Russie – Ukraine: des discussions fugaces et stériles, sur fond de désastre démographique

La délégation ukrainienne à Istanbul.
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le premier dialogue entre délégations russe et ukrainienne à Istanbul a duré moins de deux heures. Revendications fantasques et réécriture de l’histoire à la clé. L’Ukraine continue à plaider pour un sommet entre présidents. Une enquête du Monde témoigne de l’urgence démographique pour l’Ukraine.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la première rencontre entre délégations russe et ukrainienne, à Istanbul, ne débutait pas dans un optimisme béat. Le président russe, Vladimir Poutine, brillait par son absence et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, est retourné à Kiev, faute d’interlocuteur, après avoir rencontré le président turc à Ankara.

Cette première discussion n’a pas duré longtemps: 1h40, à peine. Les dernière péripéties témoignent, il est vrai, de la haine féroce qui divise les deux camps, même si le retour à une diplomatie – fut-elle vaine – est salué.

Selon des sources internes à la réunion, la délégation russe aurait dit “ne pas vouloir la guerre”, mais être prête à “combattre des années”, en accusant les Occidentaux de nourrir le conflit avec leur soutien armé, références à Pierre le Grand en prime. Refrain connu d’une réécriture de l’histoire.

Les Russes auraient demandé, selon des sources ukrainiennes, d’obtenir le contrôle sur l’ensemble des territoires qu’elle revendique – y compris ceux qui ne sont pas sous son contrôle. Ainsi que le retrait ukrainien de tout territoire russe.

Une reprise des pourparlers russo-ukrainiens est “possible” vendredi, mais pas encore “prévue” à ce stade, a indiqué à l’AFP un haut responsable ukrainien.

“Clown”, “factice” et sanctions

Les critiques et noms d’oiseau avaient donné le ton, en guise de préambule. Volodymyr Zelensky a qualifié la délégation russe de “factice” tant elle est composée de seconds couteaux. Elle est emmenée par Vladimir Medinski, un fidèle du chef du Kremlin qui l’avait déjà envoyé diriger sa délégation lors des infructueux pourparlers russo-ukrainiens de mars 2022. Un idéologue. Ministre de la culture entre 2012 et 2020, il avait mis les milieux culturels au service d’un patriotisme désinhibé.

En retour, Maria Zakharova, la porte-parole de la diplomatie russe, avait lancé: “Qui utilise le mot de ‘factice’? Un clown? Un raté?“. Ambiance. Des experts analysaient toutefois la posture russe comme un signe de faiblesse après le refus de Vladimir Poutine de répondre à l’invitation qui lui avait été lancée.

Les Ukrainiens continuent à réclamer un cessez-le-feu inconditionnel avant des négociations de paix. Ils espèrent toujours une rencontre au sommet Poutine – Zelensky, sachant que le président russe “est le seul à prendre des décisions”.

Les Russes, eux, disent espérer une rencontre Poutine – Trump. “Une telle rencontre est certainement nécessaire”, selon le porte-parole Dimitri Peskov. Les contacts entre les présidents Poutine et Trump sont extrêmement importants dans le contexte du règlement de la crise ukrainienne.”

Mais selon l’Ukraine, Moscou… bloque la présence des Américains. “Ils exigent littéralement que les Américains ne soient présents à aucune réunion, a affirmé à l’AFP un responsable, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. C’est vraiment de l’arrogance ultime. Personne ne s’y attendait”.

Bref, on tourne en rond. La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas estime que “la Russie ne veut pas la paix et que tous les autres la veulent”. Un nouveau paquet de sanctions européennes devrait être discuté mardi prochain. Réunis à Tirana pour une réunion de la Communauté politique européenne ont réaffirmé leur volonté de sanctions “dévastatrices”.

Un désastre démographique

Dans des registres différents, la guerre actuelle est existentielle pour la Russie et pour l’Ukraine.

Une enquête du quotidien Le Monde témoigne du drame démographique vécu par l’Ukraine. “Alors que le pays recensait environ 41 millions d’habitants avant le déclenchement de l’invasion, les chiffres officiels en décomptaient environ 36 millions à la fin 2024, dont 5 millions dans les 20 % de territoires ukrainiens contrôlés par l’armée russe, souligne-t-il. Des données qui pourraient être sous-estimées.”

Le nombre de morts triple désormais celui des naissances, selon les estimations, tandis que le ministère de la politique sociale enregistre le plus faible taux de natalité de son histoire, avec 0,9 enfant par femme. “Un des objectifs de la Russie est de dépeupler l’Ukraine, affirme le député d’opposition Mykola Kniajytsky, très engagé sur le dossier. Et tant que la guerre durera, la population continuera de baisser.”

Or, disent les autorités, pour accomplir l’objectif de “doubler le PIB de l’Ukraine dans les dix années à venir”, le pays aurait besoin de 4 millions de personnes supplémentaires sur le marché du travail.

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