La voiture électrique low-cost : révolution ou mirage ?

© Illustration réalisée par une intelligence artificielle (Midjourney) – Roularta Media Group
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Le prix est le premier obstacle à l’achat d’une voiture électrique. Après Renault et d’autres, Volkswagen lance une rafale de modèles à partir de 25.000 euros. L’objectif : convaincre enfin les particuliers de se brancher.

Volkswagen parviendra-t-il à démocratiser la voiture électrique ? Le groupe allemand l’espère. Au Salon de Munich (IAA), sur la large scène de son pavillon, la marque a aligné les versions “concept” de cinq modèles électriques “abordables” très attendus : une Volkswagen ID.Polo très colorée, une version ID.Polo GTI sportive, un modèle SUV plus cosy baptisé ID.Cross, ainsi que son cousin tchèque, le Skoda Epiq, et enfin la Cupra Raval, aux lignes nerveuses.

De quoi toucher tous les publics : jeunes couples urbains, amateurs de voiture sportive, jeunes familles, retraités ou célibataires. Ces nouveaux modèles arriveront l’an prochain.

“Juste au bon moment”

Cela faisait au moins quatre ans que le premier constructeur européen avait promis de proposer des modèles à partir d’environ 25.000 euros. Ils arrivent enfin. Et ils proposeront des autonomies allant jusqu’à 450 kilomètres. À noter qu’un petit modèle à 20.000 euros sera également lancé en 2027, la VW ID.Every1.

Le groupe allemand avait initié une première salve électrique en 2020, mais les modèles, plus grands, affichaient des tarifs souvent au-dessus des 40.000 à 50.000 euros. Pas vraiment des voitures du peuple, pour reprendre la traduction de Volkswagen.

“Nous arrivons juste au bon moment”, estime Thomas Schäfer, CEO de la marque VW. Il s’agit, pour le deuxième constructeur mondial, de convaincre le grand public de passer à l’électrique.

“Cette offre va changer la dynamique du marché”

À l’occasion du Salon de Munich, nous avons pu nous entretenir avec Thomas Schäfer, CEO de la marque Volkswagen, et lui poser quelques questions sur la stratégie de son groupe.

TRENDS-TENDANCES. N’arrivez-vous pas un peu tard sur le marché avec des autos électriques abordables, bien après Renault et Citroën ?
Thomas Schäfer. Je ne pense pas que cela soit un problème car l’électrification en Europe progresse lentement. Plus lentement que nous le pensions. Nous devons aussi proposer un véhicule rentable. Il fallait donc s’assurer d’arriver à des coûts de batterie acceptables : ils diminuent maintenant. Nous avons des batteries LFP (lithium-fer-phosphate, ndlr) qui sont moins chères. Je pense que nous arrivons juste au bon moment. De mon point de vue, cette offre va changer la dynamique du marché.

Les modèles ID.Polo et ID.Cross seront-ils plus rentables que la première génération de voitures électriques (ID.3, ID.4…) ?
Oui, la profitabilité va progresser. Le système de batterie représente environ 40% de la valeur du véhicule. À chaque étape, nous progressons, et l’impact sur le coût est incroyable. Les cellules de batteries étaient très chères, on arrive à un bon niveau pour améliorer la rentabilité.

Les nouveaux modèles sont en principe de petites voitures, que les experts classent dans la catégorie B (comme la Renault Clio). Cependant, l’architecture propre aux autos électriques améliore leur habitabilité. Le constructeur espère intéresser les clients en proposant des autos à peu près aussi spacieuses que celles de la catégorie supérieure. L’ID.Cross, par exemple, propose les dimensions intérieures d’une VW Golf, mais avec un coffre plus grand, très profond, de 450 litres.

Le particulier réticent

Les particuliers sont plutôt réticents à l’achat de voitures électriques pour diverses raisons : prix, autonomie, recharge… En Belgique, où une voiture neuve immatriculée sur trois au premier semestre était un modèle électrique, on constate une belle percée. Même si ce sont surtout les entreprises qui les achètent, encouragées par des déductions fiscales très favorables. Les particuliers, en revanche, ne représentent qu’une dizaine de pour cent de ces achats.

Le groupe Volkswagen espère changer cette situation avec ses nouveaux modèles, d’autant que les problèmes liés à la recharge diminuent. Toutefois, et même si notre pays compte à présent plus de 100.000 points de recharge, la question de l’autonomie des véhicules électriques reste sensible. Elle est en train de se régler pour les modèles premium, avec les sorties de modèles BMW ou Mercedes qui annoncent un rayon d’action de 800 kilomètres. Mais pour les modèles “abordables” de Volkswagen, les chiffres d’autonomie les plus élevés se situent aux alentours des 420 à 450 kilomètres.

