Une “taxe de sortie” pour les entreprises qui veulent quitter la Russie
La Russie vient de nettement durcir les règles pour les entreprises qui comptent quitter le pays. Elles devront désormais payer une « taxe de sortie » non négligeable. Pour les entreprises occidentales encore en Russie le choix se fait donc de plus en plus cornélien. Qu’ils restent ou qu’ils partent, on leur reprochera de soutenir le régime ou de sponsoriser la guerre en Ukraine.
Les filiales d’entreprises venant de pays « inamicaux », soit ceux qui ont établi des sanctions envers Moscou, subissent depuis peu un durcissement des règles s’ils veulent quitter le pays. Elles devront payer une « taxe de sortie » d’au moins 10 % de la moitié de la valeur marchande des actifs concernés, voire 10% de la valeur totale des actifs si lesdits actifs étaient vendus avec une décote trop importante (soit plus de 90 % de la valeur de marché des actifs).
Cette mesure n’est cependant pas totalement neuve. Elle était jusque là seulement recommandée et formulée comme une « donation » à l’état russe. Depuis lundi, et la parution d’un procès-verbal, elle est pourtant devenue officielle.
L’un des buts de cette taxe est de renflouer les caisses de l’État. Les ennuis actuels de l’économie russe sont connus : exportations de gaz en forte baisse, contraction de la force de travail, pénuries dans certaines chaînes de production, récent affaiblissement du rouble, tourisme à l’arrêt rappelle Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe à Moscou.
La réalité budgétaire de la Russie est par contre plus floue puisqu’un tiers de ses dépenses n’est pas spécifié ou considéré comme une information classifiée. Cela représente le double de l’année dernière et atteint cette année un montant de 2.400 milliards de roubles, soit 31 milliards de dollars. Pour Bloomberg, “le budget de l’État russe devrait accuser un déficit de 2 % du produit intérieur brut cette année. Si le volume des ventes d’actifs par des sociétés étrangères avoisine le total de 15 à 20 milliards de dollars de l’année dernière, l’État pourrait percevoir 110 à 150 milliards de roubles supplémentaires (1,4 à 1,9 milliard de dollars) en 2023 grâce à cette nouvelle réglementation.”
Du chantage
Pour les observateurs, cette taxe n’est rien d’autre que du chantage pour obliger les filiales à rester ou à ne les laisser partir qu’au prix fort. Dans les deux cas, c’est l’état russe qui est gagnant. Seules les entreprises risquent de tout perdre. D’autant plus que cette taxe se rajoute à une autre mesure. Cela fait plus d’un an que Poutine a interdit aux entreprises étrangères de vendre leurs actifs en Russie sans l’approbation d’une commission gouvernementale spéciale. Au début, le rabais exigé par la commission s’élevait seulement à 20 ou 30 %. Mais, depuis décembre, le Kremlin a décidé que toute vente d’actifs occidentaux devait se faire avec une décote d’au moins 50 % par rapport à leur valeur estimée.
Vautours et pression
La pression devient donc chaque jour plus forte. D’autant plus qu’il existe la menace d’une nationalisation en cas d’insolvabilité. Les candidats au départ sont donc scrutés par une myriade de vautours, car les éventuels acquéreurs russes ne manquent pas. Tout cela fait que plus d’un an après le début de la guerre, beaucoup d’entreprises ont choisi de rester. En Belgique seuls AB InBev, AGC, Deceuninck et Solvay ont annoncé vouloir quitter la Russie.
Plusieurs raisons pour rester
Pour justifier le fait de rester en Russies, les entreprises se retranchent derrière le fait qu’elles fournissent des biens essentiels. “Ou encore qu’il est important pour les actionnaires de trouver des acheteurs qui offrent une valeur suffisante pour leurs milliards d’actifs russes. Mais aussi qu’on ne voudrait pas laisser cette part des marchés aux entreprises chinoises, turques, indiennes ou encore latino-américaines”, précise De Standaard.
En réalité, seules les entreprises qui sont parties dès le début ne s’en sortent pas trop mal. Pour preuve McDonald’s est parvenu à vendre rapidement ses 850 restaurants en Russie à l’entrepreneur Alexander Govor. Beaucoup des restaurants ont rouvert dans les mêmes locaux et avec le même personnel. Ils proposent même des menus quasi identiques. Seul le nom est nouveau: “Vkousno i tochka” (qui signifie Délicieux. Point). McDonald’s était implanté depuis près de 30 ans en Russie et y comptait plus de 62.000 employés.
Renault a elle aussi vendu ses usines. Des voitures Moskvich sortent aujourd’hui de ces chaînes de montage.
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