La reconstruction de l’Ukraine attire les promoteurs du capitalisme
“Un phare pour le reste du monde de la puissance du capitalisme”. Ce sont les mots de Larry Fink, patron de BlackRock, plus grand gestionnaire d’actifs du monde, pour qualifier l’Ukraine au Forum de Davos. Alors que le pays est ravagé par la guerre, les rois du capitalisme voit l’Ukraine comme une nouvelle opportunité économique.
Alors que l’Ukraine est encore sous le feu des bombes russes, que les Européens envoient davantage d’équipement militaire, c’est une toute autre bataille qui se joue en coulisse. Si personne ne peut prévoir aujourd’hui quand cette guerre prendra fin, beaucoup pensent déjà à “l’après” et à la reconstruction du pays.
Une reconstruction qui attire les géants mondiaux de la finance. Trop tôt ? Cela ne l’est pas pour les responsables ukrainiens, qui sont les premiers à appeler de leurs voeux tous les investisseurs étrangers intéressés de près ou de loin pour investir dans leur pays. La présence d’une très importante délégation ukrainienne au Forum économique mondial de Davos la semaine passée en a été la preuve supplémentaire.
Des centaines de milliards de dollars en jeux
La “Ukraine House Davos” (maison de l’Ukraine à Davos) a accueilli pendant plusieurs jours des visiteurs et organisé des conférences composées de différents panels d’intervenants. Plusieurs de ces conférences étaient autant d’opportunités non dissimulées de vanter l’attractivité économique de l’Ukraine, et ce même en temps de guerre.
Citons en exemple la conférence intitulée “La prochaine grande opportunité d’investissement en Europe : maintenant et en temps de paix“, avec comme intervenants des dirigeants et investisseurs, mais aussi le chef adjoint du bureau du président de l’Ukraine, Rostyslav Shurma, et le président du Fonds des biens d’État, Rustem Umerov. Il ont parlé des opportunités d’investissement “for those brave enough to look past the headlines today” (pour ceux qui sont assez courageux pour regarder au-delà des gros titres d’aujourd’hui).
Présente en Suisse, Ioulia Svyrydenko, la Ministre de l’économie ukrainienne, a confirmé au micro de l’émission française Quotidien qu’il faut “investir en Ukraine même pendant la guerre“. Elle a précisé que le pays aura besoin de couvrir cette année un déficit de 37 milliards de dollars, et que les premières reconstructions coûteront 17 milliards de dollars.
De son côté, la Banque mondiale a évalué en septembre les besoins financiers pour la reconstruction de l’Ukraine à 349 milliards de dollars. Des chiffres qui seront très certainement revus à la hausse.
BlackRock, capitalisme et soif d’investissement
Ces sommes, astronomiques, attirent des investisseurs, voyant le pays comme une future opportunité économique, quand celui-ci est pour le moment ravagé par la guerre. Larry Fink, le patron du géant américain BlackRock, gestionnaire d’actifs le plus puissant du monde, n’a pas caché son enthousiasme, loin de là.
Ce dernier a déclaré à Davos que “ceux qui croient vraiment à un système capitaliste inonderont l’Ukraine avec du capital” à l’issue de la guerre. Il a même qualifié le pays comme “un phare pour le reste du monde de la puissance du capitalisme“.
Bien au-delà des prévisions de la Banque mondiale, Larry Fink a estimé que les besoins financiers pour la reconstruction de l’Ukraine pourraient s’élever à 750 milliards de dollars. Il a même affirmé avoir discuté avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky afin d’exprimer l’intérêt de son propre groupe, en affirmant que la société n’allait non pas “créer de nouveaux oligarques, mais une nouvelle Ukraine“.
En réalité, BlackRock est bel et bien déjà en train d’investir en Ukraine. En novembre dernier, la firme annonçait sur son site que leur unité de Conseil en marchés financiers et le ministère de l’Économie ukrainien avait signé un protocole d’accord par lequel BlackRock fournira des conseils “pour la conception d’un cadre d’investissement” afin d’attirer les investisseurs publics et privés en Ukraine.
Pourtant BlackRock est une société quelque peu controversée. Avec 8 000 milliards d’actifs en poche, la firme américaine est sans aucun doute l’une des sociétés, si ce n’est la société la plus influente du monde. La Commission européenne avait notamment été vivement critiquée pour avoir choisi l’entreprise afin de mener une étude sur les critères de durabilité dans la surveillance bancaire. Alors même que BlackRock est un des actionnaires principaux des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre et des entreprises liées aux énergies fossiles, s’offrant 7% des parts de la société pétrolière Exxon Mobil et 8% du géant de la chimie BASF.
L’entreprise de Larry Fink a aussi été accusée en France de vouloir influencer la réforme des retraites en 2019. Est-ce donc une bonne nouvelle de voir l’entreprise si pressée d’investir dans en Ukraine ? A-t-on réellement besoin “d’un phare” au service de la puissance du capitalisme sur le continent européen ? Et n’est-ce pas là une manière pour la firme d’asseoir encore un peu plus son influence dans un moment où l’argent manque ? Toutes ces questions, bien que précipitées au vu de la situation actuelle de l’Ukraine, auront besoin de trouver des réponses, dans un monde futur qui devra aussi faire avec la crise climatique.
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