Deux usines de batteries sur trois menacées en Europe

Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Selon l’ONG Transport&Environment, la majorité des projets d’usines de batteries est menacée en Europe. Ils pourraient déménager aux États-Unis, où l’Inflation Reduction Act prévoit des subsides pour ce type d’installation.

Gros paradoxe : l’Europe est le continent qui est le plus pressé de passer à l’électrification, à coup de réglementions, mais l’industrie pourrait y réduire ses investissements dans le domaine. « Plus des deux tiers (68%) des usines de batterie lithium-ion sont menacées d’être retardées, réduites de taille ou annulées », indique un communiqué de Transport&Environment (T&E).

Tesla renonce à Berlin pour les batteries

Le signal a été donné par Tesla, qui dispose d’une usine géante de voitures à Berlin, et avait promis d’y construire une usine de batteries, la première d’Europe en volume de production. Depuis quelques semaines, les chances de voir se projet se réaliser sont quasiment nulles. Tesla a annoncé en février qu’il y renonçait pour l’heure. « Le focus de la production des cellules de batterie est maintenant aux États-Unis à cause du cadre créé par l’Inflation Reduction Act (IRA) américain », a dit un porte-parole de Tesla (source : Reuters).

T&E estime qu’outre Tesla à Berlin, les projets de Northvolt au nord de l’Allemagne, Italvolt près de Turin, pourraient perdre l’essentiel de leur capacité. « L’Allemagne, la Hongrie, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni risquent de perdre le plus si les industriels changent leurs plans », indique un communiqué de T&E.

La Belgique est peu concernée, car la fabrication de batteries pour voiture y est encore modérément développée, surtout chez Audi et Volvo (Forest et Gand) pour l’assemblage de packs. Il n’y a pas vraiment de projet géant.

L’attraction de l’Inflation Reduction Act américain

Le Congrès américain a voté l’IRA, un ensemble de mesures pour favoriser la transition verte, avec des subsides pour les usines, des primes pour l’achat de voitures électriques, subordonnées à des conditions embarrassantes pour les productions européennes. Les aides aux particuliers ne s’appliquent qu’aux produits « made in USA ». Tout cela pousse les industriels européens à ouvrir des usines aux États-Unis et à retarder ou revoir leurs projets sur le Vieux Continent. Il serait même possible d’importer ces produits vers l’Europe ensuite. Le groupe Volkswagen étudie des projets d’usines de batteries et d’autos en Amérique du Nord pour bénéficier de l’IRA.

L’IRA prévoit 369 milliards de dollars de crédits d’impôt, de subsides et de prêts jusqu’en 2030.

L’Europe prise entre les États-Unis et la Chine

« La fabrication de batteries dans l’UE est prise dans les feux croisés entre les États-Unis et la Chine . L’Europe doit agir ou elle risque de tout perdre » prévient Julia Poliscanova, senior director for vehicles and «e-mobility à T&E. Les États-Unis cherchent à réduire la part de marché de la Chine dans les éléments de la chaîne de valeur de la transition énergétique.

La part mondiale dans les nouveaux investissements dans des usines de batteries lithium-ion a chuté de 41% en 2021 à 2% en 2022 selon BloombergNEF. Les investissements en Chine et aux États-Unis continuent à croître, « et des entreprises européennes ont déjà signalé des projets en Amérique. »

La réponse européenne incertaine

La Commission européenne tente de répondre au défi américain. Elle avait notamment proposé à autoriser les États a fournir des aides à ces projets. Cela revenait à donner un coup de canif dans les règles du marché unique qui interdisent généralement les subsides pour les entreprises en concurrence et favorisera les États les plus riches et aussi les plus grands.

Une approche européenne serait préférable, estime T&E. Avec « un fonds central accessible à tous les pays membres en priorité pour les chaînes de valeurs dans les batteries, les énergies renouvelables et les smart grids », dit Julia Poliscanova.

Le 14 mars, un Net Zero Industrial Act

Le 14 mars, la Commission européenne devrait annoncer un Net Zero Industrial Act. Il sera complété par un Critical Raw Materials Act, pour assurer l’accès aux matières premières notamment des terres rares, et une réforme du marché de l’électricité, qui vise à ce que les consommateurs puissent bénéficier d’une électricité renouvelable bon marché.

Sans réaction, l’industrie européenne pourrait payer cher la transition vers la voiture électrique. Elle se ferait au profit des importations meilleur marché des pays qui bénéficient d’un meilleur contexte de coûts, comme la Chine, dont les premiers modèles électriques commencent à grignoter le marché. La perspective d’exporter des véhicules ou des batteries vers les États-Unis, comme cela se fait actuellement, serait en même temps bloquée ou fortement freinée par les dispositions de l’IRA.

Transport&Environment est une ONG européenne basée à Bruxelles qui défend le principe d’une transition vers des transports avec moins d’émissions. Elle mise surtout sur l’électrification.

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