De mal en pire pour le canal de Panama : la sécheresse et les délais ne devraient pas se résorber de sitôt
Artère du commerce mondial, le canal de Panama tourne au ralenti. Avec la sécheresse, le nombre de navires pouvant passer est diminué, ce qui crée des retards dans le fret mondial. Les exportateurs de céréales sont les plus impactés. Il n’y a pas d’amélioration en vue avant quelques mois.
Le canal de Panama fait la Une de l’actualité économique depuis quelques semaines déjà. La sécheresse qui accable la région a comme résultat que le passage entre l’Océan Pacifique et la Mer des Caraïbes (et l’Océan Atlantique) devient plus difficile. Des files se créent donc, le temps d’attente se rallonge et les prix de transport augmentent.
Une situation qui peut devenir ubuesque : le Japonais Eneos Group a par exemple payé près de quatre millions de dollars pour dépasser la file (via la vente aux enchères d’un créneau devenu libre), début novembre. D’autres acteurs abandonnent l’idée et font le tour du continent sud-américain pour éviter l’attente.
Passages limités
La mauvaise nouvelle est que la situation ne devrait pas s’améliorer de sitôt, au contraire. Il faudrait attendre la saison des pluies, c’est-à-dire avril ou mai, pour voir les réservoirs se remplir à nouveau et un retour à la normale, selon des analystes cités par Reuters. “Du jamais vu en 50 ans d’expérience dans le milieu”, décrit l’un d’entre eux.
Mais d’ici-là, il faudra prendre son mal en patience. En temps normal, 35 navires environ peuvent passer tous les jours. Mais avec la sécheresse, ce nombre a graduellement été baissé, jusqu’à 22 aujourd’hui. En février, ce nombre passera même à 18, soit la moitié du trafic habituel.
Victime collatérale : le transport de céréales
Le passage est compliqué pour tous les navires qui veulent passer. Mais par un concours de circonstances, il est encore plus difficile pour les transporteurs de céréales. De surcroît ceux venus du Golfe du Mexique, dans le sud des États-Unis (soit plus de la moitié des exportations américaines), et qui partent pour l’Asie.
En ce moment, c’est le pic de la saison des exportations. Mais contrairement aux porte-conteneurs ou aux bateaux de croisières, qui réservent leur passage généralement des mois à l’avance, les transporteurs de graines ne réservent leur slot que quelques jours à l’avance. Résultat : ils se retrouvent à la fin de la file. Leur temps d’attente atteint jusqu’à trois semaines. Et payer le “ticket d’or” d’un créneau qui se libère, aux enchères, n’est souvent pas dans leur budget.
“Le commerce des céréales et le segment des vraquiers seront les derniers clients à passer par le canal de Panama. Je ne compterais pas sur le canal de Panama de sitôt”, estime Mark Thompson, courtier chez Olam Agri, auprès de Reuters.
Ces navires changent donc de route, en passant par le Canal de Suez (où ils risquent d’être attaqués par les rebelles Houthis du Yémen) ou en contournant le continent africain ou sud-américain. Ou en partant depuis le Nord-Ouest américain. Mais cela prend plus de temps et coûte donc plus cher.
Hausse du prix ?
Le fret maritime et de céréales vient en plus de traverser deux crises. D’abord la pandémie et le chaos général des chaines d’approvisionnement maritimes, qui venait enfin de se résorber plus ou moins. Puis la guerre en Ukraine qui a poussé les prix des céréales vers des sommets, sur les marchés internationaux. Le voilà déjà confronté à une nouvelle crise.
Il reste finalement à voir si les prix vont devenir plus élevés pour le consommateur final, et si, ou comment, les transporteurs et les différents intermédiaires reportent le coût sur leur client. Et comme les marchés sont souvent connectés, cela pourrait aussi influencer le prix des graines chez nous. Cela alors que l’inflation des produits alimentaires est toujours élevée. Voilà pour les graines, mais cette question de la hausse du prix se pose aussi pour d’autres marchandises transportées par voie maritime.
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