Electra en tête du réseau de recharge rapide en Belgique
Le réseau Electra est devenu, en moins de deux ans, le premier réseau de recharge rapide du pays, avec 81 stations, notamment sur des parkings de supermarchés Delhaize et de restaurants Quick, Burger King ou Colmar.
C’est à une course effrénée pour les meilleurs emplacements que se livrent plusieurs réseaux de recharge en Belgique. Electra est, depuis l’an passé, numéro un de la recharge rapide dans notre pays, avec 81 stations et près de 500 points de charge (prises). La start-up française, née à Paris en 2021, vise 250 stations dans le Royaume d’ici 2030. En un an et demi, Electra a dépassé chez nous des acteurs plus anciens comme Tesla, Ionity ou Allego. Elle est présente dans neuf pays dont la France, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne.
De la photo numérique à la borne
Le développement rapide d’Electra et d’autres réseaux ambitieux, comme le belge Sparki, fait décoller ce service. Il y a maintenant 13 fois plus de points de charge rapide (soit de plus de 150 kW) qu’en 2020 (*). La part de marché occupée par Electra pèse environ 15%. La Flandre et Bruxelles sont les mieux pourvues, mais la Wallonie bénéficie aussi de cette progression.
Cofondateur et CEO d’Electra, Aurélien de Meaux avait créé auparavant, en France, une entreprise d’impression de photos numériques, Cheerz. Une fois la société revendue au groupe allemand Cewe, Aurélien de Meaux est passé au business de la recharge rapide. “Il y a plus de similitudes qu’on ne le croit entre les deux activités, explique-t-il. Dans les deux cas, il y a une dualité entre une activité industrielle – l’impression de photos ou la borne de recharge – et une dimension numérique, axée sur une application mobile. Je voyais la mobilité se développer vers l’électrification et la digitalisation, avec les vélos, les trottinettes, les voitures partagées, les VTC. J’avais envie d’entrer dans ce marché, et le grand sujet, l’elephant in the room, me paraissait être la recharge des voitures électriques. C’est le gros stress pour les utilisateurs.”
Démarrer après bien d’autres
“Nous voulons supprimer ce qui freine l’adoption de la voiture électrique. Et le frein numéro un, c’est la recharge”, résume Louis-Charles Mosseray, CEO d’Electra en Belgique. La start-up mise sur la charge rapide, en courant continu, avec des bornes pouvant alimenter les voitures à une puissance de 300 ou 400 kW, si elles l’acceptent.
“Nous voulons supprimer ce qui freine l’adoption de la voiture électrique. Et le frein numéro un, c’est la recharge.” – Louis-Charles Mosseray, CEO d’Electra Belgique et Pays-Bas
Electra n’est pas un pionnier. D’autres ont démarré bien plus tôt, comme Tesla, Ionity (2016) ou Fastned (2012). Ils ont déjà pris position sur les grands axes, pour charger les voitures électriques sur les longs trajets. “Beaucoup de bons emplacements sont pris sur ces routes”, continue Aurélien de Meaux. Electra choisit plutôt de s’installer dans les zones urbaines et périurbaines, sur les parkings de magasins, de restaurants, d’hôtels. Pour Electra, ce marché est plus important que celui des grands axes. “Les autoroutes représentent peut-être 15% des kilomètres parcourus, note Aurélien de Meaux. L’essentiel de la demande se trouve dans les zones urbaines et périurbaines. La mobilité électrique s’y développe car les villes luttent contre la pollution, les microparticules.”
Electra s’installe en passant des accords-cadres pour s’assurer des bons emplacements avec beaucoup de trafic. “Nos plus grands accords de partenariat ont été signés, en Belgique, avec Delhaize, Quick, Burger King et Colmar”, précise Louis-Charles Mosseray, qui dirige les activités d’Electra en Belgique et aux Pays-Bas.
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La logistique urbaine et les particuliers
La clientèle visée ? Des entreprises dans la logistique urbaine, les sociétés de taxis, comme Taxis Verts à Bruxelles, ou les VTC, comme Uber. Tous s’électrifient à grande vitesse. “Nous leur proposons des contrats avec des tarifs attractifs, en fonction du volume des charges”, ajoute Louis-Charles Mosseray.
L’autre clientèle visée, très attendue, est celle des particuliers. “Les zones urbaines sont aussi denses en habitats collectifs, où les particuliers ne peuvent disposer d’une borne personnelle”, déclare Aurélien de Meaux.
En démarrant plus tard, Electra a pu s’offrir des bornes de bonne qualité. Certains réseaux lancés tôt ont souffert des maladies de jeunesse des premières générations de bornes rapides. Cela explique sans doute pourquoi le réseau Electra figure en deuxième position du classement 2024 de l’appli Chargemap des meilleurs réseaux en Belgique, derrière EnergyDrive et devant Fastned (vote des utilisateurs de l’appli).
Les faiblesses du modèle Electra ? La recommandation de plusieurs constructeurs de voitures électriques de limiter l’usage des charges rapides pour préserver la batterie, et le tarif : 64 cents le kWh en Belgique, 59 cents en France, pas bon marché, même s’il n’est pas le plus cher.
