À Bruxelles, le permis de conduire est un Graal qui s’obtient avec de la patience

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Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste

Si l’on en croit les données de Bruxelles Mobilité, obtenir son permis de conduire est loin d’être une sinécure dans la capitale. Qu’ils doivent s’y reprendre à plusieurs reprises ou non, moins de la moitié des candidats bruxellois réussissent leurs examens théorique et pratique chaque année.

Bête noire de nombreux candidats, la zone de Bruxelles a mauvaise réputation pour l’obtention du permis de conduire. Est-ce vraiment justifié?

En 2022, ils n’étaient que 42% à décrocher leur permis théorique, et 49% à valider leur examen pratique. Seul le test de perception des risques semble aujourd’hui être acquis pour la plupart des candidats. Durant trois années consécutives, le taux de réussite s’est en effet élevé à 85%. Pourtant, nombreux sont les candidats qui en sous-estiment l’importance et ne s’y préparent pas vraiment…

Autre constat: de manière générale, les Bruxellois présentent des capacités légèrement meilleures pour le pratique que pour le théorique. Depuis 2014, ils sont en moyenne 43% à réussir leur permis pratique contre 40% pour le théorique.

Mais toutes Régions confondues, et c’est là que le bât blesse, les Bruxellois ne semblent tout à coup plus si performants dans la pratique. En 2022, les Bruxellois obtiennent le bonnet d’âne, avec un taux de réussite à 49%, contre 51% en Flandre et 56% en Wallonie. Preuve que le test en conditions réelles est plus difficile dans la Capitale

2017, l’année où tout a basculé

En analysant les chiffres depuis 2014, on se rend compte que la pire année a été 2017 pour le permis tant théorique que pratique. La meilleure? 2021, dans les deux cas également. Étrange. Comment expliquer que deux examens diamétralement opposés au niveau du fonctionnement semblent présenter les mêmes tendances d’échecs et de réussites?

Pour l’année 2017, il faut noter que les candidats à l’examen théorique étaient plus nombreux que d’habitude. De là à y voir un lien… « Ce n’est pas parce qu’il y a plus de candidats qui passent un examen que le taux de réussite devrait diminuer », nous explique un statisticien d’une grande institution belge. Et puis, si on observe l’examen pratique, c’est plutôt en 2018 qu’il y a eu un pic des candidats à l’examen.

Qui dit pic d’examens présentés ne veut pas nécessairement dire qu’il s’agit de candidats différents à chaque fois. Des personnes pourraient très bien avoir passé plusieurs fois le théorique la même année. Cela pourrait expliquer en partie cette diminution du taux de réussite.

Du côté des autorités, on y voit là plutôt la conséquence de changements importants des examens. « Ceci s’explique notamment par l’entrée en vigueur de la réforme sur la formation à la conduite en 2018 (une partie en avril et l’autre en novembre). Il y a eu, entre autres, l’instauration de la faute grave à l’examen théorique. Les centres ont dû faire face à une augmentation de leur activité avant l’entrée en vigueur de la réforme. Les candidats se sont précipités pour effectuer leurs examens et étaient moins bien préparés», analyse Camille Thiry, de Bruxelles Mobilité.

Le Covid a augmenté les chances de réussites

En 2021, on observe une remontée du taux de réussite du théorique et du pratique. Parallèlement, 2020 a été marquée par une baisse significative du nombre de candidats. Et pour cause, ces deux années ont été grandement impactées par la crise du Covid. En raison des restrictions sanitaires, les examens pour le permis de conduire ont en effet été suspendus, ainsi que les cours d’auto-école. Il a donc fallu rattraper tout le retard accumulé l’année suivante. « En plus des délais de rendez-vous, certains candidats ont postposé d’eux-mêmes leurs examens », explique Camille Thiry. La plupart ont donc eu plus de temps pour étudier le code et se préparer aux tests ».

Mais cette soudaine hausse du taux de réussite pourrait aussi être liée à un autre facteur. « En filière libre, le stage d’attente avant de pouvoir passer son examen pratique est passé à neuf mois (au lieu de trois) », ajoute la porte-parole de Bruxelles Mobilité. Les candidats ont donc bénéficié d’une meilleure préparation. Pas de recette miracle donc…

Une influence de la zone 30 sur le pratique?

Depuis le 1er janvier 2021, Bruxelles est une zone 30. La vitesse maximale par défaut est donc de 30km/h sur l’ensemble des routes de la Région. Or, cette même année, le taux de réussite de l’examen pratique a connu un pic. L’introduction de cette limitation de vitesse à l’ensemble du territoire aurait-elle eu un impact positif sur les taux de réussite du permis de conduire? C’est fort probable, mais rien ne le prouve.

« Aucune étude n’a été menée sur cette question, et aucune analyse n’est à ce jour prévue », précise Camille Thiry, de Bruxelles Mobilité. « Cependant, nos services ont eu quelques retours sur le fait que le 30km/h pourrait avoir une influence favorable sur le taux de réussite car le trafic étant ralenti, les candidats ont plus de temps de réaction et il y a moins de fautes liées à la vitesse. Toutefois, nous ne sommes pas en mesure d’affirmer ou infirmer ces propos. »

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Quand les hommes se mettent à mieux réussir le théorique

Autre réalité: le taux de réussite diffère selon le genre. Quels que soient la Région et le centre d’examen où l’on passe son permis, des tendances se marquent en Belgique. Premièrement, les femmes réussissent toujours mieux le théorique que les hommes. Des résultats tout à fait logiques, selon un statisticien. « Dans les statistiques de diplômes, les femmes ont souvent des diplômes supérieurs aux hommes. Quand il s’agit d’études, les femmes réussissent mieux », explique-t-il.

Deuxièmement, les hommes semblent avoir des aptitudes naturelles à la conduite, qui favorisent la réussite de l’examen pratique. Interrogé par Le Vif, Benoit Godard, de l’institut Vias, explique cela par le fait que « les garçons affichent souvent un intérêt plus vif pour la conduite automobile dès le jeune âge. »

À Bruxelles, les données nous montrent pourtant une autre réalité. À l’examen théorique, avant 2018, les femmes sont effectivement meilleures que les hommes. Même si l’écart est à peine visible. Mais en 2018, les courbes s’inversent brusquement, sans réelle explication. Les hommes se mettent soudainement à mieux réussir le permis théorique, avec un taux d’écart d’environ 5%.

Un « phénomène » que ne parviennent pas à expliquer les autorités bruxelloises. « Nous avons eu une réforme en 2018 qui a notamment modifié l’examen théorique », tentent-ils de justifier, sans aller plus loin. Serait-ce plutôt lié à une erreur dans les données? Non, nous assurent-ils.

De manière générale, notre analyse nous montre qu’obtenir le permis de conduire n’est pas si facile à Bruxelles. En particulier pour l’examen pratique, puisque la Région obtient les pires résultats en Belgique de ces trois dernières années. Les candidats ont donc en partie raison de redouter le test en conditions réelles dans les rues bondées de la Capitale. À voir si la zone 30 aura une influence positive à long terme sur les taux de réussite…

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