Au Salon de Munich, VW a présenté ses modèles ID.Polo etID.Cross (VW), Epiq (Skoda) et Raval (Cupra). © PG

La seconde voiture du ménage

“Les premiers clients que l’on va toucher vont, sans doute, s’intéresser à ces modèles comme seconde voiture, pense Silke Bagschik, head of product line e-mobility chez Volkswagen AG. En tant que second véhicule, une voiture électrique passe très facilement, même pour ceux qui n’ont jamais roulé en électrique. Ils se disent ‘on peut essayer’. Et quand ils commencent à rouler avec ces voitures, ils finissent par les utiliser comme véhicule principal. Nous l’avons observé avec la Volkswagen ID.3.” Cette dernière était la première auto électrique lancée par VW en 2020, dans une catégorie de prix plus élevée (40.000 euros et plus). “On aimerait voir plus souvent des voitures électriques en ville, car elles ont le profil pour le milieu urbain : une autonomie plus importante qu’en dehors des villes, et c’est bon pour la qualité de l’air.”

Quand on lui parle de la réticence des particuliers à passer à l’électrique, Silke Bagschik dégaine un argument : “Pour le client, c’est simple : vous allez payer 50 euros de plus par mois en leasing, mais vous allez économiser beaucoup plus avec les recharges. Les gens ne s’en rendent pas encore compte. On devrait communiquer plus agressivement là-dessus.” Elle estime qu’il s’agit de la même histoire qu’avec le diesel naguère : le véhicule était bien plus cher à l’achat, mais le carburant bien meilleur marché. Le succès des voitures diesel fit la fortune de leurs constructeurs – et notamment Volkswagen.

Renault, Citroën et les Chinois déjà très actifs

À vrai dire, Volkswagen n’est pas le premier à lancer des voitures électriques abordables. D’autres ont entamé le travail. Mais le constructeur allemand va considérablement élargir l’offre sous les 30.000 euros. Renault a sorti ses R5 et R4, vendues autour des 30.000 euros. La première a réussi un bon démarrage en étant la voiture électrique la plus vendue de la marque française. En Belgique, environ 50% des acheteurs de la R5 sont des particuliers, un signe encourageant pour le secteur. Certains des témoignages que nous avons recueillis, sans pouvoir les confirmer avec des valeurs statistiques, confirment la stratégie de la voiture secondaire décrite plus haut par Silke Bagschik.

De leur côté, Citroën et Fiat ont lancé des modèles à 20.000 euros, les ë-C3 et Panda. Et Dacia vend une petite auto, la Spring, à partir de 17.990 euros. Plusieurs marques chinoises, comme BYD, MG ou Leapmotor, ont aussi attaqué ce créneau, mais elles sont peu connues. Il y a actuellement une MG4 à moins de 25.000 euros, avec 350 km d’autonomie.

Au Salon de Munich, plusieurs annonces ont été faites. Notamment celle de la marque chinoise Leapmotor, dont Stellantis est actionnaire et partenaire, d’une automobile compacte, la B05. Avec son format proche des VW ID.3 ou Renault Megane, cette voiture spacieuse (4,43 m de long), affichant une autonomie entre 361 et 434 kilomètres WLTP (Worldwide Harmonized Light Vehicles Test Procedure, une norme qui fournit une estimation fiable de la consommation de carburant et de l’autonomie en tenant compte de différents types de conduite, ndlr), sera sans doute vendue sous les 30.000 euros.

Quasi au prix du modèle à carburant

Le groupe Volkswagen va fortement renforcer son offre avec des marques qui ont un certain poids en Belgique. Le groupe D’Ieteren, qui importe ces véhicules, représente environ le quart des immatriculations du marché, mais les tarifs précis ne sont pas encore connus pour notre pays. Selon le magazine allemand Der Spiegel, qui a publié des prix pour le marché allemand, il en coûtera 25.000 euros pour la version de base de l’ID.Polo, avec la petite batterie (plus de 300 kilomètres d’autonomie), soit le même prix que la Polo à carburant. L’ID.Cross est annoncé à 27.500 euros, tout comme le SUV Epiq de Skoda, alors que la Cupra Raval affiche un prix de 30.000 euros.

Ces nouveaux modèles constituent une deuxième vague pour le groupe Volkswagen. Après le “dieselgate” en 2015, lorsque le constructeur a été accusé d’utiliser des logiciels pour leurrer les contrôles sur les émissions des moteurs diesel, il a cherché à se réinventer en misant sur l’électrification. Ainsi, Volkswagen a investi plus de 10 milliards d’euros pour développer une plateforme d’auto électrique, baptisée MEB, une sorte de skateboard avec un pack de batteries entre les roues, et un moteur à l’arrière. Il a servi, avec des variantes pour la capacité de batterie, à construire la famille ID de Volkswagen (ID.3, ID.4, ID.5, ID.7, ID.Buzz), les Audi Q4, la Cupra Born, ainsi que les Skoda Enyaq et Elroq.

Peu de succès pour la première vague

Le succès n’a pas été à la hauteur des espérances, en raison, premièrement, du prix, généralement bien au-dessus des 40.000 euros et inabordable pour une bonne partie du public. Deuxièmement, il fallait combattre les réticences du grand public vis-à-vis de la voiture électrique. Les ventes ont connu un démarrage difficile. Malgré des ventes qui ont augmenté de 50% en trois ans, passant de 452.800 autos en 2021 à 745.000 en 2024, et une belle hausse au premier semestre 2025, Volkswagen reste loin des objectifs affichés en 2019 : trois millions d’électriques par an en 2025.

