Les Belges manquent de culture financière

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Qu’on le veuille ou non, il est aujourd’hui impossible de vivre sans la finance. De l’emprunt pour l’achat d’une maison au simple placement d’argent, chacun y est confronté tôt ou tard. Pourtant, la connaissance dans ce domaine semble loin d’être optimale. Les Belges ont-ils une culture suffisante de la finance pour en tirer les bonnes ficelles ?

Sans être alarmant, le constat sur l’éducation financière n’est pas des plus réjouissants. Plusieurs études se sont intéressées de près à nos connaissances en la matière. En 2014, l’Observatoire du crédit a publié une enquête sur la culture financière des Belges. L’équipe de chercheurs a pu, sans réelle surprise, corréler le fait que les personnes ayant une moins bonne culture financière sont en moyenne plus endettées. Même si l’enquête révèle que l’éducation dans ce domaine n’est pas le principal déterminant de l’endettement, son importance semble néanmoins non négligeable. L’étude menée par Romain Duviver et Caroline Jeanmart révèle, par exemple, que seulement 55,6 % des personnes interrogées (en difficulté financière ou non) répondaient correctement aux questions liées à l’intérêt composé. Un score très moyen, même s’il est difficilement analysable. “Il n’existe pas de réel étalon mondial, ni même européen, pour comparer ces chiffres avec ceux d’autres pays”, explique Romain Duvivier. Toutefois, certains résultats sont assez surprenants. L’étude révèle ainsi que seulement 37,8 % des personnes interrogées avaient une connaissance de l’utilité du TAEG (taux annuels effectifs globaux). Cette proportion baisse même à 24,6 % pour les ménages dits en “très forte difficulté financière”. “C’est assez étonnant. Alors qu’on en entend parler tous les jours dans les publicités, dans la majorité des cas les gens n’en connaissent pas l’utilité”, poursuit l’économiste.

Pour la FSMA (l’Autorité des services et marchés financiers), il existe des lacunes en matière de finance et des efforts sont nécessaires pour améliorer la connaissance des citoyens. “On a notamment constaté que, pendant la crise, des gens ont investi dans des produits qu’ils ne comprenaient pas du tout. D’ailleurs, depuis 2011, nous avons interdit la commercialisation de certains produits aux structures trop complexes”, explique Jim Lannoo, le porte-parole de l’autorité.

Des lacunes dès l’adolescence

Un manque de connaissance, du moins sur certains points, semble donc bien réel. Une autre étude menée par l’OCDE dans 18 pays (dont 13 membres de l’organisation) montre que ces lacunes apparaissent dès le plus jeune âge. Les résultats ont ainsi révélé, en juillet dernier, que seul un jeune sur 10 âgé de 15 à 18 ans était capable de résoudre “des problèmes financiers qui sortent de l’ordinaire”. L’enquête précise également que seuls 15 % des jeunes peuvent “au mieux prendre des décisions simples concernant des dépenses quotidiennes et identifier l’objet de documents financiers courants, comme des factures”. Si les résultats semblent inquiétants, la Belgique (du moins la communauté flamande, qui a été la seule interrogée pour notre pays) se classe parmi les meilleurs élèves en arrivant 2e, juste derrière Shanghai. Assez logiquement, les étudiants ayant de meilleurs scores en mathématiques et en compétences écrites réussissent mieux le test. Le problème de l’éducation financière viendrait-il donc de l’éducation des plus jeunes ? L’avis est partagé. Pour Romain Duvivier, “c’est évidemment la grande question de savoir s’il est nécessaire de donner des cours sur la finance dès le secondaire. Pour ma part, je pense que tout le monde est amené à gérer un budget. Une formation scolaire est donc une idée intéressante. Surtout pour des étudiants en filière professionnel qui, une fois sortis de l’école, sont confrontés aux interrogations financières”.

Quelles solutions ?

