Sommet de la Francophonie : la Tunisie, partenaire économique privilégié de la Wallonie
Christian Saelens est Délégué général Wallonie-Bruxelles en Tunisie. Il y supervise le Bureau de l’AWEX. Il évoque pour Trends Tendances les enjeux du 18e Sommet de la francophonie qui s’est tenu ces 19 et 20 novembre à Djerba. Ainsi que les liens économiques qu’entretiennent la Fédération Wallonie-Bruxelles et le pays hôte du Sommet.
TRENDS TENDANCES : Vous avez participé au Sommet de la Francophonie (OIF) en Tunisie. Pouvez-vous nous expliquer comment la Fédération Wallonie Bruxelles a contribué à cet évènement d’envergure internationale ?
CHRISTIAN SAELENS Notre contribution a d’abord été financière. La Fédération Wallonie-Bruxelles est un important contributeur de l’Organisation Internationale de la Francophonie (NLDR: en 2021, la contribution statutaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour l’OIF était de 4.575.000 euros) mais aussi de toutes les instances et institutions qui l’accompagnent comme l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), TV5 Monde, ou encore les programmes des conférences ministérielles. La Conférence ministérielle de la jeunesse et des sports de la Francophonie (CONFEJES) soutient un programme de partenariat pour l’emploi et l’entrepreunariat des jeunes qui est financé en grande partie par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous n’apparaissons pas aux premiers plans car cela passe par l’entremise de la CONFEJES, une institution francophone qui a son autonomie par rapport à l’OIF. Quand on fait le calcul de l’ensemble, comme nous sommes 4 millions d’habitants, la Fédération Wallonie Bruxelles est en fait le premier contributeur de la Francophonie per capita, c’est une information peu connue. Outre l’aspect financement, nos différents experts ont été mobilisés pour participer au programme de ce 18ème Sommet de la Francophonie.
Quels sont les enjeux du Sommet de Djerba pour l’avenir de la Francophonie ?
Un certain nombre de textes ont été adoptés, dont la “Déclaration de Djerba”. Elle cherche à promouvoir une Francophonie plus opérationnelle que précédemment. Les politiques que la déclaration doit mettre en oeuvre doivent être plus visibles sur le terrain. Pas seulement la promotion de la langue française, mais s’assurer qu’elle maintienne son rang, car on sait qu’elle est fragilisée par une fragilisation des systèmes éducatifs. On peut le voir ici en Tunisie, comme dans d’autres régions africaines ou en Europe. Nous devons veiller à ce que la qualité de la langue française – qui est la 5e langue la plus parlée à travers le monde avec 320 millions de locuteurs – soit maintenue. Le Sommet permet aussi de focaliser l’attention sur les femmes et sur les jeunes, des publics majeurs qui doivent aussi jouer un rôle moteur au sein de la Francophonie. Le Sommet permet d’adopter des programmes politiques et opérationnels pour accompagner ces publics spécifiques. Et on ne parle pas dans le vide, ces programmes sont évalués régulièrement.
Le Forum économique de la Francophonie (OIF), composante importante de l’action économique de l’OIF, clôture ce lundi le Sommet. Quels en sont les grands sujets discutés par les experts, hommes d’affaires et décideurs qui y participent ?
Le Forum économique s’articule autour de différentes thématiques, et notamment comment aborder l’économie après les chamboulements causés par la crise sanitaire et l’impact géopolitique mondial crée par la guerre en Ukraine y compris sur le continent africain, le premier touché par les pénuries alimentaires. La sécurité alimentaire du continent africain est fortement affectée par la guerre. La Tunisie est aussi impactée, car elle importe la moitié de ses céréales d’Ukraine. L’enjeu ne porte pas seulement sur la sécurité alimentaire, mais aussi sur une manière de recréer un espace plus cohérent avec des chaînes de valeur plus courtes et plus fortes. Comment réduire nos dépendances à certains aliments ? Un autre enjeu porte sur les financements qui accompagnent les acteurs de la Francophonie.
La Belgique y est-elle bien représentée ?
Pour ce Forum, nous avons mobilisé des entreprises belges et wallonnes qui sont présentent ou représentées ici en Tunisie. Pour vous donner un exemple, l’entreprise spécialisée en matériel de nettoyage des voiries Glutton. Il faut dire que la question de la gestion des déchets est critique en Tunisie. Il y a également des sociétés présentes dans l’architecture. Carmeuse investit aussi beaucoup dans des mines de chaux en Tunisie.
Quelles relations économiques entretiennent la Belgique, et plus spécifiquement la Wallonie, avec la Tunisie ?
La Tunisie est un partenaire privilégié de coopération économique et d’investissement de la Wallonie. Elle est le premier client de la Wallonie per capita en Afrique du Nord. La Tunisie a certains atouts : elle est proche, à moins de 2000 kilomètres, sa capitale Tunis n’est qu’à deux heures en avion de Bruxelles. C’est un pays central de la Méditerranée qui est intéressant pour accueillir une part d’activités du domaine des services, de l’informatique,… qui proviennent de Belgique. Sciences de la vie, environnement – dont l’eau, la gestion des déchets et les énergies renouvelables – ainsi que l’économie numérique sont des secteurs d’intérêt prioritaires.
Est-ce aussi le cas dans l’autre sens, de la Tunisie vers la Belgique ?
A l’inverse, il y a beaucoup moins d’investissements tunisiens en Belgique. Je peux quand même vous donner deux exemples. Une entreprise tunisienne mondialement connue, l’éditeur de logiciels spécialisés Vermeg, a racheté en 2014 la société belge BSB International, une société active dans la fintech. Le laboratoire d’essai et d’étalonnage tunisien Total Testing Service, s’est installé, de son côté, à Mouscron par l’intermédiaire d’un investisseur flamand installé à Tunis.
La Tunisie est aussi un acteur de premier plan de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique francophones et africains. Les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles accueillent une moyenne constante d’une soixantaine de doctorants tunisiens par an. D’un autre côté, plus d’une trentaine d’acteurs académiques et de la recherche belges francophones sont impliqués dans la coopération avec la Tunisie.
Propos recueillis par Caroline Lallemand, à Djerba
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