Aurélien de Meaux n’y voit pas des freins. “Plusieurs études montrent que l’impact reste très minime à long terme, 2% à 3% sur quatre ou cinq ans, et les batteries LFP, de plus en plus utilisées, ont une durée de vie très longue.” Pour le prix, il soutient qu’un montant de 64 cents reste raisonnable. “Il rend le plein un peu moins cher qu’un plein de carburant, si l’on considère que la consommation moyenne d’une automobile est de 7,3 l/100 km.”
Un financement de 700 millions d’euros
Electra a pu attirer beaucoup d’argent, et il en faut pour investir dans des centaines de stations avant que les charges ne les rentabilisent. Au total, 700 millions d’euros ont été levés en fonds propres. Plus des prêts : en mai dernier, Electra a annoncé avoir obtenu 75 millions d’euros de “prêts verts” (green loans) pour financer le réseau belge, couvrant 60% des investissements.
Les actionnaires d’Electra sont surtout français : le groupe SNCF, RATP Capital Innovation, la Caisse des Dépôts et Consignations/Banque des Territoires, Ademe Investissement, BPI France, Eurazeo, Serena, Eiffel Investment Group, RGreen Invest, Frst, Allianz, Groupe Chopard ou Altarea en France. Voire néerlandais, avec le fonds de pension PGGM.
Pour atteindre l’objectif de 2.500 stations et 15.000 points de charge d’ici 2030 sur les neuf pays couverts, il faudra lever d’autres fonds propres pour arriver à 1,1 ou 1,2 milliard d’euros. Aurélien de Meaux espère une rentabilité de l’entreprise vers 2026.
Electra n’est pas coté et ne fournit guère de chiffres sur l’exploitation de ses bornes, hormis le nombre de stations (395 en Europe, dont 81 en Belgique) et le taux d’occupation moyen des stations : de 10% à 15%. Pour se faire une idée de ce qu’une station peut représenter, on peut se reporter aux données publiées récemment par Fastned, opérateur néerlandais de bornes rapides, un des rares cotés en Bourse.
En 2024, une station Fastned générait un revenu moyen de 325.000 euros avec une marge brute de 244.000 euros (48 cents par kWh), qui n’inclut pas les amortissements, avec un taux d’occupation de 14,9%. L’activité reste encore déficitaire pour Fastned, car actuellement les investissements sont considérables (plus de 700.000 euros par station). La plupart des réseaux de recharge rapide sont actuellement en perte.
Le fort potentiel du marché belge
Le marché belge est, après la France, celui qui attire le plus Electra. Il a un potentiel important, avec la progression des immatriculations des voitures électriques : + 35% en 2024, contre une stagnation en France et un recul en Allemagne.
Louis-Charles Mosseray, le CEO pour le marché belge, avance aussi vite que possible, malgré les formalités techniques et administratives. Il faut “entre 6 et 9 mois”, dit-il, pour ouvrir une station. “Nous signons avec les enseignes (Delhaize, Quick, etc.) des accords à long terme, d’au moins 20 ans si possible, qui prévoient le paiement d’un montant pour l’occupation de places sur le parking, et un partage de recettes variable selon les contrats”, ajoute-t-il.
Les commerces sont ouverts à ces équipements qui peuvent à la fois fidéliser leur clientèle et générer des revenus supplémentaires. Nous avons contacté un franchisé Delhaize, Vincent Duchateau, à Frasnes-lez-Anvaing où deux bornes Electra sont en cours d’installation, dans une zone pauvre en charges rapides. Il voit ce type d’équipement d’un bon œil, surtout que l’accord-cadre avec Delhaize prévoit à terme une intégration dans le programme de fidélité de l’enseigne (carte Super+), ce qui devrait être fait d’ici fin 2025 selon Electra. Charger rapportera des points. “Cela nous permet d’avoir un service de recharge pour nos clients sans devoir nous-mêmes être confrontés aux travaux d’installation et de maintenance, c’est un métier très spécifique.” Le partenariat est organisé par le groupe Delhaize, les bornes sont installées à la demande des franchisés.
“Il faudrait parvenir à charger de 10 à 80% en 15 ou 20 minutes, ça changerait les choses pour les utilisateurs.” – Aurélien de Meaux, CEO d’Electra
Des batteries à 800 volts
Le grand regret d’Aurélien de Meaux, CEO d’Electra ? Que la majorité des voitures électriques ne chargent pas assez vite. Les bornes d’Electra affichent des vitesses de 300 ou 400 kW, mais les voitures n’arrivent généralement pas à ces vitesses. La puissance descend très vite sous les 100 kW. L’équipement du véhicule définit la vitesse de charge effective. Par ailleurs, en charge rapide, à courant continu, la vitesse décroît à mesure que le batterie se remplit.“Il faudrait parvenir à charger de 10 à 80% en 15 ou 20 minutes, ça changerait les choses pour les utilisateurs, au lieu de 40-45 minutes comme c’est généralement le cas aujourd’hui.” La solution ? “Que les constructeurs passent à des batteries à 800 volts, qui se rechargent plus vite”, comme le font déjà Porsche, Hyundai ou Audi. Mais cela coûte : environ 1.000 euros par voiture, d’où la lenteur de l’évolution. Il l’écrit sur LinkedIn : “The EV charging experience is still not there”.
(*) Données de l’European Alternative Fuel Observatory, avec une année 2024 arrêtée fin novembre, pour les bornes conformes aux normes AFIR (Réglementation européenne sur les infrastructures de carburants alternatifs). Le nombre de points de charge rapide (prises) est passé de 227 en 2020 à 3.105 en 2024.
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