La part de l’électrique dans les ventes totales du groupe ne représente que 10%, et 60% de ces autos sont vendues en Europe. C’est bien trop peu pour réduire la moyenne des émissions de CO2 imposées par les réglementations de l’UE. Cela explique pourquoi Oliver Blume, le CEO du groupe, souhaite, comme d’autres constructeurs européens, revoir la date de fin de mise en service des voitures à carburant. “L’échéance de 2035 n’est pas tenable”, a-t-il déclaré au Salon de Munich.

Les modèles de cette génération ne sont guère rentables, ce qui pose un souci majeur pour le groupe. “VW perd de l’argent avec ses voitures électriques”, estime Philippe Houchois, analyste du secteur auto à la banque Jefferies. Avant de lancer des modèles plus abordables, il a fallu travailler très sérieusement sur les coûts, d’autant qu’il est plus difficile de gagner de l’argent avec de petites voitures. Pour y parvenir, le constructeur a travaillé en profondeur sur une évolution de sa plateforme MEB. Les ingénieurs ont imaginé une version appelée MEB+ : plus compacte, moins énergivore et moins coûteuse.

Volkswagen a travaillé en profondeur sur une évolution de sa plateforme MEB, désormais appelée MEB+, plus compacte, moins énergivore et moins coûteuse. © PG

Passage de la traction arrière à la traction avant

Cette plateforme, déclinée pour plusieurs marques, utilise la traction sur les roues avant, et non plus sur les roues arrière comme pour la première version de MEB, employée sur tous les modèles électriques actuels du groupe VW.

Un nouveau moteur très compact a été conçu, avec une puissance qui reste impressionnante : 211 cv pour la future ID.Cross. Une VW T-Cross actuelle (même format de véhicule) propose en moyenne un moteur de 150 cv. “La traction avant est meilleure pour les conducteurs moyens, pour ceux qui ne sont pas des conducteurs sportifs professionnels, détaille Andreas Mindt, chef du design de la marque Volkswagen. Avec une traction, quand on prend un virage un peu vite, il suffit de lever le pied pour que l’auto rentre dans le bon axe. Et c’est bien mieux pour la régénération.” C’est-à-dire la récupération de courant électrique produite lorsque le véhicule ralentit, ce qui contribue à l’autonomie.

Nouvelle structure pour la batterie

La batterie est aussi structurée d’une nouvelle manière. Les éléments de base, les cellules, seront directement installées dans un pack plat installé sous le plancher de la voiture, et non plus rangées en modules placés dans le même pack. La nouvelle approche augmente la densité énergétique du pack, le rend plus léger et plus compact.

Par ailleurs, deux batteries de capacités différentes seront proposées, avec deux chimies différentes. La “petite” batterie recourt à la chimie LFP (lithium-fer-phosphate), elle est moins chère. Tandis que la plus grande autonomie utilise la chimie NMC(nickel-manganèse-cobalt), dont la densité énergétique est supérieure. L’autonomie du pack “long range”, qui atteint 420 ou 450 kilomètres au maximum selon les modèles, pourrait être améliorée dans des versions ultérieures.

Cela suffira-t-il à convaincrel’ensemble des particuliers ? En partie, sans doute. La demande la plus forte concerne surtout les voitures compactes, du format VW Golf ou Peugeot 308, VW ID.3 ou Renault Megane. C’est-à-dire le segment au-dessus des modèles évoqués plus haut. Les offres à prix abordable y sont encore limitées à des modèles chinois. Les constructeurs européens doivent encore améliorer leur offre, en veillant à ce qu’elle soit plus rentable qu’actuellement, s’ils veulent préserver leur avenir.

“Les premiers clients que l’on va toucher vont, sans doute, s’intéresser à ces modèles comme seconde voiture.” – Silke Bagschik, head of product line e-mobility chez Volkswagen AG.
“L’échéance de 2035 n’est pas tenable.” – Thomas Schäfer, CEO de la marque VW

ID quoi ?

Volkswagen profite du lancement d’une nouvelle génération de voitures électriques pour corriger le tir sur les noms des véhicules. Ils s’appelleront ID.Polo, ID.Cross, en référence à des modèles à carburant bien connus. C’est la décision de Thomas Schäfer, CEO de la marque de Wolfsburg depuis 2022. Lors du lancement de la première génération électrique, en 2019, VW avait rompu avec ses appellations maison pour créer la marque ID, déclinée en ID.3 pour le modèle compact, ID.4 pour le SUV, ID.Buzz pour le minibus, ID.7 pour la grande auto. L’ID.Polo aurait dû, dans cette logique, s’appeler ID.2.

Pour la future génération de ces modèles, il ne serait dès lors pas surprenant de voir arriver des ID.Golf (ex ID.3), ID.Tiguan (ex ID.4) ou des ID.Passat (ex ID.7).

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