Elon Musk a-t-il trop de pouvoir ? L’inquiétude monte d’un cran
Elon Musk, l’homme le plus riche de la planète, rencontre régulièrement des dirigeants du monde. Son influence semble gagner encore en ampleur, certains n’hésitant pas à le qualifier de force semi-étatique. Lors de l’Assemblée générale des Nations Unies de cette semaine, ils étaient nombreux à vouloir le rencontrer. Au point de susciter la controverse.
Musk est devenu au fil du temps une figure hyper exposée et ses brusques changements d’attitude font l’objet d’innombrables articles et livres. Si depuis 2017 le milliardaire caricature son personnage public, la nature et l’étendue de son pouvoir sont moins bien comprises.
Un acteur majeur
Avec ses satellites, ses voitures électriques, ses milliards de dollars et sa plateforme de médias sociaux, Elon Musk est en réalité un acteur majeur sur la scène internationale. Il a su combiner le “physique” (de grandes usines, de nombreux employés et des produits de grande valeur) et le “numérique” (le contrôle de la diffusion de l’information via X et l’IA). Aucun autre titan de la technologie, que ce soit Mark Zuckerberg ou Jeff Bezos, n’a réussi à faire aussi bien. Cela lui a surtout permis de se construire une « shadow rule », selon le journaliste américain Ronan Farrow. Soit une domination dans l’ombre. Car si, techniquement, Musk n’est pas un diplomate ou un homme d’État, il est de plus en plus traité comme tel.
Les USA dépendent de lui plus qu’ils ne l’avouent
Les États-Unis sont dépendants de Musk dans divers domaines qui vont de l’avenir de l’énergie à l’exploration de l’espace, en passant par les transports. Dans la guerre en Ukraine, le gouvernement américain s’est appuyé sur le milliardaire de la technologie et s’efforce aujourd’hui de le maîtriser. “Nous vivons de ses bonnes grâces”, a déclaré un fonctionnaire du Pentagone à Farrow “Cela craint ». Toujours aux États-Unis, SpaceX est actuellement la seule entreprise à pouvoir envoyer l’équipage de la NASA dans l’espace. Les autoroutes américaines seront aussi équipées de bornes de recharge Tesla. Et pour les rendre compatibles avec toutes les voitures, il a droit à des milliards de subventions. Soit le degré de dépendance des États-Unis envers cet homme serait tel qu’il n’a été que peu, voire jamais, atteint. Et le pouvoir de Musk ne cesse de croître. Sa prise de contrôle de Twitter, qu’il a rebaptisé “X”, lui offre un forum essentiel pour le discours politique avant la prochaine élection présidentielle.
Certain compare l’attitude de Musk à celle de Louis XIV : “L’état, c’est moi”. “Et lorsqu’on demande à Musk s’il a plus d’influence que le gouvernement américain, il répond tout naturellement: “D’une certaine manière oui”.
Traité avec égards par les grands de ce monde
Mais les autorités américaines sont loin d’être les seules à chercher les bonnes grâces de Musk. La preuve encore cette semaine. Lorsque les dirigeants du monde entier qui se sont rendus à New York pour l’Assemblée générale des Nations Unies, le président turc Recep Tayyip Erdogan, mais aussi le président israélien Netanyahu, qui malgré les polémiques autour de la hausse de l’antisémitisme sur X (ex-twitter), ont rencontré Musk.
Ce n’est pas la première fois que des dirigeants mondiaux en visite officielle aux États-Unis en profitent pour rendre aussi une petite visite à Musk. On a même assisté à un véritable défilé. Rien que cette année, l’homme le plus riche du monde a rencontré, entre autres, les dirigeants de la France, de l’Italie, de l’Inde, de la Corée du Sud.
Certains dirigeants étrangers cherchent à donner un coup de pouce à l’économie et à l’industrie des véhicules électriques grâce à une nouvelle usine Tesla. Le président français Macron a même « courtisé » le magnat de la technologie à trois reprises depuis décembre. Une offensive de charme motivée par le désir d’une nouvelle gigafactory Tesla dans son pays. D’autres dirigeants veulent plutôt s’entretenir à propos d’investissements dans les infrastructures de communication ( SpaceX ou les satellites Starlink) ou encore de X (ex-Twitter), voire de l’avenir de l’intelligence artificielle.
Et puis il y a les pays qui, comme la Chine, reçoivent Musk comme un chef d’État. Lors d’un voyage à Pékin au printemps dernier, il a été accueilli avec ce que Reuters a résumé comme “des flatteries et des festins”. Il y a rencontré de hauts fonctionnaires, dont le ministre chinois des Affaires étrangères, et même posé pour des photos officielles.
L’influence géopolitique croissante de Musk
Si nombre de ces rencontres ont donc ostensiblement porté sur les importants intérêts commerciaux de M. Musk, l’influence géopolitique mondiale de l’homme se fait pourtant de moins en moins discrète.
Si ce n’est pas la première ingérence d’hommes venus du privé dans l’histoire des nations, l’influence de Musk est de loin la plus effrontée et la plus étendue. Il existe peu de précédents où une personne civile devienne l’arbitre d’une guerre entre nations, comme le fait Musk aujourd’hui en Ukraine.
Une influence géopolitique que Musk, qui ne se cantonne pas seulement à l’Ukraine, affiche de façon toujours plus ostensible. Les récentes déclarations de ce citoyen américain, né en Afrique du Sud, et ses commentaires désinvoltes, sur la politique de la “Chine unique” de Pékin à Taïwan, ont fait de nombreux remous. Elles alimentent aussi les critiques contre Musk selon lesquelles il est prompt à acquiescer aux demandes d’autres pays, même lorsqu’il s’agit d’adversaires des États-Unis. Et l’allégation, selon laquelle l’entrepreneur aurait “secrètement demandé à ses ingénieurs de désactiver la couverture internet “, pour empêcher une attaque furtive de l’Ukraine, aura fini de réveiller les craintes.
Selon Cohen, ancien journaliste au New York Times, il est devenu une force “quasi gouvernementale”. Or, toujours selon Cohen, le fait que M. Musk et d’autres magnats non élus puissent prendre des décisions unilatérales ayant des conséquences géopolitiques importantes est une mise en garde contre la concentration des richesses et l’affaiblissement de la démocratie. “Elon veut désespérément que le monde soit sauvé. Mais seulement s’il peut être celui qui le sauve” dit l’un de ses anciens collaborateurs. Or “ce n’est pas parce qu’on est bon en programmation ou en affaires qu’on est bon pour établir des règles sur la façon dont le monde devrait fonctionner » conclut Cohen.
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