Ce problème lié à l’éducation n’est toutefois pas passé inaperçu. La FSMA a eu pour mission de fournir du matériel pédagogique à des enseignants afin d’améliorer l’éducation financière de leurs élèves. Des notes, des exercices et des vidéos sont mis à la disposition des professeurs pour aborder plus facilement des thèmes comme l’épargne ou la consommation. La FSMA a mis en place ce matériel dans neuf branches, allant des maths à l’histoire en passant par la géographie et les sciences sociales. A l’heure actuelle, le projet pilote est actif dans 26 écoles en Belgique. “Nous avons des retours globalement positifs, mais nous avons quelques petites choses à améliorer. On espère pouvoir étendre le projet à davantage d’écoles lors de la prochaine rentrée scolaire. Mais ce n’est pas à nous de décider si des cours d’éducation financière doivent être obligatoires”, souligne le porte-parole de la FSMA.

La FSMA a également lancé, il y a tout juste deux ans, le site wikifin.be. L’objectif de ce dernier est de fournir gratuitement des informations aux utilisateurs pour leur venir en aide dans leurs décisions financières suivant différentes thématiques. Le site compte depuis sa création 1,4 million de visites et 11.000 abonnés à sa newsletter.

Autre solution envisagée pour doper sa connaissance de la finance : les cours en ligne. L’UCL a lancé début février un Mooc d’introduction aux principes de la finance sur la plateforme en ligne edX. Initiés aux Etats-Unis, les Mooc’s sont des cours gratuits et publics mis en ligne par les universités. Le cours qui est également intégré dans le cursus de formation des étudiants de la Louvain School of Management est donc accessible à tous, étudiants ou pas. “A la base, nous avions la volonté de diversifier notre manière de travailler en proposant à nos étudiants une façon différente de donner cours. Mais je pense que cette formation est porteuse d’une plus-value pour tout le monde. A la suite de la crise, pas mal de gens se sont retrouvés dans une situation difficile et parfois démunis de connaissance”, explique Catherine D’Hondt, l’un des deux professeurs responsables du cours.

Débuts prometteurs

En plus du syllabus classique, des forums d’échanges sont mis en place ainsi que des vidéos explicatives. A l’heure actuelle, le cours compte 3.979 inscrits, principalement des Belges et des Français. “Et pas uniquement des jeunes, confirme la professeure, puisque 44 % des inscrits ont entre 26 et 40 ans.” Des débuts prometteurs qui ne surprennent pas vraiment la professeure de l’UCL. “L’économie a tendance à se complexifier. De plus, avec la crise et la chute des taux d’intérêt, nous sommes dans une situation inhabituelle qui pousse davantage les gens à se soucier de l’économie.” L’Université a su mettre en place ce projet grâce à la fondation Louvain qui a injecté 30.000 euros dans le projet. “Cette somme permet de couvrir les coûts techniques. Les coûts liés au personnel académique ne sont pas calculés en tant que tels, étant donné que l’activité est intégrée dans notre charge de professeur”, ajoute Catherine D’Hondt.

Si l’idée paraît bonne et trouve déjà son public, elle ne semble pas des plus accessibles. Car même si seule une connaissance de niveau secondaire en math est souhaitée comme prérequis, le cours est présenté comme étant de niveau universitaire. “Il est vrai que la finance est un domaine compliqué, reconnaît Catherine D’Hondt. On voit d’ailleurs qu’une grande partie des inscrits dispose déjà d’une formation post-secondaire. Mais nous tenterons de rendre le cours le plus accessible possible en faisant notamment de nombreux rappels de concepts de base.”

Les autorités semblent avoir pris conscience de l’intérêt d’améliorer la connaissance de nos compatriotes en matière de finance et des initiatives intéressantes voient le jour. Une enquête approfondie de la FSMA sur le sujet sera publiée lors du mois de mars. Le rapport sera une base importante pour faire le point et ajuster la politique en la matière.

ARNAUD MARTIN

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