La métamorphose du Salon de l’Auto

La nouvelle formule ­sera hyper-­événementielle. Un catwalk sera installé dans le grand palais 5. © Robert van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Il y aura deux salons de l’auto début 2024 : un tout nouveau concept de salon grand public en janvier au Heysel, très événementiel et avec peu de stands d’importateurs, et un mini salon professionnel à l’aéroport en février, très studieux.

Nous avons connu les années covid sans Salon de l’Auto et le retour de l’événement en 2022. Cette année, ce sera plus compliqué : il y aura deux manifestations, l’une en janvier (du 17 au 21 au Heysel) et l’autre en février (du 20 au 22 dans le Sky Hall de l’aéroport de Zaventem). Le premier événement visera le grand public et a été baptisé Brussels Auto Show (BAS). Le second, plus réduit, concerne les acheteurs des entreprises (B to B) et les pouvoirs publics (B to G), et ne porte pas le nom de salon, mais d’Automotive e-Summit.

Le Brussels Auto Show (BAS) ne ressemblera pas aux salons que les visiteurs visitaient ces dernières décennies. Il n’est pas organisé par la Febiac, l’association des importateurs qui le gérait depuis toujours (100 éditions !) sous le nom de Brussels Motor Show. Ne parvenant pas à attirer suffisamment de marques, elle y a renoncé pour l’édition 2024. La société néerlandaise 402 Automotive a donc décidé d’occuper le créneau abandonné (provisoirement, selon la Febiac). Elle a signé pour quatre ans, jusqu’en 2027, avec Brussels Expo, l’exploitant des palais du Heysel.

Le salon du spectacle et des influenceurs

La formule proposée par 402 Automotive, un spécialiste des autoshows aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne, est très particulière. Elle sera hyper-événementielle, avec un catwalk dans le palais 5, le bâtiment pyramidal qui symbolise le Heysel, où seront présentés des voitures, parfois sur l’initiative d’un constructeur. Des influenceurs animeront certains moments. Parmi eux, le Néerlandais Enzo Knoll, le Britannique Shmee150 et POG, un entrepreneur franco-belge dont les exploits dans des supercars attirent un million de fans sur Facebook et 1,28 million sur YouTube.

Il y aura également des expositions de supercars, des classic cars, des youngtimers et quelques Formule 1. Sans oublier des supercars genre McLaren Senna GTR. L’événement accueillera aussi une voiture volante, la PAL-V. Ce sera avant tout un salon spectacle, dans la lignée de ce que produit 403 Automotive qui organise notamment des meetings de supercars sur des circuits.

Peu d’importateurs présents

Ce Brussels Auto Show est très attendu. La formule est tellement différente qu’il est difficile de prédire son succès. Les habitués du salon classique pourraient être surpris car les marques de voitures qui y présenteront des voitures neuves ne seront pas nombreuses. MG y viendra, ainsi que Fisker avec le modèle électrique Ocean. On y trouvera également une marque coréenne, une marque américaine de luxe et une ou deux marques chinoises. Au moment où nous bouclons cet article, la liste est encore incertaine. Il y aura aussi des marques de motos et de camions. Mais la majorité des importateurs n’auront pas de stands : BMW, Volvo, Mercedes, Renault/Dacia/Alpine, Toyota ne seront pas présents, pas plus que Ford, Tesla, ou les marques du groupe VW (VW, Audi, Skoda, Seat, Porsche, Bugatti, Bentley) et celles de Stellantis (Citroën, Peugeot, DS, Alfa Romeo, Fiat, Lancia, Chrysler, Jeep, Maserati).

Soixante pour cent des voitures du marché actuel sont vendues en “B to B”.

Cela n’inquiète pas trop Ronald van den Broek, CEO de 402 Automotive. “Nous avons déjà enregistré 45.000 réservations de tickets, c’est très encourageant, estime-t-il. Nous savions qu’il serait difficile d’attirer des marques mais c’est un salon d’un type nouveau, avec une partie événementielle qui peut attirer du monde. Nous l’avons expérimenté aux Pays-Bas.” Il estime que le salon sera un succès s’il dépasse les 100.000 entrées. C’est loin des 271.057 visiteurs de janvier 2023 et des 500.000 des belles années d’avant le covid. L’année dernière, le salon s’est déroulé sur huit jours. Précédemment, il s’étalait sur neuf jours. Si les exposants s’installaient alors dans les 12 palais du site, la superficie de l’événement nouvelle mouture est réduite à cinq palais. “Le Brussels Auto Show durera cinq jours, sa capacité maximale se situe autour des 200.000 entrées”, indique son organisateur.

“Un public familial”

La formule peut susciter un certain scepticisme car la proposition de 402 Automotive vise clairement les petrol heads, les fans de voitures, de préférence sportives. Le slogan de 402 Automotive est d’ailleurs “Connecting Petrolheads”. Alors que le salon historique de la Febiac visait un large public à la recherche d’un futur véhicule, et pas forcément fan du volant.

Pour Ronald van den Broek, le public du salon qu’il prépare n’est pas si niche que certains peuvent l’imaginer. “De notre expérience dans ce genre d’événements, le public est souvent familial. Les enfants amènent leurs parents.” L’attraction du salon serait également amplifiée par… un effet repoussoir des voitures électri­ques. “C’est une tendance que nous avons observée. Plus les pouvoirs publics encouragent les voitures électriques, plus les gens aiment les véhicules à carburant. C’est une tendance que les marques ne voient pas. Sans doute en partie en raison du tarif élevé des voitures électriques européennes pour les particuliers.” Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de véhicules électriques. Mais la grande majorité de ceux qui seront présentés rouleront au carburant.

