Le président ukrainien et les dirigeants européens ont soigneusement évité d’entrer dans une logique de confrontation avec Donald Trump, après son sommet raté avec Vladimir Poutine. Il reste à voir si ce qu’ils ont obtenu peut mener, peu ou prou, à la paix. Mais le doute est désormais permis.
Quel contraste. “Vous êtes fabuleux dans ce costume”, a lâché Brian Glenn, un streamer pro-Trump de la chaîne MAGA Real America’s Voice, en marge de la nouvelle rencontre entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump. Le même qui, six mois plus tôt, avait taclé devant les caméras du monde entier le style vestimentaire du président ukrainien dans le bureau ovale.
« Je lui ai dit la même chose », a souri Trump, en se tournant vers Zelensky. « C’est gentil, non ? C’est lui qui vous a attaqué la dernière fois. » Zelenski a effectivement lâché son treillis kaki pour un costume et chemise noir. Plus qu’une anecdote, cela en dit long sur la posture adoptée par le président ukrainien, ce lundi : éviter à tout prix la confrontation.
Le pire a été évité
Après ce qui a été qualifié par beaucoup comme le “sommet de la honte” en Alaska, vendredi dernier, le scénario du pire semblait quasiment inévitable : Trump allait proposer à Zelenski les conditions imbuvables de Poutine, le président ukrainien et les dirigeants européens allaient les rejeter et le président américain aurait accusé ses alliés d’empêcher un accord de paix. Cela aurait sans doute signé la fin de l’aide américaine à l’Ukraine, mais surtout, la plus grave crise de l’histoire de l’alliance Atlantique.
Au lieu de cela, Zelensky et les sept dirigeants européens ont préféré éviter de revenir sur les échecs de Trump face à Poutine, en soulignant son travail pour mettre tout le monde autour de la table. Visiblement, les Européens avaient bien accordé leurs violons.
Ce que Zelensky a obtenu
Ils ont non seulement évité le pire, mais ils ont également obtenu certaines garanties des États-Unis. L’équilibre reste très fragile, mais Donald Trump a ouvert la porte à un rôle de son pays pour assurer la sécurité de l’Ukraine, en cas d’accord de paix. Sans entrer dans le cadre otanien, les conditions seraient proches de celles offertes par l’article V, qui veut que l’attaque contre un État membre enclenche une réponse automatique de l’alliance.
Donald Trump a par ailleurs évoqué l’envoi de troupes américaines en Ukraine, mais plutôt pour jouer un rôle de “coordination” des garanties de sécurité qui seraient portées “par divers pays européens”, a écrit le locataire du bureau ovale, sur Truth Social. “Nous apprécions le signal important des États-Unis, qui indiquent qu’ils sont prêts à soutenir et à participer à ces garanties”, a indiqué Zelensky sur X.
Le président ukrainien a aussi obtenu la perspective d‘une rencontre avec Vladimir Poutine “dans les deux semaines”. C’est en tout cas ce qu’a déclaré le chancelier allemand Friedrich Merz, après un appel entre Trump et le président russe, en cours de journée. Du côté du Kremlin, on est moins affirmatif. “L’idée” a été évoquée qu’”il serait utile d’explorer la possibilité d’accroître la représentation des parties russe et ukrainienne”, a ainsi déclaré Iouri Ouchakov, proche de Poutine, selon l’agence de presse officielle russe RIA. Autrement dit, via des délégations élargies.

Ce qui reste en suspens
Au-delà de cette potentielle rencontre entre Zelensky et Poutine, l’optimisme affiché par Trump et le président ukrainien reste à relativiser. Seuls Merz et Emmanuel Macron ont osé évoquer un “cessez-le-feu”, alors que celui-ci n’est plus au programme du président américain, qui vise directement un accord de paix, comme le Kremlin.
Ensuite, il y a la question des territoires. Celle-ci se traitera directement entre le président ukrainien et le locataire du Kremlin, a prévenu Zelensky, avant d’ouvrir la voie à une éventuelle rencontre tripartite, avec les États-Unis, voire à une quadripartite, avec les Européens.
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De tous les dirigeants européens, le président français était sans doute celui qui affichait la plus grande prudence, estimant que Vladimir Poutine n’était pas “digne de confiance” qu’il fallait mettre sur la table “de nouvelles sanctions”, si le président russe faisait capoter les négociations. Le président américain a pourtant bien tenté de convaincre Emmanuel Macron : “Je pense qu’il veut conclure un accord pour moi, tu comprends ? Aussi fou que cela puisse paraître”, peut-on l’entendre commenter dans une séquence captée discrètement par CNN. Mais le président français garde “des doutes”.
Comme un rappel, la Russie a lancé sa plus grande attaque depuis le mois de juillet contre l’Ukraine, durant la rencontre entre Trump et ses alliés européens.
L’équilibre reste donc fragile. Mais au moins, la relative unité du monde occidental a pu être préservée. On est passé du scénario catastrophe aux doutes de la paix.