même période, de 27.000 à 25.500 euros.

Cette évolution crée des sentiments contradictoires chez les acheteurs potentiels. D’un côté, ils peuvent se réjouir que les prix deviennent plus abordables, et s’inquiéter de leur valeur de revente future, qui peut aussi être touchée par des évolutions technologiques à venir.

Plus cher à l’achat, moins cher à l’usage

Si les prix reculent, ils restent généralement plus élevés pour une électrique d’occasion que pour une voiture à carburant du même âge. Cela peut encore faire hésiter l’acheteur, surtout celui qui n’a pas pratiqué ce type de véhicule. Le modèle économique de l’électrique actuel se base sur un coût d’achat plus élevé compensé par des frais moindre en énergie, en taxe et en entretien/réparations. Il n’y pas d’embrayage, pas de courroie, pas de vanne EGR à remplacer ou à réparer, pas de boîte de vitesses, mais un moteur électrique avec beaucoup moins de pièces mobiles, qui ne réclame pas d’entretien. C’est une approche nouvelle à intégrer par l’expérience, à confirmer par le bouche à oreille.

Le modèle économique de l’électrique actuel se base sur un coût d’achat plus élevé compensé par des frais moindre en énergie, en taxe et en entretien/réparations.

Les acteurs traditionnels du marché de la seconde main se montrent du reste prudents. Cardoen ou Soco vendent encore fort peu de modèles électriques (24 offres sur un total de 930 autos affichées chez Cardoen en occasion et zéro km, le 16 mars 2024).

Les plus actifs sont liés au marché du leasing, comme VDFin, qui louent de plus en plus de voitures électriques et doivent les revendre ou les relouer en fin de contrat, ou une entreprise comme Evercar, qui a choisi de se spécialiser dans l’électrique. En jouant aussi sur plusieurs marchés européens à la fois pour acheter des véhicules ou les revendre. D’ailleurs, le site est à la fois en français, en néerlandais, en anglais, et en norvégien, car la Norvège est un pays très avancé en électrification.

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