Le football pro belge: un secteur déficitaire en quête d’investisseurs fortunés

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Patrick Claerhout Patrick Claerhout is redacteur bij Trends.

L’invasion étrangère dans les finances du foot professionnel belge a une explication simple : le secteur est structurellement déficitaire. Au cours des cinq dernières années, les pertes cumulées des clubs professionnels se sont élevées à 488 millions d’euros.

Le screening annuel des clubs de football belges par le consultant Deloitte est très clair. Les revenus des 25 clubs professionnels ont augmenté de 31 % pour atteindre 381,5 millions d’euros lors de la saison 2021-2022. Jamais auparavant leurs revenus n’avaient été aussi élevés. Mais ces recettes record ne se sont pas traduites par des bénéfices. Au contraire : les pertes cumulées de tous les clubs ont encore augmenté de 16 millions d’euros au cours de la saison 2021-2022 par rapport à la saison précédente, atteignant le niveau historiquement bas de 156 millions d’euros.

Ces lourdes pertes s’expliquent en grande partie par les coûts salariaux élevés, en particulier ceux des joueurs. Ceux-ci ont culminé à 360 millions d’euros lors de la saison 2021-2022. Cela représente une augmentation de plus de 22 % par rapport à la saison 2020-2021.

Des coûts salariaux excessifs

Si les coûts salariaux ont fortement augmenté, c’est en partie parce que les clubs avaient beaucoup plus de joueurs sous contrat : 1.421 contre 1.111 en 2020-2021. Cela représente presque un tiers de plus. D’autre part, la réforme fiscale mise en œuvre en janvier 2022 a eu un impact négatif important. Elle a eu pour conséquence que les clubs ont dû payer davantage de cotisations sociales et d’impôts.

Deloitte a calculé que 14 des 16 millions d’euros de pertes supplémentaires en 2021-2022 peuvent être attribués à l’augmentation de la fiscalité. Comme les mesures n’ont été appliquées que pendant six mois, l’impact a été encore plus important lors de la dernière saison 2022-2023, selon le consultant.

Il y a un point positif dans le rapport : les joueurs sont payés moins, en moyenne. La réforme fiscale a également joué un rôle à cet égard. Elle a rendu les dépôts dans l’assurance collective des joueurs moins attrayants, réduisant ces dépôts de 41 %. Les coûts salariaux moyens ont baissé de 5 % pour atteindre 253.123 euros par joueur lors de la saison 2021-2022. Cette baisse concerne aussi bien les grands que les petits clubs, mais elle est plus prononcée dans les petits clubs évoluant en 1A ou en Jupiler Pro League. Dans ces clubs, le salaire moyen des joueurs a baissé de 14 % pour atteindre 198.000 euros. Un joueur du G6 (qui rassemble les six plus grands clubs à savoir Anderlecht, Antwerp, FC Bruges, Standard, Genk et La Gantoise) gagnait en moyenne 385.000 euros.

Revenus de transferts

Pendant longtemps, le modèle économique des clubs de foot belges a consisté à compenser les pertes opérationnelles par les revenus des transferts. La Pro League a souvent été considérée comme une ligue de formation. Les joueurs qui s’y distinguaient trouvaient facilement leur place dans les ligues supérieures des grands pays de football tels que l’Angleterre, la France, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. C’est grâce à ces transferts que nos clubs ont pu survivre.

Ce modèle ne semble plus fonctionner aussi bien. Les clubs professionnels belges ont en effet enregistré des recettes nettes de transferts pendant cinq saisons consécutives. Mais ces revenus ne suffisent pas à combler le déficit de leur budget. Pour la saison 2022-2021, les recettes nettes de transferts se sont élevées à 42,3 millions d’euros, soit une hausse de 11 % par rapport à la saison précédente. Ce chiffre est loin d’égaler le record de la saison 2019-2020, au cours de laquelle les clubs belges ont réalisé 109,2 millions de recettes nettes de transferts. Cela montre à quel point ces revenus sont volatils et imprévisibles. En outre, même en 2019-2020, les revenus des transferts n’ont pas suffi à sortir du rouge. Même dans ce cas, il y a eu une perte cumulée de 54 millions d’euros.

En ce qui concerne les transferts, il est particulièrement remarquable que les clubs réalisent davantage de transferts importants et réussis, mais que leur impact est plus faible que celui des transferts déficitaires.

Néanmoins, la formation de jeunes joueurs talentueux reste importante pour les clubs belges. Les joueurs sont le capital humain du bilan. La valeur marchande des joueurs n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Pour la saison 2021-2022, la valeur des joueurs au bilan de nos clubs s’élève à 210,3 millions d’euros. Sur cette somme, 164 millions se trouvent dans les six grands clubs.

En mains étrangères

L’enchaînement des exercices déficitaires fait des ravages. Ces dernières saisons, le football professionnel belge n’a pas réussi à dégager le moindre bénéfice. Les pertes sont les plus importantes chez les six grands (perte moyenne de 9,5 millions d’euros en 2021-2022) et en 1B (perte moyenne de 5,3 millions d’euros par club). Au cours des cinq dernières années, les clubs professionnels belges ont accumulé des pertes de 488 millions d’euros. Cette situation a réduit à néant les fonds propres de la plupart des clubs de football.

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D’où la nécessité et la recherche d’un investisseur fortuné, qui vient souvent de l’étranger. Ces dernières années, presque tous les petits clubs sont tombés dans l’escarcelle de groupes étrangers. Récemment, le même sort semble s’être abattu sur les grandes équipes. Sur les 16 équipes qui débuteront demain en Jupiler Pro League, 12 sont partiellement ou entièrement aux mains de groupes étrangers. Seuls Anderlecht, l’Antwerp, Genk et La Gantoise  dépendent encore entièrement de capitaux belges.

Les deux premiers peuvent compter sur un « papa gâteau » local (Marc Coucke à Anderlecht et Paul Gheysens à Anvers). En revanche, aucun mécène local n’a pu être trouvé pour le Standard de Liège. Le club a été racheté l’année dernière par la société d’investissement américaine 777 Partners. Les Américains s’imposent de plus en plus sur le marché. Le FC Bruges  est déjà en partie entre les mains des Américains (Orkila Capital) et une banque d’affaires étudie la possibilité d’une vente complète.

Genk et la Gantoise parviennent pour l’instant à conserver leur ancrage local. Genk dispose d’un excellent système de formation et de recrutement et rassemble tous les investisseurs et supporters limbourgeois derrière sa bannière. A Gand, une politique d’achat et de vente intelligente et un nouveau stade ont été les leviers d’une restructuration réussie.

En partie sous la pression de la ville de Gand et de la banque vdk, partenaires et actionnaires historiques du club, le club de football vient de préférer l’entrepreneur local Sam Baro comme nouvel investisseur à un multimillionnaire américain. L’avenir dira si les poches de Baro sont assez profondes pour rivaliser avec les autres grands clubs.

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