© Robert van Apeldoorn

D’une certaine manière, ce nouveau salon mise clairement sur la voiture plaisir et ne s’appesantit pas sur les questions environnementales ou la mobilité multimodale, du moins pas en direction du grand public. Il y aura toutefois deux congrès organisés sur le site durant les jours du salon: le premier le 18 janvier sur l’infrastructure de recharge, l’autre, l’Automobility Summit, le 17 janvier. Deux événements B to B.
Ronald van den Broek estime que la formule utilisée jusque l’an dernier est épuisée. Il s’interroge sur le but d’un salon B to C aussi important qu’il l’était, occupant tous les palais disponibles du Heysel, dans un marché où 60% des voitures sont vendues en B to B.

Un salon B to B à l’aéroport par la Febiac

Il lui semble plus logique d’imaginer un salon B to B plus réduit, à côté d’un salon spectacle grand public tel qu’il veut l’organiser. C’est d’ailleurs ce qui va se passer puisqu’en février, la Febiac organise l’Automotive e-Summit du 20 au 22 février dans le Sky Hall de Brussels Airport. Un événement B to G (business to governement) le 20 février, B to B les deux jours suivants pour les fleet managers et les entreprises. La Febiac cherche à éviter toute impression de concurrence avec le Brussels Auto Show. “Si on l’avait fait au Heysel, il y avait un risque de comparaison et telle n’était pas notre intention”, expli­que Christophe Dubon, head of communications à la Febiac. Le format est différent. L’e-Summit se tiendra sur 6.000 m2, 10% de la surface du Brussels Auto Show. Contrairement à ce dernier, plus de 80% des marques seront présentes mais il n’y aura guère de place pour montrer des autos, “une quarantaine au maximum”.
Le but de ces trois jours est de conserver le moment de lobbying qu’a toujours été le salon de la Febiac lorsqu’il était organisé au Heysel. Mais il ne sera pas accessible au grand public.

Le Brussels Motor Show s’élargira aux voitures d’occasion, vendues par des sociétés ou par des particuliers, sur un pavillon dédié.

“Ce salon B to B est une excellente idée”, estime Ronald van den Broek. Le CEO de 402 Automotive ne se pose pas en concurrent ou adversaire de la Febiac, dont certains anciens cadres font ou ont fait partie du conseil consultatif du Brussels Auto Show, tel Luc Bontemps, ancien CEO de la Febiac. Le président de ce conseil est Eric-Mark Huitema, ancien directeur général de l’ACEA, la fédération européenne des constructeurs automobiles.

La timidité des importateurs

Pourquoi les marques sont-elles réticentes à venir au Brussels Motor Show ? D’abord parce que plusieurs importateurs n’ont pas voulu venir au premier projet de salon, celui de la Febiac, et n’ont pas davantage souhaité venir à celui qui le remplace de facto. C’est le cas de Volvo ou des marques importées par le groupe D’Ieteren. D’autres ont hésité, et finalement renoncé, pour diverses raisons, notamment la crainte que l’offre des marques proposée ne serait pas suffisamment riche. Certaines ont accepté de venir pour voir, comme MG (importé par Astara) mais ce sera sans doute la seule marque commercialisée par ce groupe présent. Les autres (Hyundai, Suzuki, Ssanyong) devraient être absentes. “Ce sera un test pour nous. Pourquoi MG ? Parce que c’est un bon contexte pour présenter le roadster électrique MG Cyberster, qui sera commercialisé l’an prochain. Il devrait être présenté sur le catwalk“, précise Bart Hendrickx, porte-parole de la marque MG.

© Robert van Apeldoorn


Résultat : sur les deux palais prévus pour présenter des véhicules neufs, il n’y en aura finalement sans doute qu’un seul. La plupart des voitures présentées devraient appartenir à des privés. Le Brussels Motor Show s’élargira toutefois aux voitures d’occasion, vendues par des sociétés ou par des particuliers, dans un pavillon dédié. Les tarifs sont affichés sur le site : de 250 à 350 euros par auto, selon le nombre exposé.
Pourtant, la plupart des marques ont déjà lancé des conditions salon, ou vont le faire, même si elles ne seront pas présentes au Heysel. “Cette période reste un momentum important pour le marché”, assure Jeroen Lissen, porte-­parole de BMW Belux. La marque indique d’ailleurs sur la page d’accueil de son site web : “Découvrez déjà les conditions Salon”.

Cette animation commerciale est bienvenue car le marché s’inquiète. La hausse des immatriculations observées en 2023 450.960 autos de janvier à novembre, quasi +32%) est le résultat des livraisons très retardées des autos commandées un an plus tôt. A présent, les bons de commande sont bien plus difficiles à enregistrer. Alors, profiter de l’effet salon sans y participer, pourquoi pas ?

Et pour 2025 ? Rien n’est joué. Tout dépendra du résultat du salon de janvier. La société 402 Automotive a annoncé son intention de répéter l’événement. La Febiac n’exclut pas d’organiser un salon. Un accord entre les deux organisateurs n’est pas exclu.

Qui est 402 Automotive ?
La société 402 Automotive est basée à Hoeve, aux Pays-Bas, près de Breda. Il s’agit d’une spin-off d’un groupe de presse, le Telegraaf Media Group. Elle a pris son indépendance en 2011 sous la direction de Ronald van den Broek et organise une vingtaine d’événements automobiles par an, indoor et outdoor, surtout aux Pays-Bas, un peu en Allemagne, en Belgique et à Dubaï.
Elle vise les fans de voitures, parfois fort tunées. Avec des noms évocateurs : AutoMadness Den Bosch, Go Japan ou Nationaal Oldtimer Festival. Elle édite Proudwheels, un média social, et un site d’information, Hart voor Auto’s.

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