Le Niger sur la corde raide, avant la fin de l’ultimatum pour une intervention militaire
Mise en garde du président légitime, dénonciation par la junte des accords militaires avec la France, coupure des médias francophones: la médiation peut-elle encore éviter le pire?
Tout semble indiquer que l’on s’oriente vers le scénario du pire, deux jours avant la fin de l’ultimatum décrété par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Si “l’ordre institutionnel” n’est pas rétabli, une intervention militaire n’est pas exclue. Avec le risque d’un embrasement général dans la région du Sahel. Le Burkina Faso et le Mali ont déjà annoncé qu’ils ne resteraient pas neutre et qu’ils soutiendraient la junte militaire qui a pris le pouvoir à Niamey.
Le bras de fer se poursuit et la junte ne semble pas prête à se retirer. Jeudi soir, un de ses représentants a annoncé rompre les ponts militaires avec la France: “Face à l’attitude désinvolte et à la réaction de la France relativement à la situation, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie [CNSP, militaires au pouvoir] décide de dénoncer les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense avec cet Etat ».
Réaction de Paris: “La France rappelle que le cadre juridique de sa coopération avec le Niger en matière de défense repose sur des accords qui ont été conclus avec les autorités nigériennes légitimes“, a indiqué vendredi le ministère français des Affaires étrangères. Bref, seul le président légitime est reconnu par la France.
La junte militaire a également ordonné la coupure des médias francophones dans le pays, dont RFI et France 24, suscitant la colère de Paris et des médias concernés.
La menace de Wagner
Précisément, dans une lettre ouverte publiée par le Washington Post, le président élu Mohamed Bazoum soulignait que le coup d’Etat pourrait avoir des conséquences « dévastatrices » pour le monde et faire passer l’ensemble de la région du Sahel sous « influence » de la Russie, via les mercenaires du groupe Wagner.
Mohamed Bazoum, se déclarant “otage”, imploirait une intervention occidentale: “j’appelle le gouvernement américain et l’ensemble de la communauté internationale à aider à restaurer l’ordre constitutionnel ». Sous l’égide du Nigéria, les chefs d’Etat-major des pays d’Afrique de l’ouest se sont déjà rencontrés pour préparer une éventuelle intervention militaire. Sous le leitmotiv de: pour avoir la paix, mieux vaut préparer la guerre. Mais le monde, sur la corde raide, pourrait connaître un nouveau foyer de tension.
Outre une déstabilisation complète de la région, avec tout l’impact géopolitique que cela aurait pour une Europe désormais honnie au Sahel, un basculement du Niger ferait passer d’importantes réserves d’uranium dans les mains de la junte, et peut-être de Wagner. Même si les derniers chiffres témoignent d’une baisse de la “dépendance” du nucléaire français à ces ressources (autour de 10%), cela serait un autre coup dur.
La majorité des ressortissants européens ont déjà été évacués du pays cette semaine en urgence, dont 577 Français et une petit vingtaine de Belges. Cette escalade est-elle un bras de fer public alors que la médiation avance? La Russie, elle aussi, appelle au retour de l’ordre constitutionnel. Sans que l’on sache si c’est sincère ni… de quel ordre il est question à Moscou.
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