Loi sur l’industrie verte : tout sauf chinois

Cette photo prise le 11 avril 2021 montre un ouvrier produisant des pièces solaires photovoltaïques dans une usine de Haian, dans la province chinoise de Jiangsu, à l'est du pays. © Getty images

Sujet de toutes les conversations depuis sa sortie le 16 mars, la loi sur l’industrie zéro émission, ou “Net Zero Industry Act”, est toujours l’objet de vives discussions.

Le “Net Zero Industry Act” doit répondre à l’IRA américain – “Inflation Reduction Act” – mais aussi sceller l’avenir de l’industrie verte européenne. Un marché dominé par la Chine et dans lequel l’Union européenne perd du terrain. Ce qui inquiète les leaders européens : dans la note de cadrage publiée hier, visant à évaluer les besoins d’investissement et possibilités de financement pour renforcer les capacités de production européenne, la Chine était omniprésente. Sur une proposition d’une centaine de pages, le mot “China” apparaît 78 fois et “chinese”, 13 fois.

L’éolien et le photovoltaïque particulièrement touchés

La Loi sur l’industrie zéro émission est une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil. Celle-ci doit établir un cadre de mesures destiné à renforcer la capacité de production européenne dans la fabrication de produits à technologie zéro émission. Solaire, éolien, géothermie, biométhane… tout y passe.

Ce qui est intéressant dans ce document, c’est qu’il propose un état des lieux des entreprises européennes dans le secteur. Par exemple, dans le marché de l’éolien, l’Union européenne est l’un des acteurs les plus puissants sur les marchés mondiaux ; et le marché de l’UE reste dominé par les entreprises nationales. Cependant, les fabricants, fournisseurs et développeurs chinois ont récemment fait des percées dans le secteur et remporté des marchés en Europe.

Le rapport cite le cas des aimants permanents en terres rares, “essentiels pour assurer des niveaux élevés d’efficacité et de performance des générateurs électriques des éoliennes (en particulier offshore)”. Pour atteindre les objectifs environnementaux fixés par l’UE, la demande d’aimants permanents et d’éléments en terres rares sera multipliée par cinq d’ici à 2030. Sauf que ce marché des aimants permanents est monopolisé par la Chine, “ce qui pourrait constituer une contrainte sérieuse pour l’industrie éolienne européenne”. 

La fabrication de pales d’éoliennes est également menacée, car l’industrie européenne estime que sa capacité industrielle à fournir les fibres de verre et de carbone nécessaires correspond à environ 65% du marché actuel de l’énergie éolienne dans l’UE. L’industrie met également en garde contre une sous-capacité attendue de la part des fabricants de fondations d’éoliennes offshore, composées en grande partie d’acier.

Même problème pour les batteries. Bien que l’UE dispose d’un écosystème de batteries “en pleine croissance” selon le rapport, elle n’a “pas la capacité de production technologique nécessaire pour répondre à la demande croissante” de production.

“La domination des entreprises chinoises tout au long de la chaîne d’approvisionnement constitue un risque pour la sécurité de l’approvisionnement.” 

En ce qui concerne le photovoltaïque, le marché mondial a connu une forte croissance au cours de la dernière décennie. Pourtant, la part de l’UE dans l’installation de panneaux photovoltaïque a chuté, passant de 68% en 2012 à environ 17% en 2022.

En 2012, l’UE représentait environ 7% de la production mondiale de modules photovoltaïques (40 GW), alors qu’en 2020, cette part n’est plus que de 3%. Les deux principaux fabricants d’onduleurs basés en Europe, à savoir SMA (Allemagne) et Power Electronics (Espagne), ont vu leur part de marché se réduire progressivement, passant de 14% en 2018 à 11% en 2021. La balance commerciale est déficitaire depuis 2012, atteignant -9,2 milliards d’euros en 2021. L’UE importe principalement de Chine (à 82%).

Le rapport alerte donc sur la domination des entreprises chinoises, qui constitue “une menace pour la compétitivité”.

La solution : arrêter d’acheter chinois

Le rapport identifie trois éléments importants pour aider les entreprises européennes. Le premier vise à répondre efficacement à la volatilité des prix internationaux des matériaux, qui mine l’industrie européenne, ainsi que les blocages persistants dans la chaîne d’approvisionnement. 

Par exemple, les parties prenantes ont indiqué que 20 à 25% des projets solaires prévus dans l’UE ont été soit reportés ou entièrement annulés en 2021, en partie à cause de la hausse des prix mondiaux de l’énergie et des matières premières. Également, les acteurs de l’industrie des pompes à chaleur de l’UE affirment qu’étant donné la taille relativement petite de leurs industries par rapport à l’industrie automobile par exemple, leurs secteurs sont généralement à la fin de la file d’attente pour l’accès aux puces électroniques.

Le deuxième élément est le délais nécessaires pour lancer une nouvelle ligne de production ou un agrandissement. Le raccourcissement ce délai constituerait un avantage pour l’industrie européenne par rapport à ses principaux partenaires. Et enfin, troisièmement, l’augmentation rapide de la production nécessite de facto une main-d’œuvre plus importante, qui peut constituer un blocage, en particulier dans les secteurs caractérisés par une forte spécialisation.

Mais pour inciter à ne plus acheter principalement chinois, la Commission européenne souhaite introduire des critères pour les marchés publics ou les programmes de soutien aux technologies vertes. Et ce pour inciter les pays de l’UE à favoriser les produits non chinois, même si leurs prix sont plus élevés.

La nouvelle proposition ajoute une exigence minimale de 15% pour la pondération des “contributions à la durabilité et à la résilience”, qui pourraient inclure des normes environnementales, l’intégration des systèmes énergétiques et des mesures de gestion des risques (cf la sécurité de l’approvisionnement). 

Les autorités publiques pourront aussi prendre en compte la “proportion des produits provenant d’une seule source d’approvisionnement”, c’est-à-dire l’endroit d’où provient plus de 65% de l’approvisionnement d’une technologie zéro émission spécifique au sein de l’Union européenne. Un critère qui vise donc principalement la Chine, comptabilisant plusieurs monopoles, au delà des 65% de l’approvisionnement pour certains matériaux.

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