Doit-on craindre une nouvelle flambée du prix du gaz cet hiver ?

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Les indicateurs sont rassurants pour cet hiver, notamment au niveau des stocks. Mais le contexte géopolitique inquiète et la réforme du marché européen de l’électricité, dont le prix est lié au gaz, est incomplète.

Les premiers jours froids de l’automne ont ravivé les craintes d’un nouvel hiver difficile sur le plan énergétique. De même que le tumulte de la guerre en Ukraine et au Proche-Orient. Comme un signal d’alerte, le prix de référence du gaz a dépassé les 50 euros/MWh, mi-octobre, laissant planer l’ombre d’une remontée, même si l’on reste bien loin des quelque 200 euros de l’hiver dernier. Doit-on craindre une nouvelle flambée des prix du gaz et de l’électricité? Deux éléments, à court terme, rassurent. Mais deux épées de Damoclès restent suspendues au-dessus de nos têtes.

1. Des stocks de gaz bien remplis

Généralement alarmiste, Damien Ernst, professeur à l’ULiège, rassure: il ne voit pas pourquoi le prix resterait autour des 50 euros/MWh. “Je n’ai jamais vu les stocks aussi remplis à la fin octobre, souligne-t-il. Ce prix de 50 euros n’est pas un point d’équilibre à court terme pour les marchés.” Le 24 octobre, le taux de remplissage se situait à 98,2% et les réserves en gaz liquéfié s’élevaient à 62%. De quoi voir venir les jours plus froids.

2. Une dépendance moindre à l’égard de la Russie

Lors de la présentation de son rapport sur l’état énergétique de l’Union, la Commission européenne a souligné que l’Europe était “mieux préparée pour assurer sa sécurité énergétique” cet hiver. La dépendance à l’égard des énergies fossiles a été “drastiquement réduite”. L’importation de gaz russe représentait 45% de notre consommation en 2021, soit 155 milliards de m3, elle est tombée à 24% en 2022 et se réduit encore de moitié en 2023. Les Etats-Unis, la Norvège, le Qatar et l’Azerbaïdjan remplacent l’apport venu de Russie. La plateforme commune d’achat mise en place au niveau européen porte également ses fruits: l’an dernier, elle a permis d’obtenir 44,75 milliards de m3 en trois jours d’enchères. Bref, les Vingt-Sept ont tiré les leçons de la guerre en Ukraine.

3. Une réforme du marché électrique incomplète

L’Union européenne a également réformé son marché de l’électricité. L’accord conclu entre les pays, à la mi-octobre, doit encore être avalisé par le Parlement européen, mais la division entre la France et l’Allemagne a été surmontée. La négociation n’a toutefois accouché que d’une demi-mesure. Le mécanisme de fixation des prix à court terme demeure inchangé: le prix du MWh reste déterminé par la dernière centrale appelée pour répondre aux besoins en matière de consommation. Or, c’est cela qui avait entraîné l’explosion du prix de l’électricité dans la foulée de celle du gaz. En revanche, des signaux sont envoyés aux marchés: l’utilisation des contrats à long terme entre les producteurs d’énergie décarbonée et les gros consommateurs est encouragée.

Les technologies concernées sont les renouvelables (éolien, solaire, biomasse, hydraulique…), mais aussi le nucléaire. “C’est un signal de visibilité important pour les investissements”, nous confie Grégoire Dallemagne, CEO de Luminus (lire l’interview en page 26).

4. L’énergie reste une arme

S’il estime que le prix du gaz devrait baisser, Damien Ernst précise: “sans frappes sur les infrastructures énergétiques”. Ce n’est pas une figure de style. Dans la nuit du 7 au 8 octobre dernier, au cœur de la mer Baltique, le gazoduc Balticconnector reliant la Finlande et l’Estonie a été saboté, ainsi qu’un câble sous-marin de télécommunication. Ingénu, le président russe Vladimir Poutine a déclaré qu’il… ne connaissait même pas l’existence de ce gazoduc. Mais le signal envoyé est clair: nous pouvons continuer à frapper vos intérêts énergétiques. De quoi inciter les Européens à rester vigilants.

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